Ile Maurice: Journée mondiale de la liberté de la presse - Relations de plus en plus tendues avec le pouvoir

En 2020, le rapport de Reporters sans Frontières (RSF) plaçait Maurice à la 56e place sur 180 pays. L'année dernière, il avait chuté à la 64e place. Alors que le monde célèbre la journée mondiale de la liberté de la presse en ce mercredi 3 mai, la situation dans le pays ne cesse de se détériorer.

Nous sommes en février 1990. Le commissaire de police d'alors, Bhimsen Kowlessur, esquive une question lors d'une conférence de presse et déclare que «des barons de drogue, à travers certaines presses, tendent à semer le doute dans la population» et qu'ils «auraient certains intérêts dans des bureaux de presse». Shenaz Patel et Henri Marimootoo, journalistes et présidente et secrétaire respectivement de la Newspaper and Printing Industry Employees Association, défunt syndicat des journalistes, étaient montés au créneau pour dénoncer la «légèreté d'esprit, voire la désinvolture» du chef de la police de l'époque. Après avoir rappelé à Bhimsen Kowlessur que ce n'est pas parce qu'il était commissaire de police qu'il pouvait se permettre de dire n'importe quoi, les deux journalistes lui ont demandé de révéler des noms ou de présenter des excuses.

Trente-deux ans après, la situation n'a guère évolué et les autorités utilisent les mêmes vieilles méthodes. En novembre dernier, des journalistes du groupe Défimédia ont porté plainte contre une page proche du pouvoir qui les accusaient d'être mêlés au trafic de stupéfiants. Quelques mois auparavant, Pravind Jugnauth avait attaqué deux journalistes du même groupe lors des congrès anniversaire de son parti à travers l'île, à la suite de l'affaire «sniffing». Quant à l'express, il a dû subir des allégations d'alliance avec les partis de l'opposition. Ce n'est qu'un exemple.

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Que ce soit à l'Assemblée nationale ou sur les kes savon, la presse a toujours été la cible du pouvoir du jour. L'exemple le plus récent est le meeting du 1eᣴ Mai. Alan Ganoo, frontbencher du gouvernement, a déclaré que «lapres kont nou. Zot program se débalans Prémié minis. Zot véikil mansonz». Hier encore, la page du MSM a, dans un post, accusé l'opposition et la presse de spammer les pages proches du pouvoir. Post qui a attiré principalement des railleries.

Le fait que la situation n'ait pas évolué n'étonne pas Shenaz Patel. «La presse est un contre-pouvoir, donc dans l'ordre établi des choses, la presse et la politique ne peuvent pas s'entendre. La presse veille à ce qu'il n'y ait pas d'abus. Donc, s'il y a une entente, c'est que la presse ne fait pas son travail avec assez de force et de mordant.» Néanmoins, elle fait ressortir que tout État démocratique doit veiller à ce que la presse et les journalistes soient libres.

Pour en revenir à la presse locale, la journaliste estime qu'elle joue un rôle capital face à un pouvoir de plus en plus autoritaire et abusif. «Il y a énormément de scandales qui n'auraient pas été découverts sans la presse. Tout ce qu'on peut souhaiter, c'est qu'elle se muscle d'avantage.» En ce qui concerne les relations pressepouvoir, Shenaz Patel avance que le pays est de moins en moins démocratique et de ce fait, les relations vont se tendre davantage.

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