Les représentantes de la Banque mondiale et de l'International Finance Corporation (IFC), une filière de la Banque mondiale dont le but est de promouvoir le développement économique, viennent de publier une tribune intitulée « Pourquoi la pauvreté persiste-t-elle à Madagascar et comment briser le cercle vicieux ? »
À Madagascar, les représentantes de la Banque mondiale et de l'International Finance Corporation, Marie-Chantal Uwanyiligira et Marcelle Ayo, ainsi que l'économiste Francis Mulangu, viennent de publier une tribune sur la pauvreté sur la Grande Île, l'un des pays les plus pauvres du monde.
« Avec sa vaste biodiversité unique, ses forêts denses, ses terres agricoles fertiles, ses atouts touristiques incomparables [...], et une population jeune », énumèrent les auteurs, « Madagascar dispose d'un excellent potentiel de croissance ».
Et pourtant, l'île se hisse au rang des pays les plus pauvres du monde. « Entre 1960, date de l'indépendance, et 2020, le revenu par habitant a diminué de 45% », rappelle sans détour la tribune, avant de souligner que le pays n'a jamais connu de conflit violent. Encore une unicité propre à Madagascar.
Capture de l'État
Alors, qu'est-ce qui empêche le pays de réaliser son potentiel ?, se questionnent les auteurs. La persistance de la pauvreté précisément, due au manque de transparence au coeur du pouvoir, et la capture de l'État par des élites.
Le secteur privé, petit et peu compétitif, caractérisé par de faibles niveaux d'investissement, empêche selon les auteurs « de créer des emplois, de stimuler la croissance économique, et donc, de réduire la pauvreté ». « L'investissement a représenté en moyenne 19,4% du PIB au cours de la période 2013-2019, ce qui est bien inférieur à son niveau pour les pays pairs », souligne la note.
En outre, la transformation économique structurelle de Madagascar a été limitée : plus de 90% de la population en âge de travailler reste engagée dans l'agriculture de subsistance et les services informels.
La pauvreté élevée est également le résultat d'une mauvaise gouvernance, qui n'a pas été résolue depuis plusieurs décennies. La faiblesse des institutions et le contrôle des élites érodent l'État de droit et empêchent de lutter avec efficacité contre la corruption.
Par ailleurs, les cyclones tropicaux, qui affectent trois à quatre fois le pays par an, constituent de leur côté une réelle entrave au développement.
Enfin, le texte rappelle qu'avec un indice de capital humain de l'île de 0,39 (l'un des plus faibles au monde), faute d'éducation et de bonne santé, les enfants malgaches ne deviendront pas des adultes productifs.
Un signal envoyé
Les auteurs sont catégoriques : pour briser ce cycle de pauvreté sur l'île, il faut augmenter la croissance. Différentes injonctions sont listées, comme créer un cadre institutionnel solide pour favoriser un secteur privé dynamique et compétitif, enclencher les réformes, renforcer la transparence.
Critiquée par plusieurs partenaires d'Antananarivo pour sa persistance à attribuer des aides budgétaires dans un pays où la gouvernance est défaillante, la Banque mondiale montre, avec cette publication, qu'elle ose pointer du doigt des dysfonctionnements. Une liberté de ton qui détonne en cette période pré-électorale, et qui a été acclamée par des membres de la société civile.
La Banque mondiale est sur le point d'attribuer 200 millions de dollars à Madagascar. Sa tribune est donc sans doute aussi une manière, pour elle, de montrer aux autres bailleurs que l'institution internationale n'est pas si conciliante que ça.