Ile Maurice: Affaire Roshi Bhadain - Véritable gifle à l'ICAC et au commissaire de police

L'ICAC avait, le 7 avril, convoqué Roshi Bhadain pour une affaire datant de 2015. Refus de Bhadain de s'y rendre, s'appuyant sur une décision de la Cour suprême qui avait statué qu'il n'y a pas d'obligation de le faire. L'Independent Commission against Corruption (ICAC) a alors menacé Bhadain d'arrestation en brandissant un mandat d'arrêt. Qui n'a jamais été émis.

Le juge en référé est saisi le 19 avril par une demande d'injonction venant de Roshi Bhadain contre cette manière de faire de l'ICAC. L'occasion pour la cour - ce qui est assez rare - de se prononcer. Et pour le public, de découvrir les pratiques des enquêteurs de l'ICAC.

À la première question qu'a posée le juge Patrick Kam Sing à l'avocat de l'ICAC, Me H. Ponen, pour savoir pour quelle raison la commission anticorruption n'a pas informé Roshi Bhadain, dans la lettre de convocation, que si ce dernier ne vient pas à l'interrogatoire, un mandat d'arrêt sera émis contre lui, Me Ponen répond que la lettre est d'un format standard utilisé pour convoquer toute personne. Économie de papier ou de procédure ? On ne le sait.

Mais ce que Me Ponen a jugé bon d'ajouter est tout aussi surprenant et servira la cause de... Bhadain. Ainsi, l'avocat de l'ICAC dira que Roshi Bhadain était libre de venir ou non à cet interrogatoire. Le juge Patrick Kam Sing, qui mène lui-même les débats dans cette demande d'injonction, veut comprendre une chose : puisque, comme vient de le dire Me Ponen lui-même, Bhadain était libre de venir ou pas à l'ICAC, y avait-il alors une nécessité pour l'émission d'un mandat d'arrêt ?

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Deuxième surprise : Me Baungally du bureau du Solicitor General, qui représente le commissaire de police (ce n'est pas le DPP qui le fait), reconnaît alors qu'il n'y a jamais eu de mandat d'arrêt émis par le commissaire de police ! Me Baungally offre alors spontanément une garantie : aucun mandat d'arrêt ne sera émis contre Bhadain jusqu'à la prochaine audience qu'il sollicite car il n'a pas eu le temps, s'excuse-t-il, de lire l'affidavit juré par Roshi Bhadain.

Ce dernier intervient alors pour rappeler à la cour que le surintendant Gérard de l'ICAC lui a bien déclaré lors de la convocation que lui, Bhadain, serait arrêté. Le représentant juridique de la police, Me Baungally, est confus. Il demande une petite pause, le temps de confirmer avec la police les propos de Bhadain. Il faut savoir que c'est toujours à la police d'émettre un mandat d'arrêt et non à l'ICAC. À la reprise de l'affaire, Me Baungally reconnaît qu'il n'y a pas eu de mandat d'arrêt. Pourquoi le SP Gérard a-t-il donc parlé d'arrestation ? A-t-il menti ?

Me Baungally réitère sa garantie qu'aucun mandat d'arrêt ne sera émis contre Bhadain, tout en ajoutant qu'aucune charge provisoire ne sera non plus formulée. Le prenant au mot, le juge Patrick Kam Sing lui demande alors quelle est l'utilité d'une éventuelle accusation provisoire puisque l'enquête a commencé huit années après les faits reprochés. En d'autres mots, pourquoi pas directement une charge formelle puisque l'ICAC ne semblait pas pressée, ayant mis huit ans à démarrer son enquête. La charge provisoire est normalement utilisée dans des situations urgentes. Me Baungally passe la balle au DPP en déclarant que ce sera au DPP de décider s'il faudra instruire une charge provisoire ou formelle. Mais voilà, Me Beeharry, qui représente le DPP ce jour-là, demande que le bureau du DPP ne soit pas partie prenante dans cette affaire, qui est encore au stade de début d'enquête. Pour rappel, le DPP n'intervient qu'à la fin de l'enquête.

Malgré la garantie obtenue de la part de l'ICAC et de la police qu'il ne sera pas arrêté, du moins pas avant que l'enquête ne soit bouclée et l'avis du DPP reçu en ce sens, Roshi Bhadain maintient qu'il compte quand même faire une demande de révision judiciaire de la décision de l'ICAC et de la police, qu'il juge illégale. Il voudrait que la Cour suprême donne une interprétation de la section 50 de la Prevention of Corruption Act (PoCA) utilisée par l'ICAC pour ces interpellations. Lorsque les avocats Ponen et Baungally informent la cour qu'ils sont prêts à en débattre le plus tôt possible - cela en dépit de leur demande de renvoi - le juge Kam Sing leur fait un autre rappel douloureux de la bonne procédure : les débats se feront par affidavits comme cela se fait devant un juge en référé. Rendez-vous est donc donné au 17 mai.

La question que beaucoup de personnes se posent : combien de telles interpellations l'ICAC a-t-elle faites sans que la personne «convoquée» ne soit au courant de son droit de ne pas s'y rendre sans commettre un délit ? Il est vrai - et cela a été mis en évidence dans l'affidavit de Roshi Bhadain - que la commission anticorruption se sert non pas des lois et procédures légales pour arriver à ses fins, mais semble utiliser abusivement son département de communication pour mettre la pression sur la personne qu'elle désire interroger. Combien de fois certains journalistes reçoivent des messages parfois en écrit de la personne en charge de la communication à l'ICAC pour venir couvrir telle ou telle convocation ? Alors que cette même communication est en panne lorsque les journalistes lui demandent des détails sur certains «highprofile cases» et certaines personnalités du ou proches du pouvoir !

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