Cote d'Ivoire: Il y a 12 ans, la démocratie triomphait

Le président Alassane Ouattara effectuant son vote à Abidjan (photo d'archives)

3000 morts. C'est le nombre officiel des Ivoiriens qui ont perdu la vie du 15 décembre 2010 au 11 avril 2011. Durant cette période, le quotidien en Côte d'Ivoire a été marqué par des meetings de soutien à Laurent Gbagbo et des marches de protestation contre le régime de la refondation, des négociations de haut niveau et finalement une guerre entre Forces nouvelles et les Forces armées de Côte d'Ivoire. Flash-back sur les faits majeurs qui ont marqué cette période de crise.

Initialement prévue pour 2005 puis 2007, l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire s'est finalement tenue en 2010, le 31 octobre précisément. Attendu par tous les Ivoiriens, ce scrutin aura tenu toutes ses promesses. En témoignent les 80 % de taux de participation. C'est un taux record et historique. Dans un calme olympien, les Ivoiriens se rendent aux urnes. Dans les bureaux de vote sur l'ensemble du territoire national, la mobilisation est totale. Tous les acteurs politiques nationaux et la communauté internationale saluent la très bonne organisation du scrutin par la Commission électorale indépendante (CEI) avec à sa tête Youssouf Bakayoko. Quatorze candidats s'affrontent. Laurent Gbagbo (président sortant) et Alassane Ouattara (ancien Premier ministre) arrivent en tête avec respectivement 38,04 % et 32,07 % des voix. Ils distancent Henri Konan Bédié (25,24 %), Toikeusse Mabri (2,57 %) et les autres candidats qui récoltent moins de 1 %.

Le 28 novembre, les Ivoiriens sont à nouveau dans les bureaux de vote sur toute l'étendue du territoire ivoirien ainsi que dans les dix-neuf autres pays où résident leurs concitoyens. À l'issue de ce second tour de l'élection présidentielle, Alassane Ouattara est proclamé, le 2 décembre 2010, 4e président de la République de Côte d'Ivoire avec 54,10 % des voix. Mais le Conseil constitutionnel invalide les résultats dans les régions du nord et annonce la réélection de Laurent Gbagbo avec 51,45 %. Le représentant spécial du secrétaire général de l'Organisation des nations unies, Young-Jin Choi, conteste les résultats annoncés par Yao Paul N'dré à l'époque président du Conseil constitutionnel et valide ceux de Youssouf Bakayoko. Il proclame Alassane Ouattara, président de la République. Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo prêtent serment tous les deux le 4 décembre 2010.

Commence alors un bras de fer entre les deux camps. Alassane Ouattara a le soutien de la communauté internationale, Laurent Gbagbo celui du Conseil constitutionnel. L'ex-président refuse donc de quitter son poste. Cela entraîne une crise politique pendant plusieurs mois qui se mue en guerre civile. Le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo est arrêté par les forces de son rival, qui est proclamé président le 6 mai 2011 par le Conseil constitutionnel.

Tout commence le 16 décembre 2010. Les partisans du nouveau président élu annoncent une marche sur la RTI, média national. La marche est violemment réprimée. Des bombes lacrymogènes et des grenades sont tirées sur la foule. Elles seront suivies de crépitements d'armes à feu. Les premiers morts d'une longue liste tombent ce jour-là. Les jours suivants ne seront pas de tout repos pour les populations ivoiriennes.

Tentatives de l'UA et de la CEDEAO de négocier le départ de Gbagbo

Sous l'impulsion de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), les présidents africains tentent d'obtenir du Président Gbagbo qu'il quitte le pouvoir de plein gré. Dès le 5 décembre, l'Union africaine (UA) essaye de trouver une issue diplomatique à cette crise avec la rencontre entre Thabo Mbeki, ancien président de l'Afrique du Sud, et les deux présidents. Le 17 décembre, Jean Ping, président de la Commission de l'Union africaine, tente également une médiation. Le 24 décembre, la CEDEAO, dont fait partie la Côte d'Ivoire, organise un sommet extraordinaire à Abuja, au Nigeria. La CEDEAO menace de recourir à « une force légitime », l'ECOMOG, pour contraindre Gbagbo à quitter le pouvoir. Elle mandate les présidents Boni Yayi du Bénin, Ernest Koroma de Sierra Leone, et Pedro Pires du Cap-Vert pour régler la crise de façon pacifique. Ces derniers rencontreront Gbagbo et Ouattara le 28 décembre. Le 3 janvier 2011, Raila Odinga, Premier ministre kényan et envoyé de l'UA, les accompagne. Le 9 janvier, Olusegun Obasanjo, ancien président du Nigeria, le 19 janvier, Raila Odinga et le 25 janvier, Bingu wa Mutharika président du Malawi et président de l'UA tentent à leur tour des médiations. Laurent Gbagbo refuse d'entendre raison. Le 28 janvier 2011, le Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'Union africaine réaffirme sa volonté de trouver une solution pacifique et nomme un panel de chefs d'État pour régler cette crise.

Le 31 janvier, lors de la 16e session ordinaire de la Conférence de l'Union africaine, Jean Ping annonce que le panel est composé des présidents d'Afrique du Sud, Jacob Zuma, de la Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz, du Burkina-Faso, Blaise Compaoré, de la Tanzanie, Jakaya Kikwete et du Tchad, Idriss Deby Itno. Les 21 et 22 février, quatre des cinq chefs d'État du panel viennent à Abidjan pour rencontrer Laurent Gbagbo et Alassane Dramane Ouattara. Blaise Compaoré n'a pu effectuer le déplacement. Les jeunes patriotes s'opposaient à sa présence. Les 9 et 10 mars, le Panel est réuni à Addis-Abeba, Ouattara est présent tandis que Gbagbo se fait représenter par Pascal Affi N'Guessan, président du Front populaire ivoirien. Le Conseil de paix et de sécurité reconnaît la validité de l'élection d'Alassane Ouattara.

Sanctions financière et économiques contre le régime de Gbagbo

L'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) reconnaît également Ouattara comme le vainqueur de l'élection de 2010. Le gouverneur de la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), Philippe-Henry Dacoury-Tabley, qui assurait toujours le financement de l'État dirigé par Gbagbo, est obligé de démissionner le 21 janvier 2011. Gbagbo, pour ne pas être à court de liquidités, organise la saisie des agences de la BCEAO. Le 24 janvier, Ouattara demande et obtient de la communauté internationale un embargo sur le cacao ivoirien, mis en place jusqu'au 8 avril 2011. Le 9 mars, Gbagbo donne jusqu'au 31 mars aux exploitants de cacao ivoiriens pour reprendre leurs exportations sous peine de sanctions financières. La situation économique se dégrade. Avec pour conséquence la fermeture le 9 février de la Bourse régionale des valeurs mobilières d'Abidjan après que des forces restées loyales à Laurent Gbagbo ont envahi ses bureaux. Durant la semaine du 14 au 18 février, des banques, notamment la BICICI, Citibank, la SGBCI, Standard Chartered Bank, Access Bank, la BIAO, la BACI et Ecobank ferment leurs agences, invoquant des problèmes d'ordre technique et sécuritaire. Ces fermetures provoquent une pénurie de monnaie et met l'État ivoirien en difficulté pour payer ses fonctionnaires. Le 17 février, le gouvernement Gbagbo décide de nationaliser la BICICI et la SGBCI. Ce qui permet le paiement des fonctionnaires début mars. À la suite de la fermeture des banques et des ports, les prix de la viande, de l'huile, du sucre et du gaz augmentent fortement. L'approvisionnement en médicaments est très perturbé. La crise débouche sur un affrontement militaire.

Affrontements militaires entre les deux camps

Entre le 12 janvier et fin mars 2011, des affrontements ont lieu à Abidjan. Ces affrontements opposent le « Commando invisible », commandé par Ibrahim Coulibaly dit « IB », aux troupes loyales à Laurent Gbagbo. Ces affrontements ont lieu principalement à Abobo. Puis s'étendent à Adjamé, au nord d'Abidjan, à Yopougon, à Koumassi et à Treichville. La Mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI) accuse les partisans de Laurent Gbagbo de tirer sur des civils, faisant une dizaine de morts à Abobo. Début mars 2011, un conflit éclate dans la région de Moyen-Cavally, à l'ouest de la Côte d'Ivoire. Le 3 mars 2011, une manifestation de femmes à Abobo est réprimée et sept d'entre elles trouvent la mort de façon atroce. Le 6 mars, après des combats, les Forces nouvelles, pro-Ouattara, prennent Toulépleu des mains de miliciens et mercenaires libériens qui avaient attaqué leurs positions. Le 13 mars, Doké est contrôlé par les Forces nouvelles. Le 21 mars, après la création des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI), c'est la ville de Duékoué qui tombe, ce qui laisse le champ libre aux FRCI pour prendre le port de San-Pedro et la capitale politique Yamoussoukro.

Le 28 mars, parallèlement à l'offensive sur Duékoué, les FRCI mènent une attaque à Daloa, dans le centre-ouest, et à Bondoukou à l'est, qu'ils contrôlent le 29 mars. Le 30 mars, elles prennent Soubré, Tiébissou, Gagnoa, Guibéroua, Bocanda, San-Pedro et entrent à Yamoussoukro. Le 31 mars, la capitale économique, est totalement encerclée par les FRCI. Une grande partie des troupes de l'armée, de la gendarmerie et de la police abandonnent leurs postes, à l'instar du chef d'état-major, le général Philippe Mangou qui se réfugie à l'ambassade d'Afrique du Sud avec sa famille. Tandis que les FRCI investissent la ville, les troupes restées fidèles à Gbagbo se positionnent, notamment autour du palais présidentiel au Plateau et de la résidence présidentielle à Cocody. Le 4 avril 2011, la force de l'ONU, l'ONUCI, ainsi que la force Licorne de l'armée française en Côte d'Ivoire, tirent sur des positions pro-Gbagbo, dans le but de neutraliser leurs armes lourdes pour, conformément à la résolution 1975 du Conseil de sécurité, protéger les populations civiles et la force de l'ONU. Le 11 avril 2011, après dix jours d'intenses combats, l'assaut est lancé contre la résidence présidentielle à Cocody. Laurent Gbagbo (accompagné de sa famille) est fait prisonnier avec son épouse Simone par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire. Le 4 mai 2011, les Forces républicaines de Côte d'Ivoire prennent finalement le contrôle de la vaste commune de Yopougon, dernier quartier tenu par les miliciens fidèles à l'ancien président et des mercenaires libériens. La Côte d'Ivoire venait d'ouvrir une nouvelle page de sa démocratie sous la houlette d'Alassane Ouattara

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