Afrique: La liberté de la presse a le plus reculé en Afrique, selon le classement de RSF

Comme chaque année le 3 mai, l'ONG Reporters sans frontières (RSF) a dévoilé son classement annuel de la liberté de la presse dans le monde. Selon ce rapport, c'est en Afrique que la liberté de la presse a le plus reculé en 2022 : RSF pointe les effets de la désinformation et des menaces et intimidations pour les journalistes.

Le Botswana gagne 30 places dans le classement, quand le Sénégal, jusqu'alors « modèle régional », en perd 31.

Malgré une situation variable d'une région à l'autre, le tableau se noircit pour les journalistes du continent : dans 4 pays sur 10, ils exercent dans des conditions « difficiles ».

Au Sahel, RSF note une « explosion de la désinformation » alimentée par la menace sécuritaire. Au Burkina Faso et au Mali, RFI et France 24 ont vu leurs antennes suspendues, rappelle le rapport, et des journalistes étrangers y ont été expulsés.

Ce tour de vis des autorités concerne aussi les journalistes locaux. L'ONG pointe des arrestations arbitraires plus nombreuses. Au Burundi par exemple, classé 114e sur 180, la journaliste Floriane Irangabiye vient d'être condamnée à 10 ans de prison ferme pour atteinte « à la sûreté intérieure de l'État ».

Me Armel Niyongere, président de l'ONG Action des chrétiens pour l'abolition de la torture, ACAT Burundi, réagit à la condamnation en appel d'une journaliste à 10 ans de prison

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De son côté, le Cameroun a été endeuillé en début d'année par l'assassinat de Martinez Zogo. Cet animateur radio enlevé en pleine rue à Yaoundé puis retrouvé le corps mutilé en janvier.

Quelques progrès sont à noter au Niger, classé à la 61e place, après l'amendement d'une loi sur la cybercriminalité, jugé menaçant pour les journalistes.

Au Soudan, même « en dehors de la capitale » il y a « beaucoup de difficultés en tant que journaliste »

À Khartoum, la plupart des médias ont fermé leurs portes. Au milieu des tirs et bombardements, les journalistes sont empêchés de couvrir le conflit. C'est le cas de Marwah Alamin, journaliste qui a fui la capitale il y a peu. Elle raconte comment elle continue à exercer depuis l'État d'Al Jazeera, à une centaine de kilomètres de la capitale, une zone préservée des combats.

J'ai dû fuir Khartoum car c'était impossible de travailler là-bas. Je ne pouvais pas sortir de chez moi, même pour aller à l'hôpital le plus proche, pour couvrir les événements de là-bas. L'armée soudanaise et les Forces de soutien rapides sont partout. Encore plus si tu es journaliste ! Ils fouillent dans ton portefeuille et trouvent ta carte de presse. Parfois, ils abusent des journalistes, les frappent ou les volent. Je fais un reportage sur l'Etat d'Al Jazeera qui a reçu le plus de déplacés depuis le début du conflit. Il y a des pénuries d'essence, de pain, de médicaments. Alors je cherche à savoir, dans quelles conditions vivent-ils ? Ont-ils assez à manger ? Alors que des rédactions ferment à Khartoum, en dehors de la capitale j'ai toujours beaucoup de difficultés. Car tous ces déplacés dépendent maintenant du gouvernement soudanais. Donc ce n'est pas facile d'avoir des données des autorités. Je n'ai pas accès aux abris où ils sont hébergés, j'ai passé peut-être 5 jours et demi à faire un seul reportage sur la situation ici. Quand j'étais à Khartoum, je ne pouvais pas travailler. Je voyais littéralement les gens mourir dans la rue. Je me sens mal de ne pas pouvoir refléter fidèlement la situation, mais j'ai beaucoup d'espoir pour une presse enfin libre. Le conflit actuel éloigne un peu plus ce rêve, mais nous allons continuer à nous battre pour qu'il devienne réalité.

La journaliste soudanaise Marwah Alamin raconte pourquoi elle a fui Khartoum et comment est son quotidien de reporter

Pauline Le Troquier

Le Sénégal, ancien « modèle régional », dégringole dans le classement de RSF Dans le classement annuel de Reporters sans frontières, le Sénégal dégringole de 31 places par rapport à l'an dernier. L'ONG RSF note une « recrudescence des menaces verbales, physiques et judiciaires envers les journalistes ces dernières années ». À l'approche d'une échéance électorale majeure, la présidentielle prévue en février 2024, la profession est inquiète.

De la 73e à la 104e place : c'est l'une des baisses les plus importantes du nouveau classement de RSF, qui note que le Sénégal a longtemps été considéré comme « un modèle régional » en matière de liberté de la presse.

Plusieurs affaires se sont succédé ces derniers mois. Avec l'arrestation d'abord de Pape Alé Niang en novembre. Patron du site Dakar Matin, après deux séjours en prison, il est sous contrôle judiciaire depuis janvier, notamment pour « divulgation de documents militaires de nature à nuire à la défense nationale ».

Pape Ndiaye, chroniqueur judiciaire pour Walf TV, est lui incarcéré depuis le 7 mars pour « diffusion de fausses nouvelles », après avoir critiqué les magistrats dans l'affaire visant l'opposant Ousmane Sonko. La chaîne privée avait par ailleurs été suspendue pour 7 jours en février, pour une couverture jugée « irresponsable » de manifestations de l'opposition à Mbacké.

Quant à Babacar Touré, directeur du site d'informations Kewoulo, il a été inculpé ce mercredi soir, notamment pour diffamation, et placé sous contrôle judiciaire.

De son côté, le gouvernement a régulièrement assuré que la liberté de la presse était bel et bien garantie au Sénégal, et dément toute interférence dans les procédures judiciaires.

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