Madagascar: L'amertume du président de la Commission de contrôle du financement de la vie politique

Alors que le premier tour de l'élection présidentielle à Madagascar doit avoir lieu dans quelques mois, Rado Milijaona s'insurge : « En 10 ans, ce qui a changé ? Presque rien. Ça fait 5 ans que la commission existe. Sans moyens. Sans compte à contrôler. » Le président de la Commission de contrôle du financement de la vie politique, en poste depuis cinq ans, dresse un bilan négatif dans les domaines de la transparence et du plafonnement des dépenses de campagnes électorales.

À Madagascar, il est un sujet qui patine depuis dix ans maintenant : celui de la transparence et du plafonnement des dépenses de campagnes électorales. Les deux dernières campagnes présidentielles ont été le théâtre pour les candidats du trio de tête, d'une débauche de moyens ayant d'ailleurs permis à l'un d'entre eux de remporter la palme de la campagne la plus coûteuse au monde par voix obtenue.

À bientôt six mois du premier tour de l'élection présidentielle [1] les potentiels candidats n'ont plus que quelques jours devant eux avant de commencer à tenir les comptes de campagne et nommer un trésorier. Une obligation prévue par la loi mais qui, comme tant d'autres règles électorales, peine à être respectée.

Celui qui dirige la Commission du contrôle du financement de la vie politique depuis sa création dresse ainsi un bilan plus qu'amer.

« Aussi bien les partis que les candidats s'en moquent royalement »

« En 10 ans, ce qui a changé ? Presque rien. Ça fait 5 ans que la commission existe. Sans moyens. Sans compte à contrôler. » Rado Milijaona ne mâche pas ses mots. Le président de ladite commission - qui termine son mandat en août prochain - affirme qu'aucun gouvernement n'a eu la volonté d'imposer la transparence ni la traçabilité de l'origine des fonds de campagne, et ce, quel que soit le type d'élection.

« Aux sénatoriales, aucune liste n'a produit de compte, soit 0%, affirme-t-il. Pour la députation, moins de 4% ont produit leurs comptes. Et pire encore, au niveau des communales : que 3% sur presque 10 000 candidats... Ça signifie, qu'on ne s'approprie pas cette histoire de transparence et de redevabilité. Aussi bien les partis que les candidats s'en foutent royalement : tout le monde s'en moque ! Comme la quasi-totalité des politiques publiques développées à Madagascar, on les fait juste pour honorer des exigences et des conditionnalités pour avoir des financements des partenaires techniques et financiers. Et cette commission en est l'exemple typique ! »

Seule possibilité pour opérer un réel changement, selon le magistrat de la cour des comptes : modifier la loi qui régit les élections en imposant des sanctions. Politiques, surtout.

« Un sérieux doute quant à la transparence du financement des prochaines élections »

« Parce que les sanctions d'emprisonnement ou financières ne font pas peur à certains politiciens, estime Rado Milijaona. En revanche, l'inéligibilité aura un impact sur la production de comptes et la transparence. Ça fait cinq ans que la Commission milite à ce sujet. Mais jusqu'à présent, nous ne sommes pas écoutés. Au vu des dix années passées, faites d'effets d'annonces et jamais suivies d'actions concrètes, j'ai un sérieux doute quant à la crédibilité et à la transparence du financement des prochaines élections ».

Lors d'une étude réalisée en 2021 par Transparency International Initiative Madagascar, 64% des citoyens interrogés affirmaient vouloir connaître l'origine des fonds de campagne des candidats. Mais l'absence de sanctions édictées par la loi a prouvé les limites de ce système de contrôle, où toute la transparence repose finalement sur le bon vouloir et le sens de l'éthique des acteurs politiques.

[1] Si toutefois la date proposée par la Commission électorale nationale est validée par décret, ce qui n'est pas encore le cas.

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