Tout au long de sa vie, le Malgache est protégé par ses « ody », ses fétiches, et grandit entouré de « fady » (interdit).
Dans une conférence qu'il donne à Genève en 1958, l'ethnologue Dominjoud souligne que de tout temps, le Malgache a des fétiches ou talismans, « objets matériels divers, consacrés à Dieu et qu'ils considèrent doués d'une efficacité particulière ». L'origine des « ody » remonterait à l'époque des Vazimba, premiers habitants de l'ile. Au début, ce sont des morceaux de bois informes. Plus tard, ils en font des fétiches en bois sculptés. Les souverains merina ont douze grandes idoles gardées en des lieux sacrés. Ces fétiches nationaux sont détruits en 1869, autodafé décidé par un édit royal quand Ranavalona II se convertit au christianisme. Les « ody » particuliers y passent également, mais un assez grand nombre échappe au feu et quelques années plus tard, la population reprend ses fétiches.
Les Sakalava, pour leur part, possèdent des «jiny», talismans royaux composés chacun de quelques reliques, ongles, dents, cheveux, parfois un os de l'index appartenant à des rois défunts. Placées dans des dents de crocodiles et symboles de l'autorité royale, elles « étaient l'objet d'adoration et de nombreux soins (bain, onction d'huile de ricin...). A côté de ces fétiches royaux, il y a les idoles collectives, villageoises, claniques qui se composent d'ordinaire de deux personnages taillés grossièrement et représentant un couple. Placés en dehors de la porte du village, elles étaient censées le protéger contre les attaques de l'ennemi. Elles disparurent en 1869 lors du grand autodafé. »
Il y a enfin les « ody » familiaux et personnels d'une grande variété. Chacun a une signification et une vertu particulière selon la destination qui lui est attribuée. On distingue les fétiches de protection contre les esprits, les ennemis, les animaux sauvages, les éléments ; ceux de précaution, d'acquisition, de séduction, de malédiction... Ils sont faits de dents de crocodile, de cornes de boeuf dans lesquels on place « les objets les plus invraisemblables et les plus disparates », coquillages, noeuds, lianes, morceaux de bois, statuettes, boules emperlées, sachets contenant des ingrédients divers, colliers, bracelets, figurines de paille tressée... Toutefois, un grand nombre est d'origine végétale ou contient des éléments végétaux (racine, bois, feuille, écorce, graine). D'après Charles Renel, les « ody » primitifs ne sont constitués que de matières végétales. Ce n'est que plus tard que d'autres éléments, minéraux ou animaux, sont employés.
Il cite à l'appui les traditions représentées par d'anciens contes et le culte des arbres « très répandus à Madagascar ». Dominjoud précise cependant que les plus précieux et les plus efficaces sont les talismans familiaux car ils sont liés au culte des ancêtres. « Dans leur composition entre la poudre des ancêtres, poudre d'os ou résidu des cadavres de la famille... Ils sont placés dans l'angle nord-est de la maison. Devant eux, on met une coupe de terre où brûle de l'encens : c'est à ces dieux lares que l'on adresse les prières, ce sont eux que l'on emportera en voyage. On peut les tremper dans l'eau et boire cette eau qui deviendra fanafody, remède. »
Étant donné leur composition, ce genre de « ody» est peu nombreux. Et comme chacun veut avoir son propre talisman, il en fabrique. C'est l' « ombiasy », devin-guérisseur, qui est chargé de leur fabrication, mais ils n'acquièrent toute leur valeur que lorsqu'ils sont consacrés par des cérémonies spéciales au cours desquelles des formules magiques sont prononcées. Parmi les talismans, il en est un qui ne relève pas des devins professionnels.
C'est le « fil de la vie, écheveau de coton cordé que les vieilles femmes de la tribu bara confectionnent et portent au sautoir quand leurs enfants et petits-enfants sont partis en voyage ou à la guerre ». Les deux extrémités du fil sont tressées de manière lâche et on peut le tirer et l'allonger sans le rompre, « symbole de l'allongement de la vie de son propriétaire ». Les femmes enceintes le portent également. Et quand dans une maison, une vie est menacée- naissance difficile, maladie, épidémie-, on plante aux quatre angles de la demeure de minces bambous soutenant un « fil de la vie » qui la ceinture et en interdit l'accès aux mauvaises influences.