Ile Maurice: Alain Gordon-Gentil - «Prendre le pouls de ceux qui auront à soigner ce pays»

interview

Maurice demain est une nouvelle série de documentaires qui veut donner la parole aux jeunes. Qu'est-ce qui a suscité la réaction anti-dinosaures, antitoujours les mêmes qui parlent ?

En toute chose, il faut qu'il y ait renouvellement. Pas seulement en politique comme il est de bon ton de le dire. Nous avons une nouvelle génération qui porte un regard différent sur leur pays. J'ai pensé qu'il était bon de leur donner la parole. Ce sont eux qui façonnent demain. Ce n'est pas une question de dinosaures, pa bliyé : pour certains, j'en suis peut-être un ! Quand on a 25 ans, tout ce qui dépasse la cinquantaine est déjà en voie de «dinosaurisation». Plus sérieusement, la génération passée a eu son temps, a eu le loisir de construire sa vie. Il faut être reconnaissant à toutes ces personnes qui ont contribué à faire de ce pays ce qu'il est devenu. Mais il nous faut, en ces temps troublés, savoir comment ces nouvelles voix envisagent leur avenir. C'est une manière de prendre le pouls de ceux qui auront à soigner ce pays.

Comment choisissez-vous les intervenants ? Pour le premier épisode, vous réunissez Cédric de Spéville CEO d'Eclosia, Nirveda Alleck, artiste-enseignante, et Nabil Moolna avocat-politicien. Un souci de réunir les horizons les plus divers possibles ?

Comme tout choix, même s'il est arbitraire, il répond à une certaine logique, à un certain désir d'avoir des expériences différentes, des parcours différents. Quand vous confrontez des expériences aussi multiples, cela donne un spectre, je le pense, intéressant. Et qui éclaire d'une lumière particulière notre manière de voir notre pays. Notre avenir aussi. Il s'agit de trois personnalités totalement différentes ayant des vécus différents. Sur un plan plus général on sent, par touches successives, dans les trois interventions qu'il s'agit de réinventer un pays.

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Qui seront les prochains à prendre la parole sur fond noir ?

Géraldine Hennequin-Joulia, journaliste et fondatrice de Nexart, Brian Dean, directeur et fondateur de la société Panda & Wolf, et Vincent Montocchio, Managing Director de Circus. Trois regards aiguisés qui offrent une vision encore différente de notre société.

Vous posez deux questions aux intervenants. Envisagez-vous que les prochains épisodes aillent dans le sens d'une interaction entre les intervenants ?

Non. Le concept restera le même. Quand vous êtes seul sous une lumière dans le silence, vous êtes un peu seul face à vous-même. Et cela donne une intimité qui je crois se sent à l'écran. Une conversation à trois filmée donnerait quelque chose de plus «relaxe» et ce n'est pas ce que je voulais. Je souhaitais cette, disons, gravité, que donne l'exercice en solitaire. Un peu comme si chaque invité était devant sa feuille blanche et dans le silence posait ses mots. C'est pour cela que j'ai choisi le mode de l'entretien sans interruption. L'invité connaît les deux questions auxquelles il doit répondre et il le fait sans qu'il y ait aucune intervention du journaliste. C'est un choix délibéré.

Avez-vous fixé un cadre aux intervenants pour qu'ils ne tombent pas uniquement dans le «Y a qu'à faire ceci» ou «Il faut que...» ?

Aucun cadre. La liberté totale. Pour éviter le piège dont vous parlez il fallait choisir avec soin les invités. J'ai eu la main heureuse. Les intervenants partagent tout simplement leur vision de Maurice. Sans donner de leçon. Mais ce qui réunit toutes ces personnes, c'est cet attachement, j'allais dire viscéral, que l'on sent transparaître quand elles parlent de leur pays. Mais vous avez raison ; les «y a qu'à faire ceci ou cela», ils sont épuisants et nombreux. Et si on veut les entendre il vaut mieux écouter et regarder la MBC que de regarder Maurice demain.

Un premier épisode suppose une série. Vous avez déjà signé pour une première saison de documentaires Maurice demain ? À quel rythme les épisodes seront-ils publiés ?

Je n'ai rien signé avec personne. Ces documentaires ont été réalisés sans sponsor et nous avons tous travaillé gratuitement. J'ai eu la chance de rencontrer sur mon chemin les responsables du Charles Telfair Institute. Une formidable équipe, dynamique, accueillante, consciencieuse et c'est un vrai plaisir de travailler avec eux. C'est ainsi que nous avons pu obtenir un studio pour tourner les documentaires. Et surtout le concours d'une équipe de jeunes étudiants qui nous ont soutenus avec une passion qui augure d'un bel avenir.

On était habitué à voir vos documentaires dans les salles obscures. C'est pour que les jeunes parlent aux jeunes que vous avez choisi YouTube ?

Toute l'équipe a choisi de travailler gratuitement et il n'était pas question de faire payer pour voir la série. Les documentaires s'adressent à tous, mais je dois dire que je pense particulièrement à la jeune génération. Nous avons essayé de lui offrir un regard sur son pays. Un regard qui je l'espère, lui ressemble un peu. Pour répondre à votre question, il y aura quatre documentaires à une fréquence mensuelle. Le premier est sorti il y a quelques jours, le numéro 2 sortira fin mai. À 48 heures de la sortie officielle, il y avait presque 500 vues. C'est encourageant. Ce serait bien que ceux qui visionnent le documentaire laisse des commentaires. Bon ou mauvais, qu'importe. Il est important d'avoir ce retour.

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