Ile Maurice: Projet de Smart City - Nuances de gris à Roches-Noires

«Si l'on ne fait rien, dans dix ans, l'endroit est mort.» Nicolas de Chalain, de PR Capital, le promoteur de Roches-Noires Smart City, est direct.

Avec la consultation publique de demain et la nouvelle demande de permis EIA qui sera déposée bientôt, ce projet immobilier revient sous les feux de l'actualité. C'est le quatrième en 18 ans sur ce terrain. Pour les écologistes, c'est si on construit quelque chose que la zone, hautement sensible, mourra. Entre les deux, les habitants, pour qui tout projet a du bon et du mauvais, mais que l'on devrait entendre davantage à partir de ce lundi...

Le projet. Une «smart city» ouverte sur le village

C'est le quatrième projet immobilier de cette zone en 18 ans. Cette Roches-Noires Smart City est développée par PR Capital (Mauritius) Limited, filiale du Groupe City, une société française. Elle s'étend sur 359 hectares. «Nous avons travaillé sur ce projet pendant quatre ans. Nous avons fait 26 drafts avant ce dernier master plan», explique Nicolas de Chalain, représentant de PR Capital. La demande d'Environment Impact Assessement (EIA) pour cette 27e proposition sera faite mi-mai.

Une précédente avait été mise de côté, en 2022. En attendant, le promoteur va rencontrer le public demain, à 17 h 30, au Community Centre, pour lui en faire part et «expliquer tout ce qui sera mis en place pour conserver les éléments naturels du site»... À ce propos, quelle superficie de bâti sur cet immense espace ? «22 %, incluant le golf», soit 10,5 % de constructions, répond Nicolas de Chalain.

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En quoi cette smart city, concept qui, souvent, finit concrètement par un centre commercial, des logements et des espaces bureaux, mérite son nom ? «Elle sera vraiment intégrée au village. Ce ne sera pas une gated community, les habitants y auront accès.» Un boulevard public traversera la smart city, en gros, d'Ouest en Est, sur 3 km. L'idée est de pouvoir y marcher, y pédaler ou y rouler depuis le village, que les habitants continuent à avoir accès aux lieux où ils ont l'habitude d'aller, tels Trou-Diable, Bassin Laver et aux services qui seront disponibles.

Mais encore, que prévoit-elle ? Une école, un centre sportif, une maison de retraite, un centre de bien-être dont un spa des espaces commerciaux avec magasins de détail, marché couvert pour les producteurs locaux, restaurants, bars, cafés, salons de beauté, pharmacie, installations médicales, des espaces de co-working et un centre de recherche avec des pouponnières de plantes endémiques notamment, des espaces pour les autorités locales, un bureau de poste ou une station de police, une zone de conservation de la flore endémique... et, bien sûr, un hôtel (en rez-de-chaussée avec toits en chaume, matériaux durables et sans accès à la plage), le golf et des résidences. À ce titre, sont prévus entre autres des appartements, des duplex et des villas dans de grands jardins autour du golf. Une partie pour les Mauriciens (environ 750 sur les quelque 1 500 logements) et une pour les étrangers.

C'est un projet sur dix ans, en trois phases. La première, d'environ quatre ans, étant la construction du boulevard de la route B15 (Brasd'Eau Road) qui reliera la route côtière, et les espaces commerciaux, les appartements, la maison de retraite, le golf, l'hôtel et le spa. Ne risque-t-on pas de retrouver comme avec JinFei, un projet à moitié fantôme, faute de moyens ? «Non, le groupe City a déjà son portefeuille de clients.» L'on parle là tout de même d'un investissement total d'environ Rs 41 milliards. En février, La Voix du Nord évoquait des retards de paiement et de chantiers de ce groupe dans deux villes françaises.

Et l'eau dans tout cela ? Golf, hôtel, résidences accroîtront la pression hydrique. Forage des nappes phréatiques, bassin de rétention, eau pluviale, recyclage, dessalinisation... plusieurs procédés seront mis en place. «Il n'y aura pas de fosses septiques (comme c'est le cas avec les campements en bord de mer) mais des stations d'épuration dont l'eau traitée sera utilisée pour l'irrigation.»

Mais la question cruciale est celle de l'écosystème, du barachois, des bassins, des marécages, des grottes. «Nous n'y touchons pas. Ils seront nettoyés, entretenus, il y aura une zone tampon de 30 à 100 m pour éviter toute construction autour des wetlands. L'hôtel sera autour du barachois et devra veiller à son intégrité.» S'ajoute un programme pour planter des mangroves, pour nettoyer les espèces invasives et permettre aux plantes endémiques de se développer, pour protéger le coq des bois. «Nous avons même prévu un passage de circulation pour la faune, tels les crabes.» Nicolas de Chalain précise avoir entrepris une série d'études, en collaboration avec l'écologiste réunionnais Pierre Yves Fabulet de l'agence CYATHEA, afin de minimiser au maximum l'impact du projet sur l'environnement.

«En ce moment, le site est plein d'ordures, les gens viennent voler des pierres de lave avec des pelleteuses et détruisent tout sur leur passage, les espèces indigènes envahissent tout. Si l'on ne fait rien, dans dix ans, de toute façon, c'est mort...»

L'étude sociale. Des interactions limitées

En janvier/février, Alternet Research and Consulting Ltd (créée par feu Jean Claude Lau Thi Keng et Jérôme Boulle) a effectué un Social Impact Assessment pour PR Capital. La première fois que les habitants ont été consultés sur un projet de développement remonte à 2005. Avec tous les échecs précédents, autant dire que leur confiance est ébranlée et qu'ils ne savaient plus trop de quel projet il était question. De plus, l'expérience d'Azuri, dont ils ne profitent guère et coupé d'eux, les a refroidis.

Le village compte presque 6 000 habitants. L'étude note quatre clusters dans le village : le centre résidentiel du village, la zone défavorisée le long de la route B15, la chaine de bungalows sur le littoral avec les résidences Azuri et celles du Domaine de Levant.

«It has been noted that interaction across these clusters is minimal. Each group limit their encounters to their residential area. Those living in the village centre meet those from deprived areas when they go to the beach. Bungalow, Azuri and Domaine du Levant residents have no contact at all with the local population. (...) The spatial layout of Roches-Noires does not allow for fostering of social relationship among inhabitants. The village centre is separated from the coastal road by a gated residence (Domaine du Levant). The peripheral part of Roches-Noires near the barachois and inhabited by the poorer section of the population is rather secluded from the central part of the village. That pocket area opposite to the luxury bungalows on the coastline have all the characteristics of a deprived area. (...) Roches-Noires does not offer much public spaces that favour social interactions.

There is no open market, no shopping centre, no administrative building. There are a few commercial outlets along the main road in the village centre selling mainly foodstuff and other day-to-day consumed products. Leisure facilities are not available in Roches-Noires. There is only a narrow space with a kiosk and some benches called Waterfront near the barachois. There is only one access to the beach. There is no children's playground. The badly maintained football pitch is insufficient in the opinion of the young population. Villagers spend their leisure time at Cave Madame or Bassin Lavé located on the RochesNoires Smart City but currently the place is littered with garbage.» Le tableau est dressé.

On ne peut pas concevoir les mêmes attentes, appréhensions et priorités pour les habitants de ces différents clusters. L'étude réalisée avec des interviews en face-à-face, des questionnaires, des rencontres de groupe, une immersion dans le village, qui a aussi servi à préparer le terrain, les mesures mitigatives, fait ressortir ces différences : entre le besoin d'emploi - dont la création est estimée à 2500 -, d'accès à des facilités, d'être partie intégrante du projet et les soucis environnementaux, le risque de la fin d'un cadre de vie paisible, naturel et tranquille face à un développement constant.

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