Madagascar: La vie des Tananariviens au début de la colonisation

Durant les premières années de colonisation, le Comité de solidarité de Madagascar, constitué pour aider les colons à s'installer dans la Grande ile, reçoit des correspondances de ses représentants dans les grandes villes malgaches.

Plusieurs abordent la situation dans plusieurs points où l'insurrection des Menalamba est virulente. Insurgés qu'en général, les Français de Madagascar assimilent « à une bande de paysans imbéciles et superstitieux qui ont obéi aux menées de fauteurs de désordres, qui obéissaient eux-mêmes, selon toute probabilité, à de grands personnages de Tananarive », lit-on dans une correspondance du 26 décembre 1895. Cette lettre accuse surtout la famille de l'ancien Premier ministre Rainilaiarivony, habituée aux abus de pouvoir.

« Elle est redoutée par tous les Malgaches et c'est une gêne pour toute la population qui craint sans cesse de retomber sous ses exactions. » D'après l'auteur de la correspondance, la famille de Rainilaiarivony reste forte car elle est soutenue pas ses nombreux aides de camp qui circulent en province et « vivent d'exactions et d'intimidations ». Néanmoins, hors de ces points chauds « vite réprimés », tout l'Imerina est tranquille. De même, sur l'axe de Mahajanga, la contrée entre Suberbieville (Maevatanàna) et la capitale se repeuple : la route est ouverte et les bagages peuvent circuler librement.

« D'ailleurs, les pluies torrentielles qui n'ont cessé de tomber depuis plusieurs jours, gêneraient les Fahavalo (ennemis, pour traduire insurgés) dans leurs opérations et les épaves laissées sur la route sont peu faites pour exciter leur cupidité ». Profitant de la pluie, les Merina s'adonnent au travail de la rizière, notamment dans la grande plaine du Betsimitatatra. Ce qui, d'après les colons, provoquent une pénurie de leur main-d'oeuvre, les ouvriers étant engagés au travail pénible du défonçage du terrain et du repiquage du riz.

D'autant que, voyant la quantité de riz nécessaire à la consommation du corps d'occupation, les cultivateurs augmentent leur terrain, se lancent dans le jardin potager... « Tous se préparent à gagner de l'argent. » En outre, le travail des bourjanes (porteurs), des conducteurs de mulets et des terrassiers du Génie fait diminuer le nombre de bras disponibles. Ranavalona III, elle, « semble avoir pris définitivement son parti » de la nouvelle situation, continue l'auteur de la correspondance.

En-dehors des « kabary » (grandes assemblées officielles) et des cérémonies, elle sort rarement dans la ville, comme l'étiquette l'exigeait avant la colonisation. Quant à la noblesse, du fait du rôle récent de la reine, « elle reprend le haut du pavé et les vieux possesseurs de fiefs se sentent dégagés de l'étreinte où les a enserrés l'autorité du tyran ». Les troupes d'occupation, de leur côté, ont d'autres intérêts. « Nos soldats, bien indifférents aux dissensions intestines qui pourraient se produire, trouve Tananarive fort supérieur à tout ce qu'ils ont vu en route. » Pour eux, Madagascar est devenu « un pays de cocagne » car ils peuvent s'y procurer des oies et des dindes grasses, des fruits... à bon marché.

Sans oublier, le dimanche matin, les moutons suspendus devant les cantonnements des tirailleurs algériens. Du reste, les hommes de troupe se sont remis de leur fatigue et trois fois par semaine, « sur les digues, ils défilent allègrement au son d'une nouba improvisée ». Souvent un large sourire, en quête de nourriture ou d'aventure, on les voit causer avec les Malgaches avec tant de conviction qu'on les voit attachés à ce pays nouveau. Mais selon le colonel Oudri, « les gaillards seront heureux de retourner au douar, allez ; nous l'avons vu au Tonkin et je suis certain qu'il en sera de même ici ». Pour l'auteur de la correspondance, cette satisfaction des soldats n'est plus qu'un souvenir. Une action double du représentant de la France commence : « organiser pour administrer, ouvrir le pays pour coloniser.»

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