c'est possible !
Début des cérémonies de remises au bureau du groupement de Walungu
Le 28 février 2023, l'expérience d'une élection démocratique, transparente et sans propagande s'est tenue sur le territoire de Walungu, à l'Est de la RDC au Sud-Kivu. Objectif, élire le nouveau chef de groupement. Ce, après la nomination par le Chef de l'Etat du nouvel Administrateur du Territoire de Walungu et ancien Chef de groupement de Walungu.
Une expérience singulière car, selon la norme sur ce territoire, le choix d'un Chef de groupement ou d'un Chef de localité se fait sur base d'une désignation par l'autorité habilitée.
A la question posée à Sa Majesté le Mwami Ndatabaye Ngweshe Weza III sur le pourquoi d'un processus électoral alors qu'il a la compétence de désigner le nouveau Chef de groupement sur son entité ? Ce dernier a fait savoir : « nous sommes en train d'être imprégné par ce que la Communauté bahá'íe est en train de faire. Dans mon entité au sein du village de Canjavu, nous avons voulu faire des élections libres, transparentes, selon un scrutin secret pour qu'elles soient démocratiques ».
Les caractéristiques d'une gouvernance démocratique
Comment fait-on pour élire des acteurs qui ne se présentent pas comme candidats et qui ne font pas de propagande pour être choisis ?
Selon les principes baha'is, « une élection sans propagande » est un moyen, un mode de fonctionnement qui permet de choisir des représentants qui serviront la communauté que cette dernière aura choisi. Une élection n'est pas une fin en soi ; il s'agit de se mettre au service d'une finalité plus complexe, celle de bénéficier d'hommes et de femmes au service de l'Humanité, pour que les communautés soient guidées et accompagnées par des institutions au service de la justice sociale, dans le but de construire le bien-être social, économique, éducationnel, spirituel et matériel de la population avec tous les protagonistes du milieu.
Une autre caractéristique du processus électoral bahá'í révélé par, le fondateur de la Foi Baha'ie, Baha'u'llah , est l'interdiction d'être influencé par des intérêts ethniques ou d'être entaché par la partialité et le favoritisme. Sharaf Makyambe Abumba de la fondation d'inspiration baha'ie Erfan-Connaissance, qui oeuvre sur le terrain à Canjavu, explique que « pour élire, il faut prêter une attention particulière à la capacité réelle et aux réalisations actuelles ; seuls ceux qui sont les plus qualifiés, qu'ils soient hommes et femmes et sans tenir compte de leur situation sociale, devraient être élus en tant que membre d'une assemblée bahá'íe investie pour guidée les affaires de la communauté ».
Pour tendre vers ces principes spirituels, l'élection prend aussi en compte la dimension spirituelle en pratiquant un temps de méditation pour permettre aux électeurs de faire leur choix en toute intimité dans un environnement propice au but recherché.
La double expérience d'une élection sans propagande
L'expérience sur le territoire de Walungu est digne d'intérêt car au vu du fonctionnement électoral adopté, nous sommes en droit de nous poser la question : Comment l'autorité habilitée à choisir a-t-elle organisé l'élection du Chef de groupement qui ne se présente pas comme candidat et qui ne fait pas de propagande pour être élu ?
Le Mwami Roi de la Chefferie de Ngweshe pour procéder à l'élection du nouveau Chef de groupement, a sondé l'opinion de la communauté et a sollicité tous les Chefs de villages, soit 44 sur le groupement. Il a également choisi d'autres leaders en supplément comme des directeurs d'écoles, des responsables d'hôpitaux et d'associations, des préfets des écoles et des leaders religieux au sein des institutions bahá'íes, catholiques (prêtres, soeurs catholiques), protestants (pasteurs), islamiques. Et l'ensemble de ces leaders a totalisé 89 personnes qui ont élu le Chef de groupement.
Lors de cette élection, le principe du processus électoral utilisé a été à la fois simple et profond puisqu'il a été question d'élire par scrutin secret, avec la sincérité du coeur et de la raison, la personne qui, selon l'électeur reflète les qualités de coeur, d'esprit et les capacités du sens de l'action qui sont les plus élevées pour servir et guider la communauté. Tout le monde était éligible au-delà de 18 ans et personne ne s'est porté candidat. Les électeurs délégués n'étaient pas tenus de choisir un élu parmi eux. Le but était d'élire celui qui est le mieux à même et en capacité de coordonner et guider l'administration générale du groupement.
Le Chef du groupement de Walungu a finalement été élu avec 72 voix sur 89 votants. Le nouveau Chef de groupement qui a été choisi est le Chef sortant du village de Canjavu M. Léon Karhana Mushagalusa.
Ainsi donc, le remplacement du Chef sortant du village de Canjavu a aussi donné lieu à un processus électoral qui a permis de faire la double expérience d'une élection sans propagande !
Le 12 avril 2023, se sont tenues les élections du nouveau Chef de la localité de Canjavu.
Au niveau de la localité, la Commission chargée des élections, a expliqué aux électeurs du village qui étaient présents, les conditions d'éligibilité de cette élection sans propagande : avoir 18 ans, utiliser un bulletin de vote signé et portant le cachet du village pour assurer la transparence. Il n'y a pas eu de dénonciation ou d'annonce d'un élu avant le résultat. Sous les yeux de la commission électorale, de l'ancien Chef de localité M. Léon Karhana Mushagalusa et de la population, le résultat a été proclamé à la lecture du Procès-Verbal.
M. Badi Barhigenga Patrick ayant récolté le nombre de voies le plus élevé, est aujourd'hui le nouveau Chef de la localité de Canjavu.
La participation universelle des trois protagonistes dans ce système électoral est un facteur vital
Une réalité soutenue et pratiquée à Canjavu est celle d'une bonne gouvernance qui se base sur le modèle d'expérience « Action - Réflexion - Consultation - Etude - Action - Réflexion - Consultation - Etude ... » ; ce modèle invite au pragmatisme, à l'introspection, à collaboration inclusive et à l'approfondissement. Sharaf Makyambe Abumba soulève l'importance du principe de la participation universelle, car lorsque ce modèle est pratiqué par les trois protagonistes de la société (individu, communauté, institution) dans une posture d'apprentissage qui tend à développer un ensemble de capacités comme : être systématique dans les tâches, servir en étant désintéressé, développer des compétences techniques, consulter de manière inclusive, ... alors « les communautés s'avancent grâce à l'unité d'action et un progrès est accompli quand tous les membres assument leur part du travail et y contribuent avec leurs talents ».
C'est ainsi que pour se lancer dans l'océan des actions qui émergent des besoins de la communauté, la planification des actions à entreprendre, prend la forme d'un cadre ouvert à toutes initiatives inspirées et inspirantes. L'inspiration vient de ce qui est plus grand que nous. Le Mwami Roi de la Chefferie Ngweshe déclare «je suis enfant de Dieu, ceux qui votent sont enfants de Dieu et le résultat est la volonté de Dieu ». La participation universelle ou collective des trois protagonistes dans le système électoral et au-delà, est un facteur vitaldans sa recherche permanente de faire grandir les qualités spirituelles chez chacun des protagonistes (individu, communauté, institution) tout au long du processus pour une croissance durable.
Le processus de désintégration et d'intégration du système en construction
Le processus de désintégration des forces destructrices de l'ancien système laisse place à de nouvelles forces constructives. Les enseignements bahá'ís, dispensés il y a 166 ans par Bahá'u'llá, sont utilisés pour répondre aux besoins de la communauté, pour créer des moyens, des outils inspirés et appropriés au service de la transformation sociale. Grâce aux expériences communautaires avec la participation universelle, le processus en cours contribue à développer le bien-être spirituel, social et matériel de la population. De nouveaux fonctionnements sont explorés (comme celui du processus mécanisé pour le choix de nos leaders) afin que les individus progressent de manière paisible et offrent leurs suggestions au service de la communauté.
D'une part, les enseignements se mettent au service de la population qui recherche dans leurs actions comment les appliquer pour progresser de manière significative, et d'autre part, ces nouveaux champs d'expériences qui impactent la communauté influencent les Chefs dans leurs pratiques de développement des qualités spirituelles, qu'ils conscientisent de manière organique au fur et à mesure que le processus de construction communautaire se consolide. Le cercle vertueux des capacités grandit.
Par ailleurs, l'expérience d'une élection sans propagande et sans candidature permet à la population d'apprécier une nouvelle capacité dans la construction communautaire « l'autogestion du choix des leaders sans contestation » en se soumettant au choix proclamé pour en faire sien. Cet aspect contribue à la croissance paisible post-électorale et permet de se focaliser sur les besoins prioritaires de la communauté.
La finalité de ce système électoral dans un village expérimental
Les apprentissages de Canjavu sont les fruits d'un processus de plusieurs années. Aujourd'hui, le Chef du groupement nouvellement élu et ancien Chef de localité, s'est exprimé dans le sens de se mettre au service de tout le groupement pour permettre le transfert des capacités au niveau de l'ensemble des villages du groupement et sur le territoire de Walungu.
Cela devient possible car les apprentissages sont nombreux dans le domaine éducatif au service du développement des qualités spirituelles, ainsi que dans le domaine des actions sociales qui influence par l'expérience le discours en cours dans la communauté au travers de la qualité des conversations, pour faire progresser la compréhension et les réflexions collectives avec une vision qui renforce la cohésion sociale et la volonté sincère d'une guidance inclusive.
Sharaf Makyambe Abumba de la fondation d'inspiration baha'ie Erfan-Connaissance soulève qu'à partir de la finalité du système électoral dans un village expérimental, nous voyons directement l'impact et l'influence de la contribution. Il s'exprime en ces termes « nous parlons de l'impact quand la communauté s'approprie ce système électoral en respectant les principes directeurs d'une loi. Nous parlons d'influence quand il y a une maîtrise qui rencontre - la double raison d'être - à savoir, à la fois « une transformation individuelle et collective » chez les acteurs impliqués, de sorte que, la prévalence d'une ou deux activités visibles dans l'expérience vécue sur terrain peut être documentée et partagée avec d'autres localités. »
Enfin, pour le nouveau Chef du village de Canjavu , ce qui lui semble au coeur des apprentissages,
« ce sont les principes de l'unité, de l'abandon des préjugés, de l'égalité des droits sociaux entre l'homme et la femme, de la justice sociale et économique car cela nécessite de comprendre comment pratiquer :
- l'éducation des qualités spirituelle chez les enfants,
- le développement des capacités pour accompagner l'expérience des jeunes lorsqu'ils apprennent à faire des choix pour canaliser leurs énergies au service de la communauté malgré les forces destructrices en présence qui influencent le monde,
- et l'impulsion du mouvement des mamans qui sont les premières éducatrice de la communauté pour répondre aux maux et aux besoins actuels de notre humanité.
Lorsque les capacités de leadership des mamans se développent de manière collective et qu'au fur et à mesure, l'accompagnement et le soutien de leur famille se fait voir, c'est le village qui devient directement bénéficiaire des nouvelles actions qui répondent en profondeur à nos besoins ».