Âgé de 38 ans, Moïse Mané fait du « Madd » (Saba senegalensis) son produit phare. Il en fait « de la confiture », de la conserve et bientôt du jus. Il vaut 3000 pots par saison. En trois ans, il s'est fait un nom et un chiffre d'affaires passé de 400.000 et 2,6 millions de FCfa.
Un vent frais souffle sur la Corniche de Cambérène. L'air propage la brise marine au grand bonheur d'hommes et de femmes qui ressentent la fraîcheur malgré les rigueurs du Ramadan. Dans cette ambiance détendue, Moïse Mané apparaît tout souriant. « La maison est à côté », dit-il, pour nous assurer que la marche ne durera que quelques secondes.
La porte de son salon entrouvert dévoile déjà sa préoccupation. Un pot contenant du « Madd » est posé sur la table. Connu sous le nom scientifique de Saba senegalensis, ce « fruit sauvage sous forme de baie » est présent « principalement dans les forêts et quelques savanes du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Ghana, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, du Mali et du Sénégal ».
Dans un coin de la pièce sont rangées des caisses contenant ce produit. Moïse est un as du « Madd », à travers ses conserves et confitures. Et il a très tôt eu le flair. « C'est depuis ma jeunesse. Dans la cour familiale, on se plaisait de cuisiner le « Madd » en confiture, en boîte de conserve », rigole-t-il, précisant la dose de piment ou de sel qui relevait le goût. Le Baccalauréat l'a mené à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, au département de Lettres.
Poursuivant son cursus, il avait toujours eu un penchant pour l'entrepreneuriat. Il avait déjà pris goût au « Madd ». Pour réaliser son rêve, il recherche et trouve un emploi dans l'objectif de financer son futur projet. « J'ai commencé à travailler dans un centre d'appel. Ce qui m'a motivé, c'est d'économiser un capital », ajoute-t-il.
Sa stratégie était d'économiser la moitié de son salaire. Elle s'est avérée payante. « J'ai serré la ceinture car je devais économiser la moitié du salaire. C'était très compliqué. J'avais dans un coin de la tête la réussite de ce projet. C'était un défi », soutient Moïse Mané, les yeux cachés derrière des lunettes.
Après avoir économisé de l'argent, il s'est attaqué à la formalisation de son entreprise. Ensuite, il conçoit et présente son projet à tout va. « Nous avons participé à Jokkolabs challenge national autour de l'agroalimentaire. Nous avons remporté le 1er prix 2017-2018. Ce qui nous a lancé dans l'entrepreneuriat, avec des accompagnements techniques sur les réalités du milieu », rapporte Moïse Mané.
De 400.000 à 2,6 millions de FCfa
Après Jokkolabs, Moïse Mané décide de taper aux portes du Projet d'appui au développement des compétences et de l'entrepreneuriat des jeunes (Pdcej). Cette structure de l'État propulse son activité. « L'apport du Pdcej a été déterminant. En plus du diplôme en Entrepreneur manager, nous avons été sélectionnés. Nous avons obtenu un financement à hauteur de 10 millions de FCfa », explique Moïse Mané.
L'accompagnement financier a concerné d'abord la construction d'unité de production agroalimentaire à Ziguinchor et le versement du reste en fonds de roulement. Aujourd'hui, il a trois collaborateurs dans son entreprise et produit 3.000 pots de « Madd » par saison vendus entre 1.500 et 4.000 FCfa l'unité. Sa fierté est l'intérêt des Sénégalais pour ses produits. « Les clients viennent en masse et ils apprécient énormément ce que nous faisons. C'est un motif de fierté pour nous », souligne-t-il, le visage radieux.
Fort de ces sollicitations, il a pu franchir un cap, passant d'un chiffre d'affaires de 400.000 FCfa à 2,6 millions de FCfa en quelques années. Aujourd'hui, il veut élargir sa gamme. « De la confiture et la conserve de « madd », je veux passer au jus. L'échantillon est déjà réalisé. Et c'est en train d'être étudié », révèle-t-il.
En dehors du « madd », il veut expérimenter le « toll », une variante du « madd », avec du jus et la transformation de l'anacarde. Derrière ce projet se cache l'ambition de créer de grandes entreprises et employer des jeunes (hommes et femmes). « Je rêve d'une grande entreprise pour faire travailler pas de mal de jeunes, leur montrer que c'est difficile, mais possible », souligne-t-il. Âgé de 38 ans, Moïse Mané veut faire goutter « les Nectars du Sud » aux Sénégalais.