Le Président de la République Monsieur Macky Sall, contrairement à son habitude bien installée, parler aux Sénégalais à travers la presse étrangère durant ses séjours hors du pays, s'est longuement entretenu en Wolof sur la RFM, dans une émission de grande audience avec le journaliste Assane Guèye.
C'est une très bonne chose, même tardivement, que le Président de la République comprenne son devoir de parler régulièrement aux Sénégalaises et aux Sénégalais à travers les médias nationaux, dans les langues nationales.
Des émissions contradictoires du Président de la République avec des journalistes sénégalais, sur des médias sénégalais, devraient se passer au moins une fois par semestre. Cela contribue à la consolidation de la démocratie, à la nécessaire reddition des comptes devant les citoyens et au renforcement de la transparence.
Enfin ce type d'émissions participe à la reconnaissance publique de nos médias nationaux et à la valorisation des journalistes qui les servent.
C'est pourquoi notre espoir est que cette émission ne soit pas l'une des rares occasions saisies par le Chef de l'État pour discuter publiquement avec un ou des journalistes sénégalais sur les affaires du pays.
En fait, le Président de la République est sous pression.
Une opinion majoritaire traduite publiquement par des religieux et quelques hommes politiques dont je fais partie le mettent en demeure de faire le premier pas dans la pacification de l'espace public car étant le premier responsable de la situation conflictuelle actuelle, en renonçant publiquement à une troisième candidature.
La constitution très médiatisée de la F24 qui rassemble plus d'une centaine de partis politiques et d'organisations de la société civile est une menace certaine à son projet supposé de troisième candidature que désormais ses ministres et les démembrements de son parti promeuvent à cors et à cris sur tous les toits.
L'accélèration de la désagrégation de son parti par le départ discret de militants fondateurs de l'APR, la dislocation de sa base affective dans le Sine, le Fouta et le Fouladou, la position d'attente de beaucoup de membres de Benno Bokk Yaakaar et le coup de massue porté ces jours-ci par l'ex Premier Ministre Idrissa Seck constituent de graves menaces au projet de troisième candidature et risquent de réduire à néant toute la stratégie de succession familiale concoctée depuis avril 2019 en vue de convaincre les Sénégalais d'accepter la troisième candidature du Président de la République, de l'élire et de lui donner l'opportunité en cours de troisième mandat de passer la main à son successeur désigné.
La prolifération du fast-food local, ndambé, caakri, foondé, qui supplée au dîner est une preuve irréfutable de la généralisation de la pauvreté que ne peuvent plus cacher les statistiques sur la croissance et la hausse du budget national.
Dire que le Président de la République est un simple meuble au sein du Haut Conseil de la Magistrature devrait faciliter, si tel était le cas, l'abandon de sa présidence au profit du magistrat le plus ancien dans le grade le plus élevé.
En écoutant le Président de la République, nous avons le sentiment que la Constitution est une création divine tombée du Ciel. Elle n'est pas une oeuvre humaine, son oeuvre, comme il aimait le rappeler pour convaincre les Sénégalais de l'impossibilité de briguer un troisième mandat.
Le Président de la République est monté au créneau, arborant la tunique de l'innocent, empruntant la voix pleine de douceur de leuk le lièvre, ne laissant poindre qu'à de rares occasions les sarcasmes rauques de bouki l'hyène, sur un beau plateau argenté, re-proposer le délicieux fromage de chèvre qu'est le « dialogue politique ». Il renouvelle ainsi sa proposition du discours décevant du 3 avril 2023.
Notre Président de la République n'est pas ndiombor comme le Président Senghor aimait appeler le Président Abdoulaye Wade.
En effet l'enveloppe du fromage de chèvre qu'il fait miroiter à ses interlocuteurs ne contient pas la question de la troisième candidature qui est essentielle pour l'opposition, pour une partie silencieuse de sa coalition et pour la majorité de l'opinion publique.
Aller à la table de négociation du « dialogue politique » pour discuter durant une à deux semaines du parrainage qu'il pourrait même décider héroïquement d'accepter de supprimer, serait tout simplement le meilleur moyen de valider aux yeux de l'opinion publique cette troisième candidature qui lui brûle les lèvres et qu'il n'ose pas annoncer.
Le « dialogue politique », en supprimant le parrainage, lui permettrait ainsi de repousser le plus tard possible sa déclaration de candidature, au moment où tous les candidats seraient focalisés sur la conquête de l'électorat.
Le Président de la République déroule un film de science-fiction, il anticipe sur la désapprobation largement partagée de sa candidature. Comme la contre attaque de l'Empire, il tisse son stratagème en vue de prendre dans son filet imaginaire la majorité de l'opposition.
Car toute cette opération de charme ne s'intéresse aucunement au renforcement de notre démocratie, à la consolidation de nos institutions. Elle a pour unique objectif la légitimité politique par défaut de sa troisième candidature.
N'est pas leuk le lièvre qui le veut!
Cachés dans la termitière par leur mère, écoutant la voix suave imitant leuk le lièvre, les malins cabris ont reconnu bouki l'hyène. Ils n'orneront pas son dîner.
Dakar, samedi 22 avril 2023