La trêve humanitaire de 72 heures en vigueur depuis le 25 avril dernier, n'est même pas arrivée à son terme que les combats ont repris au Soudan, plus précisément à Khartoum et au Darfour. Comment peut-il en être autrement quand on sait que ce cessez-le-feu n'est pas intervenu à la suite de négociations directes entre les parties belligérantes mais qu'il a été pratiquement arraché au forceps par les Etats-Unis qui ont pesé de tout leur poids pour amener les protagonistes à observer cette suspension temporaire des combats ? Toujours est-il que la trêve a été relativement bien observée et a été aussi mise à profit pour l'évacuation de ressortissants étrangers.
L'accalmie a également permis à certains habitants qui vivaient cloîtrés depuis le début des affrontements, de se ravitailler en vivres et autres produits de première nécessité. Mais la situation restait encore très volatile. Surtout à Khartoum, la capitale, où on a observé par moments, des poches de combats. Toute chose qui n'augurait pas d'un arrêt durable des hostilités. C'est dire si le Soudan se retrouve face à son destin. De toute évidence, la reprise des combats traduit l'échec de la communauté internationale qui n'aura non seulement pas su faire tenir le cessez-le-feu dans la durée, mais aussi n'aura pas su le mettre à profit pour amener les protagonistes à s'engager sur la voie d'un règlement négocié du conflit.
Tant que des parrains continueront de tirer les ficelles dans l'ombre, il faut croire que le Soudan ne connaîtra jamais la paix
Et dans le cas d'espèce, c'est une situation qui devrait appeler à un examen de conscience de la part de cette même communauté internationale, principalement l'Union africaine (UA) et la Ligue arabe qui n'ont pas su saisir l'opportunité de cette trêve, ne serait-ce que pour envoyer des émissaires au chevet du Soudan. Or, plus que quiconque, c'est un dossier qui les interpelle au plus haut niveau, au regard de la place qu'occupe le Soudan au sein de ces deux entités internationales. En attendant que se dessinent des hypothèses de négociations, il y a lieu de craindre pour le Soudan au regard de l'attitude particulièrement belliqueuse des deux Généraux qui semblent engagés dans un combat à mort pour le pouvoir, et qui ont jusque-là préféré au dialogue, le langage des armes.
Cette crainte est d'autant plus justifiée qu'autant la trêve aura favorisé l'évacuation de ressortissants étrangers et permis aux populations résidentes de répondre à certaines contingences, autant elle aura permis aux belligérants de se réorganiser militairement afin de renforcer leurs positions respectives. A ce jeu, c'est le peuple soudanais qui est le plus à plaindre. Lui qui est pris au piège de cette guerre fratricide pour le pouvoir, qui semble répondre, au-delà des deux Généraux rivaux, à des enjeux économiques mais aussi géostratégiques auxquels se livrent certaines puissances étrangères. Et tant que des parrains continueront de tirer les ficelles dans l'ombre à travers les soutiens apportés souterrainement à une partie au détriment de l'autre, il faut croire que le Soudan ne connaîtra jamais la paix.
Le Soudan court le risque d'une « Libyanisation» de son conflit
Car, non seulement les militaires qui s'accrochent au pouvoir à Khartoum, ne veulent pas perdre leurs privilèges, mais aussi tout porte à croire qu'au-delà de leurs personnes, il y a beaucoup d'autres intérêts cachés. Lesquels intérêts ont pu amener certaines puissances étrangères à soutenir les militaires au détriment des aspirations démocratiques du peuple soudanais, après la chute de l'ex-dictateur Omar el Béchir. C'est sans doute tout cela qui contribue à rendre davantage plus complexe, la résolution du conflit soudanais. A ce rythme, il y a à craindre un enlisement du conflit qui pourrait s'inscrire dans la durée, surtout s'il doit tendre vers un équilibre des forces sur le terrain. C'est dire si le Soudan court le risque d'une « Libyanisation» de son conflit qui risque de compromettre davantage la remise du processus politique sur les rails, de même que la démocratie et le retour à l'ordre constitutionnel qui a toujours été le combat des Soudanais.
En tout état de cause, si pour une raison ou pour une autre, le pari de la communauté internationale est de laisser le conflit s'éteindre de lui-même, il n'en paraît pas moins risqué. Car, non seulement nul ne saurait dire combien de temps cela pourrait prendre, mais il serait encore plus difficile d'évaluer le nombre de Soudanais qui pourraient payer de leur vie, cette lutte pour le pouvoir entre deux généraux qui se soucient des civils comme d'une guigne. C'est pourquoi la communauté internationale doit maintenir ses efforts à l'effet de tirer le Soudan du bourbier dans lequel sont en train de l'entraîner, ses fils perdus de la République.