Madagascar: Le « Tsangantsaigny » du Nord vu par un Zanatany

L'évènement rituel le plus important dans l'ordre traditionnel en pays antankarana est la grande fête du Tsangantsaigny ou érection du mât qui porte le drapeau, saigny, symbole de la royauté et de l'unité traditionnelle de la communauté antankarana.

Cette fête a lieu chaque fois que le mât précédent, vermoulu, s'écroule de lui-même, mirotsy, littéralement se couche selon le terme consacré. Ces derniers temps, cela se produit tous les quatre ou cinq ans », décrit le chercheur Jean Théodore. La fête se termine comme de tradition, par la circoncision collective des enfants antankarana, y compris ceux de la famille royale. Le mât est érigé dans le village d'Ambatoaranana, capitale rituelle de la communauté, sur la grande place, au nord du zomba ou Maison royale.

En 1962, Me Gabriel Pain, avocat d'Antananarivo, a l'occasion d'assister à l'évènement. Il débarque le 1er novembre à Antsiranana, la Fête du Mât étant célébrée le même jour à Ambatoaranana. Cette localité qui se situe à 20 km d'Ambilobe, est le lieu de résidence des rois antankarana. L'avocat tananarivien laisse de sa visite une relation écrite. Selon Gabriel Pain, la cérémonie du Tsangantsaigny est célébrée en souvenir de l'unité du peuple antankarana et surtout de «l'alliance passée avec Benyowski en 1776 ». Alliance renouvelée en 1840 avec le capitaine Passot. Pour les Antankarana, comme le précise Cassam Aly Ndandahizara dans son ouvrage de 2010 (Ambalavelona ou l'insurrection anticoloniale dans le Nord-Ouest de Madagascar en 1898), le Mât symbolise l'unité du peuple antankarana autour de leur roi.

« Cette marque de fidélité reste tangible jusqu'à nos jours. » Poursuivant sa narration, l'avocat tananarivien souligne : « Des hommes gardaient le mât qui venait d'être apporté de la forêt où il avait été coupé et préparé, un mois auparavant, avec de grandes fêtes. » L'auteur de l'ouvrage fait remarquer de son côté : « Les Antankarana du sud d'Ambatoaranana amènent les deux parties du mât, le mâle et la femelle, jusqu'à la rivière d'Ankeriky après un travail de quinze jours, sans aucune rémunération. Ceux du nord s'en chargent jusqu'à la fin du rituel Tsangantsaigny. » L'homme de loi indique que la caractéristique du mât d'une vingtaine de mètres de haut est qu'il est constitué de deux bois « d'essences différentes ».

En fait, d'après l'auteur de l'ouvrage, il s'agit d'une même espèce d'arbre, le « tsitakonala ». Ces deux bois sont assemblés en un très long biseau, unis par deux importantes ferrures. Et d'après Gabriel Pain, cet assemblage « symbolise l'étroite alliance, toujours renouvelée du pays antankarana et de la France ». Le mât sera dressé devant la demeure du roi, « à midi exactement ». Toute la matinée, chants et danses se succèdent avec des décharges de mousqueterie, puis, ajoute Gabriel Pain, le mât est transporté, de la Place du village à celle qui se trouve devant la demeure du roi Ibrahim Tsimiaro II. Des jeunes gens se chargent de son transport- en chantant et en dansant- à l'aide de grandes cordes et avec des bois placés transversalement.

« Les porteurs étaient bénis par des femmes vêtues d'un seul lamba lié sur la poitrine et portant des cruches sur la tête. Elles ne cessaient de chanter et de les accompagner en les aspergeant de l'eau sacrée ((bénite) », poursuit le narrateur. Un grand trou est déjà creusé dans le coin Nord-Est de la Place, devant le zomba. Le mât est hissé à l'heure dite à l'aide de grandes cordes. Celles-ci permettent de l'étayer et de le maintenir en place pendant que le trou est immédiatement rebouché et tassé fortement.

C'est le moment choisi par le roi Ibrahim Tsimiaro II pour faire son apparition, sur le pas de sa porte car, depuis le matin, il tient audience. Un filanjana décoré de draperie rouge lui est présenté, il y monte et tout le monde met genou à terre pendant qu'il traverse la foule et se rend au pied du mât. « Il était alors vêtu d'un costume officiel de l'époque napoléonienne, coiffé d'un bicorne à garniture dorée et portait le sabre d'argent qui avait été offert à ses ancêtres par la France. Un assistant portait un parasol rouge au-dessus de sa tête, symbole de la royauté. Il fit lentement, au milieu de la foule, sept fois le tour du mât, puis revint vers sa demeure. »

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