Après le décès d'Eliakim Fanfan, quatre ans, en octobre 2022, un autre garçonnet de trois ans a été admis à l'hôpital de Candos après avoir avalé de la méthadone le vendredi 14 avril. Aussi, le ministère de la Santé compte changer le mode de distribution de cette substance. Mais comme elle est liée à des trafics au lieu d'être avalée immédiatement comme préconisé, existet-il des alternatives pour traiter les consommateurs d'héroïne ? Quelle est son efficacité ?
En octobre 2022, la mort d'Eliakim Fanfan, décédé après avoir avalé de la méthadone appartenant à son grand-père, avait choqué plus d'un. Ce médicament distribué aux héroïnomanes voulant se désintoxiquer doit en principe être ingéré, aussitôt distribué. Une consigne dont certains font fi pour la revendre ou l'avaler ultérieurement. Hélas, cette pratique a entraîné le décès du garçonnet et un autre petit de trois ans en a été victime le 14 avril. Il aurait avalé la méthadone d'une amie de sa voisine et a été admis à l'hôpital de Candos jusqu'à jeudi dernier quand il a eu sa décharge.
Subséquemment, le ministère de la Santé a annoncé que la distribution de la méthadone se ferait dans les dispensaires et mediclinics. Mais face aux risques de trafic ou de consommation différée, quelles alternatives existent pour la désintoxication des consommateurs d'héroïne ? Selon Ally Lazer, président de l'Association des travailleurs sociaux de Maurice, le protocole du programme de méthadone était bien parti au départ. «Désormais, cette pratique se résume à consommer du alouda au bazar central avec la possibilité de l'emporter à la maison. Pourtant, la distribution de la méthadone ne devrait pas se faire ainsi. J'ai passé plusieurs mois dans une clinique spécialisée à Londres. Dans ce pays, cette dispensation se fait dans une structure bien établie», déclare-t-il. Un modèle à instituer à Maurice, ajoute-t-il.
Selon lui, des milliers de jeunes sont devenus accros à la méthadone à cause du trafic. «75 % des toxicomanes adhérant à ce programme ne boivent pas la méthadone dès la distribution. Le protocole veut qu'un infirmier la fasse avaler aux patients en présence d'un policier. Comment se fait-il qu'on ait récemment arrêté une personne avec trois fioles de méthadone ?» À la place de la méthadone, Ally Lazer cite la naltrexone, qui fut utilisée localement. D'autres produits peuvent être déterminés en consultation avec l'Organisation mondiale de la santé. Il faut donc restructurer la dispensation de la méthadone, suggère-t-il.
D'ailleurs, précise Imran Dhannoo, responsable du centre Idrice Goomany, il ne faut pas diaboliser le programme de la méthadone. Depuis 2006, plusieurs organismes plaidaient pour ce médicament pour traiter les héroïnomanes. «La décentralisation de la distribution de la méthadone vers les centres médicaux est appréciable. Auparavant, c'était dans des caravanes, puis des postes de police. Sous ce système, il peut y avoir des détournements du produit dans ces lieux avec le renflouement des gens et une absence de contrôle qui peut survenir», constate-t-il. Toute maladie doit être soignée comme un problème de santé publique, donc en milieu hospitalier.
Outre la méthadone, il mentionne la suboxone. À un moment donné, ce produit n'était plus disponible. Est-ce toujours le cas ? Une réponse du ministère de la Santé est attendue. «Auparavant, nous avions la codéine phosphate pour la désintoxication des usagers d'héroïne. Cependant, depuis la fin de 2021, nous ne recevons plus ce médicament des autorités. Bien que la codéine ne soit pas evidence-based, selon le ministère de la Santé, faute de mieux, on y recourait comme médicament de base. De plus, tout le monde ne veut pas forcément adhérer à la méthadone», affirme-t-il.
À ce propos, ce produit n'est pas toujours recommandé aux jeunes car elle peut entraîner une baisse de la libido, ajoute-t-il. D'où le besoin d'alternatives. Comment cela se passe à l'étranger ? À La Réunion, la méthadone est utilisée mais l'île n'a pas un aussi gros problème d'héroïne qu'à Maurice. Puis, il y a le subutex. Des médecins prescripteurs peuvent traiter les toxicomanes qui récupèrent ces produits en pharmacie sous un système bien établi. En Afrique de l'Est, ce produit est aussi prisé. À Maurice, le subutex a toujours été interdit, confirme Imran Dhannoo.
Le Dr David Mété, chef du service d'addictologie au Centre hospitalier universitaire (CHU) de La Réunion, rappelle que la méthadone fait partie des médicaments reconnus comme essentiels à l'humanité et utilisés en France depuis 1995, et par conséquent à La Réunion. Il s'agit du traitement de référence du trouble addictif sévère aux opiacés, confie-t-il. D'après lui, l'évolution du programme du ministère de la Santé a pour objectif d'améliorer la santé des personnes présentant un trouble lié à l'usage d'opiacés dans des conditions sécurisées.
Son application en améliorant les soins devrait réduire le trafic du traitement. «Une partie conséquente de ces patients ne sont pas traités pour des problèmes de confidentialité, ce qui favorise le détournement de la méthadone. Si davantage de personnes sont soignées, si ces usagers sont mieux soignés, il est attendu que le trafic diminuera. Les postes de police ne sont pas des endroits appropriés aux soins», avance-t-il.
Selon lui, le subutex et la suboxone sont disponibles dans d'autres pays comme la France et validés. Cependant, les affaires répétées d'usage détourné du subutex à Maurice rendent difficile le recours possible à ce traitement, déclare-t-il. «Il est toujours plus intéressant d'avoir plusieurs molécules qu'une seule. À l'exemple de la méthadone, la buprenorphine et la naltrexone.»