La République démocratique du Congo par son représentant Georges Nzongola : tout feu tout flammes mercredi 19 avril dernier à New York. C'était à l'occasion de la réunion consacrée à la situation dans la région des Grands Lacs au Conseil de sécurité. Le représentant permanent de la RDC à l'ONU a commencé par interpeller les 15 membres du Conseil de sécurité dont la présidence est assurée par la Russie, sur les velléités expansionnistes du président Kagame.
Il a, à cette occasion, appelé cet organe décisionnel des Nations Unies à condamner et à rejeter les propos expansionnistes du président rwandais qui affirme faussement qu'une partie du territoire du Rwanda a été donnée au Congo à l'époque coloniale. Et de rappeler que ce n'est pas la première fois que les dirigeants rwandais propagent ces mensonges alors que les historiens ont prouvé qu'aucun roi du Rwanda précolonial n'avait réussi à conquérir ne serait-ce qu'un petit morceau du Congo actuel.
En cela, ajoute le diplomate congolais, la République démocratique du Congo n'entend pas laisser l'homme fort de Kigali matérialiser son plan de balkanisation en insistant : «La RDC défendra chaque pouce de son territoire».
Taclant le président rwandais, le représentant de la RDC à New York a ajouté : « Mais Kagame, qui vient d'une famille royale, aimerait accomplir ce que ses ancêtres ont échoué à faire» avant de conclure sur ce point : « Ces propos, que le Conseil de sécurité doit condamner et rejeter, révèlent des velléités expansionnistes qui exacerbent les tensions dans la région. Pour rappel, l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation est un principe clef qui a été consacré par l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) dès le 21 juillet 1964 au Caire».
FDLR, un faux-fuyant
Le représentant de la RDC au Conseil de sécurité a poursuivi dans la verve oratoire retenant l'attention des 15 membres en clarifiant un point mentionné dans le rapport du secrétaire général de l'ONU au sujet des FDLR. Contrairement aux «accusations mensongères» selon lesquelles l'armée congolaise collabore et soutient ce groupe armé, il a cité cinq opérations d'envergure unilatérales et conjointes que les Forces armées congolaises (FARDC) et les Forces de défense rwandaises (RDF) ont menées contre les FDLR entre janvier 2009 et février 2022.
Le «résidu FDLR» dont le leadership a été « décapité » par l'armée congolaise, au cours de ces opérations, ne constitue plus une menace militaire pour le Rwanda, a-t-il affirmé, pour qui il est plutôt une source d'insécurité socioéconomique en RDC, et ce, « au profit du Rwanda ». Ce dernier, a-t-il dit, est le plus grand bénéficiaire du « résidu FDLR » car c'est un prétexte qui lui permet d'agresser la RDC et de piller « allègrement » ses ressources naturelles.
«Nous entendons souvent des Rwandais fidèles au régime dictatorial de Paul Kagame dire que les Congolais menacent leur pays par leur collaboration avec les FDLR et la haine ethnique contre les locuteurs du kinyarwanda. Or, jusqu'à présent, nous n'avons pas vu d'exemples crédibles de violences xénophobes comparables à celles perpétrées dans d'autres pays », a-t-il précisé.
Pas question de négocier avec le M23
Le représentant permanent de la RDC a réaffirmé sur ce chapitre que le gouvernement congolais ne négociera pas avec les terroristes du M23 appuyés par le Rwanda. Il se justifie en ces termes qu' « aucun pays que nous connaissons aujourd'hui négocie avec les terroristes » et avant d'ironiser « le Rwanda n'a jamais négocié avec les FDLR ». Alors, insiste-t-il, « pourquoi est-ce qu'on demande à nous de négocier avec le M23 ? »
« Ma délégation tient à répéter, comme l'avait souligné le chef de l'État de la RDC, son excellence Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, en conformité avec la décision du Parlement de la RDC que, les éléments des groupes armés n'intègreront jamais les FARDC. Nous le répétons : nous n'allons pas négocier avec le M23 », a-t-il déclaré.
«Nous insistons sur le pré-cantonnement des éléments du M23 dans son camp de Kiwanji avant d'être conduit au Maniema. Ceci est en accord avec la feuille de route conjointe Luanda-Nairobi, qui est adoptée par le mini-sommet de Luanda du 23 novembre 2022, ainsi que par le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine et par ce Conseil de sécurité », a-t-il ajouté.
Et de renchérir : le projet de cantonner le M23 dans le territoire congolais, loin du Rwanda, est « indispensable » pour un véritable désarmement de ces « terroristes » pour mettre fin aux massacres de masse « comme ceux de Kishishe survenus dans la période allant du 22 novembre au 1er décembre 2022. Kishishe était pleinement occupé par les terroristes du M23 appuyés par les troupes rwandaises du RDF ».
Le Rwanda en faveur d'un dialogue avec le M23
Le Rwanda a mal de voir que le gouvernement de la RDC s'oppose au dialogue avec le M23. Le représentant permanent du Rwanda à l'ONU, Claver Gatete, a fustigé ce refus ferme de la RDC en soulignant que la position des autorités congolaises est un obstacle pour le retour d'une paix durable dans l'Est de la RDC.
Jouant à l'avocat du M23, le diplomate rwandais a affirmé que « le retrait des zones qui avaient été prises, qui sont maintenant occupées par les forces régionales de l'EAC, témoigne de l'effort régional, des fruits que celui peut porter, et la détermination du M23 de respecter la feuille de route arrêtée par les dirigeants régionaux à Luanda et à Nairobi ».
«Alors que les préparatifs du quatrième round de négociations de paix de Nairobi, ayant pour but de contenir les groupes armés congolais, se poursuivent, le facilitateur a recommandé l'inclusion du M23, étant donné qu'il est nécessaire de respecter les recommandations de Luanda », a-t-il expliqué avant d'avouer : «La position de la RDC nous dérange étant donné qu'elle est un obstacle aux efforts continentaux et régionaux pour arriver à une paix durable dans l'est de la RDC ».
Et d'ajouter : « Ces négociations ne sont plus possibles, une fois que le M23 sera pleinement retiré, le mécanisme de paix pourrait se heurter à une nouvelle impasse, et la conséquence serait la recrudescence des atrocités ».
Le président congolais a refusé toute forme de dialogue avec le M23 « tout simplement parce que c'est au moyen de ce genre de dialogue qu'ils profitent de la situation pour nous infiltrer. Infiltrer des éléments qui, plus tard, vont créer des revendications fallacieuses et justifier leur agression de la RDC».
L'envoyé spécial de l'Onu pour les Grands Lacs joue à la désescalade
L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour la région des Grands Lacs, Huang Xia, a appelé, dans son rapport à la mise en oeuvre de l'Accord-cadre d'Addis-Abeba, à soutenir les efforts de paix régionaux, car regrette-t-il, « la confiance entre les deux pays semble être au plus bas ». Face à cette situation, fait-il remarquer, le soutien du Conseil de sécurité est « déterminant, vital et urgent ».
« Le processus de Luanda mené par le président Lourenço de l'Angola qui vise au rétablissement d'une relation apaisée entre la RDC et le Rwanda. Le processus de Nairobi mené par la Communauté de l'Afrique de l'Est sous la présidence du président Ndayishimiye du Burundi avec la facilitation de l'ancien président Uhuru Kenyatta. Il combine consultations politiques et efforts militaires », a-t-il expliqué.
Plus que jamais, dit-il, la région des Grands Lacs a besoin du Conseil de sécurité pour favoriser une désescalade immédiate des tensions dans la région, pour encourager une solution politique à la crise actuelle, pour soutenir une mise en oeuvre plus sérieuse de l'accord-cadre d'Addis-Abeba.
« Nous devons profiter de la petite fenêtre d'opportunités ouverte actuellement. Nous devons favoriser une réelle baisse de tensions. Nous devons soutenir les efforts de la région pour mettre fin à la crise. Nous devons enfin encourager la mise en oeuvre intégrale de tous les engagements pris un titre de l'accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région », a-t-il ajouté.
Le portrait de la situation dans la région des Grands Lacs est très contrasté, a noté Huang Xia. « D'un côté, quelques pas encourageants. De l'autre, une situation sécuritaire et humanitaire toujours aussi inquiétante. Ce contraste exige de ce Conseil et de l'ensemble des partenaires de la région, que nous renouvelions et renforcions nos efforts », a-t-il conclu.