Au Burkina Faso, le gouvernement interpelle Umaro Sissoco Embalo. Après l'exécution de près de 150 personnes dans le village de Karma le 20 avril dernier, le chef de l'État bissau-guinéen et actuel président en exercice de la Cédéao avait utilisé le terme de « génocide » pour qualifier le massacre. Une définition jugée « hâtive et péremptoire » par les autorités burkinabè, dont l'armée est accusée par les ressortissants de Karma d'être responsable de ces assassinats.
Une surprise : c'est ainsi que le gouvernement du Burkina Faso décrit sa réaction à la vue du tweet du président Umaro Sissoco Embalo daté du 27 avril dernier. Le chef d'État bissau-guinéen a effectivement condamné « le génocide se perpétrant à Karma » avant de poursuivre : « les responsables de ces tueries seront identifiés et jugés par la Cour pénale internationale ».
Dans un communiqué daté du même jour, la Commission de la Cédéao enfonce le clou en affirmant « que le ciblage des communautés peut être traité comme un génocide selon les dispositions de la CPI ».
Les autorités burkinabè estiment qu'une « qualification aussi grave (...) doit se faire sous l'éclairage d'une enquête » déjà ouverte par le Tribunal de grande instance de la ville voisine de Ouahigouya. Elles pointent notamment l'interférence du président en exercice de la Cédéao avec la justice du pays.
Le 20 avril dernier, ce village situé au nord a subi des exécutions sommaires qui ont duré toute la matinée et une partie de l'après-midi (de 7h30 à 14h). D'après les ressortissants de cette localité, 147 villageois dont 45 enfants ont été assassinés par des assaillants identifiés comme des éléments du 3e Bataillon d'intervention rapide (3e BIR), unité des Forces de défense et de sécurité créée fin 2022 par le capitaine Ibrahim Traoré, président de la Transition.
Amnesty International pointe la responsabilité de l'armée dans le massacre de Karma
Amnesty espère que les investigations du TGI de Ouahigouya seront « menées de façon impartiale et indépendante ». L'ONG, qui dénonce des expéditions punitives de l'armée et de leurs supplétifs des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), avec un mode opératoire similaire à d'autres massacres également attribués aux forces burkinabè. Ousmane Aly Diallo, chercheur sur le Sahel au bureau Afrique de l'Ouest d'Amnesty joint par Sidy Yansané de la rédaction Afrique, rappelle les précédents.
« Lors d'un incident à la Ferme à Ouahigouya, qui avait été documenté par Libération et AP News, des civils ont été raflés dans ce site de déplacés de la périphérie de Ouahigouya, à la suite d'une attaque contre des positions des VDP par des membres de groupes armés. Si on regarde ce qui s'est passé à Nouna, le 30 décembre 2022, il y a eu une descente dans deux quartiers peuls de Nouna où des arrestations massives ont eu lieu, ainsi que des exécutions sommaires et des homicides illégaux, quelques heures après l'attaque d'une position des Dozos par des membres d'un groupe armé. Et c'est la même chose qui s'est produite à Karma le 20 avril. Cinq jours plus tôt, il y a eu une attaque contre des positions des VDP à Aourema, un village dans les environs de Karma. Donc c'est le même schéma opératoire où on assiste à des expéditions punitives de la part de soldats ou bien de Volontaires pour la Défense de la Patrie. Tout en sachant que jusqu'ici, malgré tous ces incidents, aucune justice n'a été rendue aux victimes, et que le climat d'impunité règne. »