En 100 ans d'existence, la ville de Kinshasa a grandi, mais sans vieillir. Il n'y a qu'à voir ses maisons qui poussent à chaque lever du Soleil. A 100 ans, Kinshasa n'a plus sa verdure qui lui aurait servi de matière à justification de son statut de capitale d'un pays solution en ce moment de transition écologique. Ses arbres qu'il avait sur le boulevard Lumumba à Limete et ceux au Q1, à N'djili, pour ne citer qu'eux, font désormais partie du cours d'histoire des plantes.
A 100 ans, Kinshasa n'a plus sa belle robe d'antan lui laissée par le belge et qui avait parmi ses dessins, ces belles plantes oubliées. Cette belle robe, faut-il la présenter, s'étalait de Kalina, actuel Gombe, jusqu'à Limete, en passant par "Beaumarchais", Renkin, actuel Matonge, et autres coins et recoins de la ville comme Dendale, Bandal, Nouvelle Cité, actuel Ngiri-Ngiri, sans oublier Kintambo, commune qui lui servit de berceau en 1923.
Une promenade à travers ces lieux vous faisait marcher à travers un système de rues avec de bonnes perspectives à la fois bien tirées au cordeau et bien enchevêtrées. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui à l'heure où l'ex-Léopoldville s'apprête à célébrer ses cent ans d'âge. Les occupants de la ville de Kinshasa ont profité du départ des Belges pour placer chacun, aujourd'hui, sa maison là où il veut. Ce qui a donné lieu à une chienlit jamais vécue. Même Limete, qui a été l'une des communes les plus résidentielles à l'époque belge, a aujourd'hui montré ses limites, allusion non faite aux communes par lesquelles il est limité.
Il s'agit plutôt de ses mauvais côtés cachés derrière sa façade antérieure. C'est à Limete que vous trouvez, 100 ans après, toutes sortes de chienlits. Tout au long de la voie ferrée qui a même perdu sa raison d'être, vous avez tout un tas de quartiers bidon : Pakadjuma, Kawele et autres, dont la plupart avec des habitations construites à base d'éléments de récupération, sur un système de rues mal tirées au cordeau, avec sur certaines toitures, des nids de corbeaux.
Vous trouvez dans ces quartiers bidon des habitations comme annexées en excès, la plupart axées sur des directions qui ne vous fournissent aucune voie d'accès. Ces quartiers bidon, à les regarder de très près, vous font perdre même le sens et la raison d'être de l'existence du BEAU qui a son siège au sein même de Limete. Si vous voulez le vérifier, faites seulement un tour sur l'avenue Saint-Christophe.
Pour la petite explication, le BEAU, c'est le Bureau d'Etude d'Aménagement et de l'Urbanisme. Ce qui est marrant, c'est que, ce Bureau qui a en charge l'aménagement et l'urbanisation de la ville de Kinshasa, se trouve située juste à quelque poussière de pas d'une rivière désormais métamorphosée en dépotoir de toutes sortes de déchets plastiques et bio-dégradables. Imaginez-vous, derrière le BEAU, se cache un autre quartier bidon situé dans le même ordre du désordre qui prévaut dans les crapaudières ci-haut évoquées.
Ce désordre architectural continue jusqu'à la 16e Rue en passant par la 7e et la 11e Rue où vous trouvez tout un tas de maisons sauvages, comme ayant poussé spontanément sans intervention de l'intelligence humaine. Quelques unes de ces maisons sont des beaux points de vue, mais sur des rues qui n'offrent aucune perspective. Elles sont placées sur des rues qui n'ont rien de commun avec celles laissées par les colons. En tout cas Limete, ces gens ont saboté sa beauté. C'est comme s'ils n'ont pas appris les lignes géométriques à l'école primaire.
Sans vouloir nous attarder à Limete que nous avons juste pris à titre typique, ce désordre architectural, soit dit en passant, prévaut dans la pluralité des rues de Kinshasa où chacun se permet, comme en complicité avec les gens du cadastre de cette époque-là, de construire comme bon leur semble et sans respect de normes de la géométrie urbaine : dans la rue, sur le caniveau, sur des endroits réservés par les géomètres belges pour de futures raisons d'aménagement et, voire, sur les bords des rivières, désormais devenues des fosses d'aisance, alors qu'on devrait y construire un certain nombre de quais : levées revêtues de pierres de taille et faites le long des rivières, pour rendre les chemins praticables et pour empêcher le débordement d'eaux, surtout en saisons pluvieuses.
Voilà ce qui justifie les désastres qui ont souvent lieu durant ces saisons pluvieuses où la plupart de ces habitations anarchiques, à l'issue de chaque pluie, se retrouvent comme hydrocutées jusqu'à prendre la forme de ce que l'on peut appeler "gratte-terre" ; c'est comme si l'on vivait dans un Etat de "Cacofornie".
Les marchés à Kinshasa sont eux aussi mal construits. C'est au point que durant ces temps pluvieux, ils ne sont pas épargnés. Lorsque vous êtes dans un marché après la pluie, vous avez difficile à marcher. Ils sont inondés par le débordement d'eaux, au point que leur inondation en légumes et fruits font pendant ce temps l'objet d'une causerie secondaire.
A Selembao par exemple, à moins que je sois en train de parler en des termes extravagants, chaque fois qu'il pleut, vous avez l'air de croire comme si le ciel bat en haut.
A 100 ans, pourquoi ne pas "libertifier" les marchés de Kinshasa, c'est-à-dire : les construire tous selon les modèles du marché de La Liberté.
En ce temps de la crise constructionnelle qui prévaut à Kinshasa, qu'il nous soit permis de nous poser la question de savoir : Qui chassa si tôt les Belges, alors qu'ils étaient encore en plein processus de construction de Léopoldville ? Deuxième question : "Quelle est la raison d'être à Kinshasa d'un Institut National des Bâtiments et des Travaux Publics ?".
Dans l'attente des réponses à ces deux questions que nous publierons à travers un courrier qui sera ouvert à cet effet, qu'il soit souligné à ce niveau de la réflexion qu'à cette pathologie architecturale dont souffre la centenaire ville de Kinshasa, autrefois Kinshasa La belle, s'ajoute le tant évoqué problème de l'insalubrité qui prévaut dans toutes ses rues, la plupart aujourd'hui transformées en poubelles, voire en urinoirs publics.
A 100 ans, la saleté est devenue le propre des Kinois qui se permettent de jeter leurs épluchures, leurs restes du hier et voire leurs chiures partout dans les rues et surtout dans des rivières qu'ils ont converties en déversoirs de toutes sortes de saletés. Vous trouverez à Kinshasa, à l'heure actuelle, des poubelles partout. Celle qui formait un monticule sur l'avenue Kasa-vubu à Kintambo, précisément au quartier Babylone, avec des effluves nauséabondes qui mettaient à mal la respiration de gens de ce coin ainsi que celle des passants, vient de subir une incinération sur décision des concernés.
Vu le bel aspect que présente leur milieu de vie, ces incinérateurs improvisés ont trouvé que ça ne pouvait pas à la fois être bon et nauséabond. Soit c'est bon ou soit c'est nauséabond. Voilà ce qui justifie leur choix du bon en faisant passer dans le four crématoire ces immondices qui ne faisaient que trop les indisposer. A d'autres kinois d'apprêter aussi leurs allumettes.
A 100 ans, Kinshasa doit chercher à retrouver ses bonnes odeurs d'antan.