Ile Maurice: Huit ans après le démantèlement du groupe BAI I Adeela et Laina Rawat - «Nous éprouvons toujours un énorme sentiment d'injustice et d'hypocrisie»

interview

Huit ans après le démantèlement du groupe BAI, la famille Rawat dit vivre avec un chagrin persistant. Bien qu'Adeela et Laina, les filles de Dawood Rawat, tentent, tant bien que mal, de reprendre les choses en main, les blessures sont toujours ouvertes. «Nous, les Rawat, nous éprouvons un énorme sentiment d'injustice et d'hypocrisie à notre égard que nous avons du mal à digérer...», disent-elles.

Huit ans après le démantèlement de la British American Insurance, comment se porte la famille Rawat ?

Laina Rawat : Par la grâce de Dieu, nous sommes tous en bonne santé. Mais il serait faux de dire que la vie est belle ! Chaque jour, nous mettons un pied devant l'autre, en faisant de notre mieux pour subvenir aux besoins de nos enfants et préparer leur avenir. Nous sourions en nous concentrant sur la positivité et la croissance mais il y a toujours un chagrin persistant. Je ne comprends pas comment ceux qui ont contribué à la construction de magnifiques oeuvres, comme par exemple, un hôpital ultra-moderne, qui aujourd'hui aide tant de gens, peuvent être maintenant mis à l'index et accablés par des jugements sans fondement, d'une méchanceté profonde.

Des journaux ont osé participer à ce lynchage organisé en étalant en première page nos visages, nos salaires et nos maisons et pourtant, personne ne semble se demander où sont passés les actifs de groupe British American (BAI) aujourd'hui et combien d'argent ces actifs rapportent à leurs nouveaux propriétaires ? Nous, les Rawat, nous éprouvons un énorme sentiment d'injustice et d'hypocrisie à notre égard qu'il nous est difficile de digérer...

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Adeela Rawat : La famille Rawat a été bouleversée tant sur le plan familial que professionnel. Ma famille a été déchirée en raison du départ forcé de mon mari, qui a dû trouver du travail ailleurs afin de subvenir à nos besoins. Depuis huit ans, nous payons chèrement le prix des mensonges, qui nous ont été attribués. Depuis le premier jour de l'attaque, notre famille n'a pu se défendre ni même exposer notre version des faits. Nous étions Guilty as Charged, même si après deux ans, les autorités n'ont rien trouvé pour soutenir ces accusations.

Quel sentiment éprouvez-vous aujourd'hui?

Laina Rawat : Encore de l'incrédulité. Quand je vois les entreprises que le groupe BAI a créées et qui existent encore mais avec de nouveaux propriétaires et qu'elles sont toujours florissantes, je dois me pincer en pensant que le mot Ponzi est encore utilisé comme référence alors qu'il devrait être associé, en toute logique, au mot complot. Il y a aussi ce ressentiment à l'effet que nous mettrons des décennies à surmonter tout cela car notre famille a reçu un 'traitement exceptionnel', qui ne semble pas s'appliquer à Maurice aux vrais criminels et escrocs ou malhonnêtes convaincus.

Adeela Rawat : Nous restons marquées à vie par ce qui a fait de nous, aux yeux de nombreux mauriciens, des personnes malhonnêtes. En effet, passer des nuits en cellule, être sous le coup d'accusations provisoires, d'objection to departure pendant deux ans et comme des criminelles, être dans l'obligation de se présenter trois fois par semaine au poste de police, être convoquées 26 fois au Central Crime Investigation Department, faire l'objet des fouilles à domicile, perdre absolument tous nos investissements et notre foyer restent des épisodes que nous n'oublierons jamais. Maurice est-elle encore une démocratie ? Les difficultés financières auxquelles nous avons eu à faire face du jour au lendemain étaient traumatisantes. Et quand j'ai essayé de parler, les médias ont répondu par des caricatures insultantes.

Que sont devenus les biens de la famille Rawat ?

Laina Rawat : Les biens de mon père font toujours l'objet de procès. Moi, je ne possède personnellement aucune maison car j'économisais pour cela et pour l'éducation de mes enfants avant le démantèlement du groupe BAI. Toutes mes économies sont parties dans les frais de subsistance, juridiques et comptable par rapport aux enquêtes de la Mauritius Revenue Authority (MRA) et les frais de scolarité de mes enfants.

La couverture d'assurance de responsabilité civile des administrateurs à laquelle le groupe BAI avait contribuée pendant des années n'a été versée à aucun employé de la BAI. De ce fait, nous avons donc tous dû puiser de nos poches pour financer notre propre défense. Nous avons tous été empêtrés dans une autre affaire judiciaire entre la MUA et BDO, ce dernier essayant d'obtenir des fonds pour les clients du plan Super Cash Back Gold et la compagnie d'assurance essayant d'éviter tout déboursement. J'ai été particulièrement choquée quand j'ai vu M.O. devenir directeur de la MUA, ces dernières années.

Adeela Rawat : Les biens de la famille sont toujours sous séquestre, avec aucun dénouement en vue. L'expropriation de toutes les compagnies et des biens du groupe ne leur a pas suffi. À présent, les maisons familiales sont aussi convoitées par les autorités. Finalement, le groupe BAI a été dilapidé et bradé au profit de certaines autres personnes sur la place. Donc, en fait, le prétendu 'nettoyage' promis n'était qu'une mascarade pour redistribuer nos biens.

Que font actuellement les filles de Dawood Rawat ?

Laina Rawat : Après avoir démantelé la boutique Arcasa, qui faisait partie du groupe BAI et que j'avais gérée pendant plus de dix ans (j'ai introduit à Maurice des marques telles qu'OXO, Yankee Candles et bien d'autres), j'ai décidé d'introduire une autre marque de bougies pour la distribution. Avec la roupie dévaluée, les importations sont devenues très coûteuses, ce qui rend leur commercialisation difficile. Les bougies sont un produit de luxe et à la suite d'événements, qui changent la vie tels que le Covid-19 et maintenant la hausse insupportable des prix des denrées dans les épiceries, les affaires sont plus difficiles. Les deux autres 'jobs' qui occupent mon temps considérablement sont la gestion des affaires de cour et de la MRA et le plus important, la maternité. J'ai trois enfants, âgés de six à 18 ans.

Adeela Rawat : Il suffit de faire une recherche sur l'Internet à propos du nom Rawat pour se rendre compte de l'étendue des dommages, qui nous collent injustement à la peau et affectent durablement notre réputation. Trouver un emploi est devenu mission impossible, et la vie reste très difficile pour une maman, qui élève seule ses deux enfants.

Où en sont vos affaires de cour?

Laina Rawat : Il y a des cas contre le gouvernement concernant les arrestations arbitraires mais ils prennent des années à se résoudre et il faut avoir des poches profondes pendant des décennies pour les mener à bien. Il y a d'autres affaires dans lesquelles je suis personnellement plus engagée, comme mon procès personnel contre A.B et M.O. Je dirai qu'il y a un aspect du retrait de la BAI, qui n'a pas reçu l'attention voulue jusqu'à présent. Les réclamations de Brian Burns contre l'État et la police sont aussi toujours en cours et il ne lâchera pas prise car justice doit être faite.

Adeela Rawat : Toutes ces affaires n'ont été qu'une énorme injustice mais nous espérons néanmoins que la vérité triomphera et que justice nous sera rendue pour nos cas en cour. On espère aussi que les clients et investisseurs du groupe obtiendront justice également. Qui bénéficie aujourd'hui de la construction de l'hôpital Apollo Bramwell ?

Vos projets actuels ?

Laina Rawat : Élever mes trois enfants et rattraper le temps perdu car la période des cinq ans où ils étaient petits a été marquée par des journées difficiles et stressantes. Mon fils se prépare à aller à l'université dans quelques mois et je lui donne tout mon amour et mon soutien.

Adeela Rawat : Mes priorités sont l'éducation et l'avenir de mes enfants.

Quelle analyse faitesvous de la situation actuelle au pays ?

Laina Rawat: La future génération n'a devant elle que des scandales et des tiraillements politiques au lieu de politiques qui les aideront à construire un avenir sain et heureux. Moins de conférences de presse et plus de visites dans les hôpitaux et les écoles avec une bonne planification seraient les bienvenues. Les politiciens doivent descendre à la base, là où l'éducation semble être l'un des plus grands obstacles pour beaucoup comme je l'entends lorsque j'écoute la radio le matin.

Adeela Rawat : Maurice traverse une crise inédite et je suis triste pour mon pays natal. Nous étions fières et enthousiastes de revenir ici, après avoir grandi aux États-Unis, et de contribuer au développement du pays, d'y faire grandir nos enfants et d'y vivre sereinement. Malheureusement, ce fut la plus grande erreur de notre vie. Maurice n'est plus un plaisir.

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