Afrique: Restitution des oeuvres d'art africaines - Une loi-cadre pour « sortir de la repentance »

Près de six ans après le discours d'Emmanuel Macron à Ouagadougou, au Burkina Faso, dans lequel il plaidait pour «des restitutions», le rapport Jean-Luc Martinez liste une série de critères pouvant encadrer ce mouvement.

Le texte de 80 pages, commandé par la présidence de la République à l'ancien président du Louvre, a été remis, le 26 avril, à la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, et à celle des Affaires étrangères, Catherine Colonna. Il se veut un outil au service d'une future loi-cadre, annoncée par le gouvernement et présentée avant l'été. Il concerne l'ensemble du continent africain et pas seulement les anciennes colonies françaises.

«Il ne s'agit d'objectiver cette politique, tout en dépolitisant le débat», explique Jean-Luc Martinez. Après s'être rendu dans plusieurs États africains et conduit des dizaines d'entretiens, Jean-Luc Martinez se dit convaincu qu'une loi-cadre peut permettre de «sortir de la repentance». Les pays africains, estime t-il, n'abordent pas les restitutions de patrimoine sous l'angle de la réparation du passé colonial, mais bien au nom de l'avenir de leur jeunesse.

Le rapport préconise de partir d'une demande officielle faite par un État, ce qui exclut celles faites par des communautés. Si plusieurs États réclament un même objet ou une même série d'objets, comme c'est le cas pour le trésor de Segou, réclamé à la fois par le Mali et le Sénégal, le rapport suggère d'en passer par un accord tripartite. Une fois la ou les demandes posées, une commission scientifique bilatérale se pencherait sur le patrimoine réclamé, en tâchant de définir si son acquisition a eu un caractère illégal ou illégitime. Cette dernière aurait alors deux ans pour se prononcer, puis publierait ses conclusions.

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« Partage du patrimoine »

En dehors des restitutions en bonne et due forme, le rapport suggère d'organiser des solutions de «partage de patrimoine.» «Les prêts obligent les musées à souscrire une assurance, ce qui est cher, et on ne peut pas déposer un objet appartenant à un musée français au-delà de cinq ans. Des accords de transfert, assortis d'obligations de conservation, pourraient être mis en oeuvre», poursuit Jean Luc Martinez.

Il estime qu'une loi-cadre créerait une dynamique, mais ne «viderait pas les musées français». Ces derniers, dont le Quai Branly, le musée de l'Armée ou celui d'Histoire naturelle, ont commencé à se pencher sur leurs collections africaines, et à embaucher des chercheurs en provenance. Le Quai Branly, qui possède 70 000 objets d'art africain, est par exemple en train de passer au crible les milliers d'objets rapportés par la mission Dakar Djibouti, dans les années 1930 - et dont on sait que certains ont été donnés ou vendus dans des conditions douteuses.

Pour l'instant, quelque huit pays ont fait des demandes officielles à la France. Le Sénégal réclame 10 000 objets, l'Éthiopie 3 000 pièces, le Tchad 10 000 objets, le Mali 16 pièces et le Bénin veut poursuivre sa requête. Madagascar réclame, de son côté, la restitution officielle de la couronne de la reine Ranavalona III (actuellement prêtée par la France) et la Côte d'Ivoire, la restitution de 148 oeuvres, à commencer par le Djidji Ayokwe, tambour parleur du peuple Ébrié, confisqué en 1916, et actuellement au Quai Branly. Ces demandes se croisent parfois avec d'autres concernant des restes humains. «Au-delà des chiffres, ce sont surtout les objets symboliques ou mémoriels qui sont au centre des attentions. Nombre de pays cherchent, par ailleurs, à compléter ce qui manque dans leur collection », poursuit le rapporteur. Pour Rima Abdul Malak, les restitutions permettent «aux deux côtés de se reconnecter avec l'histoire et avec eux-mêmes, et de construire un autre rapport au monde».

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