Tunisie: Un coup à la démocratie

Le Président tunisien, Kaïs Saïed, fait encore parler de lui après ses récents propos qui ont couté cher à des ressortissants subsahariens vivant en Tunisie. Cette fois-ci, il est accusé par certains observateurs politiques de chasse aux opposants. En effet, tous ceux qui critiquent la gouvernance du Président Saïed, arrivé au pouvoir en octobre 2019, n'ont plus la tranquillité. Depuis courant février 2023, une vague d'arrestations d'opposants au régime a cours et c'est à croire que la démocratie est devenue chancelante en Tunisie, berceau du printemps arabe en 2011.

La dernière arrestation et pas des moindres, intervenue le 17 avril 2023, est celle de Rached Ghannouchi, l'islamiste de 81 ans. Figure la plus en vue de l'opposition tunisienne et ancien président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), il dirige actuellement le parti proche des Frères musulmans, Ennahdha.

Il est reproché à Ghannouchi d'avoir vertement critiqué le régime de Kaïs Saïed, en le mettant en garde contre « une guerre civile » en cas de marginalisation de l'islam politique, dans lequel son parti milite. Le maitre à penser Ennahdha n'en est pas à ses premiers ennuis judiciaires, puisqu'étant régulièrement convoqué pour des affaires de « blanchiment d'argent » et de « terrorisme ». Ghannouchi et le Président Saïed ne sont plus en odeur de sainteté. Il complète une liste de 28 opposants arrêtés et sur qui pèsent de graves chefs d'accusation. Entre autres, figurent le terrorisme, l'offense au président, l'atteinte à la sûreté de l'Etat, l'accointance avec des puissances étrangères et l'intention de modifier la nature du régime. En gros, les opposants aux arrêts sont accusés de comploter contre l'Etat, et certains d'entre eux encourent la peine capitale, s'ils venaient à être jugés. Les méthodes de Saïed, qui fonde son autorité sur l'armée et le ministère de l'Intérieur, sont éprouvées. La popularité de ce candidat indépendant et homme de droit n'avait pas d'égal à son élection, mais le temps de grâce n'a pas duré. En 2021, le chef de l'Etat tunisien a surpris plus d'un démocrate, en s'octroyant les pleins pouvoirs constitutionnels, après avoir dissout le gouvernement et l'Assemblée nationale.

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Un acte qui passe encore mal dans l'opinion. Le Président Saïed ne s'est pas limité à là. Malgré la contestation, il a fait adopter, l'année dernière, une nouvelle Constitution qui instaure un pouvoir exécutif fort et fait de l'islam la source du droit. Sans oublier le contesté « décret-loi 54 » de septembre 2022 voulu par le chef de l'Etat tunisien, pour prévenir la cybercriminalité, les rumeurs et les fausses informations publiées sur Internet. L'opposition et la société civile trouvent que ce texte porte atteinte à la liberté d'expression et de presse. La posture du chef de l'Etat tunisien semble devenue assez autocratique. Alors que ce n'est certainement pas sur ce terrain que ses compatriotes, qui voient en lui un homme probe, l'attendaient. La plupart d'entre eux ont placé leurs espoirs en Kaïs Saïed pour trouver des solutions aux problèmes socioéconomiques du pays et ne voudraient pas le voir marcher sur les traces de son devancier Ben Ali, qui a régné sans partage sur le pays pendant 23 ans. Ils sont nombreux dans les rues de Tunis et à l'intérieur du pays à condamner les agissements du Président Kaïs Saïed, censé travailler au renforcement des acquis de la jeune démocratie tunisienne. Il gagnerait donc à oeuvrer à inverser au plus vite la tendance car les Tunisiens aspirent à plus de liberté et de démocratie.

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