Depuis que l'Afrique a glissé sous les bottes de l'Europe, le monde a beaucoup évolué et bien plus vite qu'il n'est supposé l'être si l'on se réfère à la cadence générale de l'Histoire. En effet, l'arrivée de l'internet a occasionné toute une révolution, et l'espèce humaine en a profité pour faire des pas de géants dans presque tous les domaines du Savoir.
Il en résulte comme conséquences notoires des fossés qui se sont rétrécis entre les sociétés, mais aussi au sein des communautés et entre les individus, et ce grâce au développement des technologies qui de nos jours ont rendu l'accès à la connaissance et à l'information beaucoup plus simple pour presque tout le monde.
Aux premières heures de l'existence humaine, la connaissance servait de monnaie d'échange ; elle était jalousement gardée comme l'or qui déterminait la masse monétaire mondiale.
Ce qui veut dire qu'elle était conservée, et cachée de toutes sortes de manières. Pour preuve, combien de peuples et de civilisations ont disparu aujourd'hui emportant avec elles leurs précieux savoirs ; des connaissances qui nous font défaut malgré le fait que nous sommes les fils de la Modernité, les Héritiers de tout ce que l'humanité a pu produire jusqu'ici en termes de savoirs.
Nous sommes censés être à tout point de vue plus fort, plus intelligents que les gens du passé. Et pourtant ce n'est pas tout à fait le cas. Les Pyramides d'Égypte, pour ne prendre que cet exemple, demeurent encore pour nous, et à ce jour, un grand mystère.
Certes, nos connaissances sont devenues plus pointues que jamais, mais a contrario, nous nous sommes aussi beaucoup appauvris à cause d'une constante tentative du monde à s'uniformiser dans tous les sens. En effet, il existe de moins en moins de diversité dans la pensée humaine, et dans les cultures sociétales. Ce qui demeure un problème fondamental.
Le monde actuel s'est enrichi de l'ensemble des apports civilisationnels du passé, mais en même temps il s'est aussi beaucoup appauvri. Le savoir universel que nous avons reçu des générations antérieures a toujours été drainé vers une sorte d'entonnoir au lieu d'être un fût troué, de toute part, où jaillissent de tous les trous des puits de lumière, des sources à arroser et à nourrir toute vie alentour en tenant compte des besoins et des spécificités.
En prédateur insatiable, l'Occident a appauvri l'Afrique par son égocentrisme. En effet, les Occidentaux accroupis sur leurs préjugés et leurs certitudes ont longtemps dominé et dirigé le monde. Pour eux, tout ce qui provenait jadis des peuples qu'ils considéraient comme inférieurs n'était pas bon, pas digne de considération encore moins d'attention. Ils sont rentrés de plain-pied en Afrique, guidés par cette façon de raisonner et de voir le monde, en piétinant et saccageant des savoirs millénaires...
Nous connaissons tous la suite de l'histoire...
L'Afrique d'aujourd'hui comparée à celle d'hier n'est plus que l'ombre d'elle-même. Et l'appauvrissement continue sous plusieurs formes. Avant, il n'était que vertical et unidirectionnel, maintenant il est latéral et multiforme. Cela veut simplement dire que ce ne sont plus les Occidentaux, seuls, qui effectuent le travail d'appauvrissement de l'Afrique, mais ils ont trouvé en l'Africain lui-même un allié de taille...
L'homme blanc a tellement joué dans la tête de l'homme noir qu'il en est arrivé à réaliser l'incroyable prouesse de lui faire croire que tout ce qu'il possède n'a pas de valeur. Amenant, ainsi de facto, les africains à négliger, et parfois même à abandonner, de leur propre chef, la plupart de leurs trésors culturels pour de la pacotille à l'Occidentale : convaincus de faire en contrepartie une bonne affaire en singeant l'Occident. Ce n'est pas donc étonnant de constater aujourd'hui qu'en Afrique, les films les plus consommés viennent de l'Occident. Les habits et le mode de vie à l'Européenne dominent le continent jusqu'à la gestion de nos habitats. L'Afrique ressemble de plus en plus à une Europe-bis. Son aspiration au développement est calquée sans nuance sur le modèle occidental.
Pour se sauver, et sauver le monde, l'Africain doit se déconnecter de l'Occident. Il doit arrêter de faire de ses anciens maîtres sa référence et son point de mire. C'est la seule façon de sauver le peu d'africanité et d'humanisme qui lui reste... L'Afrique doit se mettre en pause, se remettre en cause et reconsidérer toutes les mauvaises salades que l'Occident lui a filées et qui empoisonnent son existence, aliènent sa condition, et bouffent sa liberté de pensée et d'action.
En vérité, les Occidentaux ont vendu toutes sortes de sottises à l'Afrique, et à prix d'or. Cette assertion tranchée et catégorique de notre part, nous l'adossons à des faits de société qui prouvent à suffisance que les Africains sont, du point de vue identitaire, constamment à la remorque de l'Occident depuis qu'on a greffé dans leur cerveau l'idée qu'ils étaient indépendants avec la capacité de s'autogérer.
Nous allons donc nous appuyer sur des faits probants pour étayer nos propos. Pour ce faire, la démocratie, l'éducation, et la perception de l'amour constitueront les points d'ancrage sur lesquels va s'articuler la suite de notre réflexion en vue de mettre à nu le mimétisme affligeant de l'Afrique vis-à-vis de l'Occident, et l'influence corrosive que ce dernier a sur le monde noir.
Commençons alors par la démocratie. Quel beau concept qui sonne liberté, égalité, et justice ! Une belle musique pour les oreilles, mais un vrai désastre dans le ventre d'une Afrique constipée à force d'absorber les bévues de l'Occident. En effet, la démocratie a été transplantée en Afrique sans tenir compte des réalités du sol, et encore moins des besoins de la population comme si le peuple noir sortait du néant.
Au demeurant, l'avènement de la démocratie en Afrique a fait table rase des organisations sociétales locales, non seulement représentatives mais aussi gages de stabilité à travers les âges. Ce sont nos chercheurs et penseurs qui devraient réfléchir à trouver des noms et des explications adéquates à certaines de nos réalités propres vis-à-vis de l'Occident; des noms imposants et conquérants capables de rivaliser avec cette forme de gouvernance qu'on nomme la « démocratie ».
Démocratie ! Démocratie ! Dites-moi, depuis qu'elle a été parachutée en grande pompe en Afrique, quel est le pays de la Faune noire qui respire à merveille et en harmonie avec son univers et ses réalités propres ? Quel est ce pays d'Afrique qui pourrait clamer haut et fort que grâce à la démocratie, il est devenu plus sain, plus vivant, plus riche, plus humain ?
Au contraire, sous l'ère de la démocratie, l'Afrique n'a jamais été aussi instable dans son histoire. Le Mali, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, tous ces pays et bien d'autres sont en proie à des violences dont la racine du Mal est liée à la démocratie. En revanche, le Sénégal semble faire figure d'exception. Est-ce que cela s'explique par l'équilibre démocratique ? Loin de là. On retrouve dans la société sénégalaise des mécanismes qui contribuent à renforcer sa stabilité. Et plus, on voudra imposer aux communautés les exigences de la démocratie, plus le pays risque de glisser vers la confusion et le chaos.
L'Occident tympanise l'Afrique avec des leçons de démocratie oubliant ce qui se passe sur son propre sol. Une armée de journalistes et de chercheurs est sur internet, d'autres sont sur des plateaux de télévision pour parler, disent-ils, de la démocratie en Afrique. Ils parlent avec une certitude et une condescendance qui frisent le mépris.
Ils crient au scandale quand un président de la République en Afrique reporte les élections ; ils s'époumonent, déchirent leur chemise pour dénoncer avec vigueur les Africains qui ne font pas leur affaire, mais gardent le silence sur les entorses à la démocratie quand cela se produit en Europe et dans ses environs immédiats.
La démocratie, c'est le pouvoir du peuple par le peuple ! Mais de quel peuple parle-t-on ? Chose certaine, le peuple en Occident n'est pas le peuple en Afrique. La nuit n'est pas le jour, et inversement. Entre l'Occident et l'Afrique, nous sommes en présence de deux mondes fondamentalement différents. Le principe d'égalité qu'on voudrait vendre aux Africains est une fumisterie qui ne dit pas son nom !
Si le diable veut me faire croire que mon guide religieux, « fût-il le fils de dieu », est en tout égal à moi, il se fourvoie ! En tout état de cause, les principes venus d'ailleurs qu'on cherche à nous vendre montrent souvent très vite leurs limites, l'Afrique étant un milieu entièrement à part. Le Temps de l'Afrique n'est pas le Temps l'Occident.
En Afrique, généralement, les présidents arrivent au pouvoir avec un entourage affamé. Et lorsqu'ils sont repus, sereins et prêts à travailler, c'est à ce moment-là que l'Occident sonne la cloche et mobilise les troupes pour une alternance. Ils ont compris que c'est plus facile de négocier avec un homme affamé qu'un homme repu.
Finalement, les critiques avilissantes des institutions africaines, la mauvaise foi des analystes, l'hypocrisie et la malhonnêteté qui accompagnent le tintamarre des détracteurs de l'Afrique, tout ça obéit à une logique bien huilée : rabaisser pour mieux exploiter. D'ailleurs, il faudrait se demander pourquoi diable l'Occident veut vaille que vaille faire croire à l'Afrique que la démocratie est l'unique robe qu'il lui faut pour aller au Bal du développement. Cette insistance suspecte de l'Occident à vouloir dicter à l'Afrique ses choix politiques devrait soulever moult questions auprès des Africains qui dorment éveillés...
L'Afrique, la démocratie, le développement, à travers ces concepts mis en relation s'est construit un réseau de discours ambigus et tellement accusateurs que nous avons l'impression que pour les donneurs de leçons que la finalité pour l'Afrique devrait être, à leurs yeux, la démocratie plutôt que le développement. Au-delà de la perfidie sciemment orchestrée par les soldats de la pensée occidentale, il demeure évident que l'Occident n'a aucun intérêt à ce que l'Afrique se développe.
Le pêcheur qui a un poisson dodu au bout de sa ligne a d'autres rêves et préoccupations que de laisser sa proie s'échapper par humanisme ou par on ne sait quel autre motif de bienveillance : il est temps que se réveillent pour de bon les Africains ! La farce autour des bienfaits de la démocratie en Afrique n'a que trop duré ! Que les intellectuels suiveurs et répétiteurs arrêtent de nous parler de démocratie à l'africaine comme si on pouvait parler de piété à l'Occidentale.
Tout ce qui sonne faux m'agace : ou bien on est en démocratie ou bien on ne l'est pas! L'Afrique doit choisir d'être elle-même ou de se greffer des cornes pour ressembler à cette vipère que nous connaissons tous.
En définitive, si la démocratie sied bien à l'Occident au vu de sa taille et de son histoire, force est de constater qu'en Afrique, c'est un corset qui étouffe. En clair, la démocratie n'est pas adaptée à l'Afrique, elle doit être déterrée comme une plante sauvage venue d'ailleurs qu'il faut extirper pour avoir un champ plus en adéquation avec les pouls du milieu et les besoins de la population. J'ose espérer que je serais entendu et que je serais compris sans que je sente la nécessité d'aller plus loin dans mon raisonnement. J'ouvre des pistes, c'est à l'Afrique de s'y engouffrer pour mieux respirer...
(À suivre...)
Par votre serviteur Mamadou Bamba Tall,
Ancien étudiant de l'UGB, Sanar 1
Ancien boursier de la Fondation Ford (Université Laval),
Consultant international en éducation,
bambatall@yahoo.fr