Tunisie: Violence dans les stades et les salles sportives - Un fléau complexe et multidimensionnel...

De la version du ministère de l'Intérieur à celle des groupes Ultra, la vérité s'égare. Une chose est sûre, le banditisme et le vandalisme dans nos stades dépassent toutes les limites. Il est temps de passer à une purge profonde.

Les images du stade de Radès en feu et des jeunes délinquants en train de saccager les virages et les grillages ont fait le tour du monde. Des images honteuses et effrayantes lors d'un certain EST-JSK, et puis, 24 heures après, des incidents violents entre le public du CA et les forces de l'ordre. Et toujours ces groupes de supporters qui logent dans les virages et qui, depuis des années, font la loi et ne ratent pas la moindre occasion pour passer à la violence.

Une violence qui évolue dans le temps avec plus d'intensité et plus d'agression. Maintenant, on est passé du jet des flammes et des projectiles à l'usage de scies électriques et des armes blanches! On est maintenant à un stade avancé de la violence, celle enracinée et organisée. Ces jeunes supporters n'ont plus peur de rien ni de personne.

On leur permet de ramener des flammes et des craquages au stade (c'est clair qu'il y a une négligence et une complicité de la part d'une partie des forces de l'ordre), on les met au rang de héros et comme si c'était des acteurs du spectacle d'un match, et le plus important, leurs clubs les défendent, à chaque fois, à tort et à travers. Pis, des présidents de clubs se font petits devant eux et les financent pour éviter leur colère.

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On a vu comment tout un lobbying a été fait pour que les virages du stade de Radès, fermés dans un premier temps pour antécédents de violence, ont été ouverts rien que pour les beaux yeux de ces groupes de virages violents. Une chose est sûre, on a vu une succession d'événements violents et «barbares» durant ces dernières années, essentiellement au stade de Radès. C'était toujours le même scénario : des escarmouches entre les groupes de supporters (qui se livrent une bataille de pouvoir et de notoriété) et, par la suite, la guerre avec les policiers : jets de flammes, de pierres, de projectiles et une extrême violence envers les forces de l'ordre.

Et logiquement, les forces de l'ordre, ayant le droit d'exercer la violence pour faire régner l'ordre, peuvent, par manque de tact ou de métier, exagérer l'usage de la force. Et c'est une boule de haine qui grossit et qui complique les choses. Cette violence dans nos stades n'est pas seulement aux virages, mais partout. Elle est verbale (les cris et les chants obscènes deviennent tolérés depuis des années), elle est diversifiée (jet de pierres, flammes...), elle est débordante. Et le plus grave, elle est impunie. Ce sont toujours des avocats et des dirigeants qui défendent aveuglément, et sous prétexte de solidarité partisane, ces jeunes coupables et récidivistes.

De jeunes adolescents trempés dans le bain de la violence par des «gourous» de ces dangereux et criminels groupes Ultra qui se sont transformés, petit à petit, en des gangs organisés amassant l'argent facile et propageant la violence et la criminalité. Pourquoi n'applique-t-on pas ces lois claires et répressives comme on le fait envers n'importe quel auteur de violence et de crimes?

C'est la plus grande interrogation. Cette impunité est la raison principale à la cadence élevée de la violence dans nos stades. C'est comme si on tolérait ce que ces «hors-le-loi» font dans les stades en leur cherchant, à chaque fois, des alibis. Ils ne sont pas interdits de rentrer dans les stades, ils sont libérés après être arrêtés (sur intervention des clubs influents), on leur permet de faire rentrer ce qu'ils veulent, les dirigeants des clubs les craignent et, à la fin, ces gens sont limite intouchables.

D'autres considérations

La violence dans les stades ne peut pas être analysée uniquement depuis un cadre sportif et sécuritaire. Elle est plus complexe et plus générale que cela. Ces jeunes, qui s'acharnent sur les forces de l'ordre et qui détruisent tout ce qui est à leur portée, sont issus de quartiers et de zones généralement défavorisés et à risques.

Des quartiers où la pauvreté, l'exclusion et l'oubli de l'Etat poussent à des réflexes anarchiques anti-Etat et anti-ordre. De plus, notre société, en pleine crise de valeurs et crise économique, a appris à composer avec la violence, la haine, le mépris de l'autre qui ne partage pas les mêmes tendances. La violence est une réponse sèche à l'ensemble des forces exercées sur ces jeunes marginalisés et oubliés.

Les médias, les réseaux sociaux, la rue, partout des messages et des symboles violents et impulsifs qui enracinent la prédisposition à la violence. Appliquer la loi avec fermeté, repenser et améliorer les méthodes de travail des forces de l'ordre dans un stade (arrêter avec cette agressivité gratuite et cet irrespect à l'entrée d'un stade), dialoguer sérieusement avec les groupes prêts à faire un recul, désigner des stadiers issus des supporters, donner l'exemple au niveau des dirigeants des clubs, voilà comment les choses peuvent aller mieux. On est déjà en retard !

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