"Nous sommes tous nécessaires mais personne n'est indispensable. Si nous venions à disparaitre, notre lutte devrait continuer. Mais si tel n'était pas le cas, cela voudrait dire que nous n'avons pas encore commencé à faire quelque chose."
Cette pensée est d'Amilcar Cabral. Pour ceux qui ne connaissent pas vraiment l'homme qui n'était pas n'importe qui sur les plans professionnel, intellectuel et politique, Cabral était un ingénieur agronome formé au Portugal, qui a bourlingué sur le continent. Sur le plan intellectuel, il était et reste encore l'un des grands idéologues et meilleurs théoriciens des mouvements de luttes anticolonialistes africains.
Et sur le plan politique, il était la figure de proue du petit groupe de la dizaine des fondateurs du Parti africain pour l'indépendance de Guinée et des Îles du Cap Vert (PAIGCV). Cette pensée qui n'est donc pas seulement l'oeuvre d'un intellectuel mais aussi d'un praticien de la lutte armée, interpelle concrètement les militants politiques africains. Elle leur fait entrevoir non seulement sur le plan théorique, ce que devrait être une action politique réfléchie et conséquente, mais elle leur montre aussi, sur le plan du continium organisationnel, ce qu'elle devrait avoir comme conséquence pratique.
En effet, une action politique efficiente, dont la vocation première est de transformer la société pour le bien de tous les hommes, qu'elle soit étatique ou simplement oppositionnelle, doit être capable de se concevoir et de se projeter en actes dans la continuité. Pour sa crédibilité, en ce qui la concerne personnellement, elle doit commencer par être l'exemple concret et vivant de ce qu'elle se propose de faire pour l'ensemble du pays. En tant qu'organisation, elle doit être capable factuellement de gérer son présent et assurer son avenir.
Sur la base d'une telle logique donc par exemple, le corpus des idées politiques de l'UPC, et ses militants qui avaient pour mission de les traduire en actes concrets dans la vie des populations, auraient donc dû les unes et les autres conjointement, de 1948 à ce jour, aller plutôt en montant en puissance et en se bonifiant.
Et c'est justement parce que c'est ainsi que la première génération des militants de l'UPC et leurs héritiers concevaient l'action politique qu'ils ne voyaient que sous un tropisme d'excellence, que personne d'honnête et de politiquement lucide ne peut sérieusement rien trouver à redire, ni sur la qualité des Ruben Um Nyobe, Félix Moumie, Ernest Ouandie, Abel Kingue, Ossende Afana, Woungly-Massaga, ni sur les programmes politiques qui sous-tendaient leurs actions militantes. Il y avait une réelle adéquation entre la valeur intrinsèque de ces hommes et l'oeuvre qu'ils avaient pour mission historique de poursuivre.
C'est de ce rapport consubstantiel constant qu'il est fondamentalement question dans cette pensée d'Amilcar Cabral. Il est en effet difficile de comprendre qu'une organisation politique digne de ce nom ait été performante hier, et qu'elle périclite aujourd'hui et risque même de disparaitre complètement de la scène. Pour indiquer le passage étroit en temps de mer agitée, la lumière d'un parti d'avant-garde, à l'instar de celle d'un phare, doit demeurer constante dans son éclat en dépit du mauvais temps qu'il fait. Les forces qui se déchaînent contre les intérêts légitimes de notre peuple, ne doivent jamais arriver à la masquer. C'est l'enseignement d'Amilcar Cabral.