Proclamé, par l'Assemblée générale des Nations Unies (ONU) en 1993, comme Journée mondiale de la liberté de la presse, le 03 mai de chaque année est une occasion pour les acteurs des médias, de par le monde, de faire le point sur la situation de la presse, d'engager la réflexion sur les leçons et les perspectives en matière de liberté de la presse et de liberté d'expression. Interpellé sur le cas du Sénégal, le secrétaire général du SYNPICS, Ahmadou Bamba Kassé, relève que la liberté de presse est consacré par les textes en vigueur et qu'on ne peut parler de recule.
Néanmoins, il déplore des arrestations de journalistes. «Pour nous, un seul journaliste qui va en prison, c'est un détenu de trop». Pour le président de l'APPEL, Ibrahima Lissa Faye, jamais le Sénégal n'a connu une «régression aussi grave et aussi encrée que celle que nous vivons». Pis, «C'est la première fois qu'on va fêter la Journée internationale de la liberté de la presse avec un journaliste en prison». Regards croisés !
BAMBA KASSE, SECRETAIRE GENERAL DU SYNPICS
«Pour nous, un seul journaliste qui va en prison, c'est un détenu de trop»
Pour Ahmadou Bamba Kassé, le secrétaire général (SG) du Syndicat des professionnels de l'information et de la communication du Sénégal (SYNPICS), le rôle de la presse étant d'éclairer le public, il est évident qu'on doit s'intéresser à la liberté de cette presse là. Le journaliste considère que, sur le papier et dans les principes, le Sénégal est un pays qui consacre la liberté de la presse.
«Les textes et la Constitution garantissent cette liberté. Pour preuve, au Sénégal, le droit à l'information et la pluralité médiatique sont une réalité. Ce qui fait que tous les jours que Dieu fait, le citoyen Sénégalais reçoit une offre d'information extrêmement diversifiée. Ce qui veut dire, en amont, que les journalistes ont la liberté de faire leur travail», a-t-il déclaré.
Toutefois, M. Kassé souligne que ce qui change dans l'exercice du métier, en période électorale, c'est que les journalistes sont souvent mis sous pression par les tentatives de part et d'autre des politiques qui leur imposent d'adopter des discours. «Aujourd'hui, par exemple, il suffit d'analyser une situation pour qu'un des camps considère que vous êtes contre eux, et se mette en mode représailles. Et cela viole et menace la liberté du journaliste à faire son travail tranquillement», a ajouté le syndicaliste.
Contrairement à la perception de bon nombre de ses confrères, Bamba Kassé considère qu'il n'y a pas de recul de la liberté de la presse, avec le régime actuel. Pour le journaliste de l'Agence de presse sénégalaise (APS), au temps du régime socialiste, la liberté de la presse n'était pas aussi consacrée que çà.
Toujours, selon M. Kassé, l'ancien président de la République, Abdoulaye Wade, un libéral, a, de 2009 à son départ du pouvoir en 2012, refusé de faire adopter le nouveau Code de la presse, sous le simple prétexte que le pouvoir libéral était contre l'idée de dépénaliser les délits de presse. Le régime actuel, par contre, a réalisé l'adoption du Code de la presse en 2017, même si les délits de presse ne sont pas encore dépénalisés.
Malgré ce constat, réagissant sur les cas de ses confrères Pape Ndiaye, journalistes et chroniqueur judiciaire à Walf Tv et Babacar Touré, directeur de publication du site d'informations «Kewoulo», le secrétaire général du SYNPICS reste formel. «Aujourd'hui, si deux journalistes sur 1000 ou 5000 sont dans les liens de la détention préventive, de la détention, certains pourraient croire que ce n'est pas grave. Mais, pour nous, un seul journaliste qui va en prison, c'est un détenu de trop», a-t-il conclu.
IBRAHIMA LISSA FAYE PRESIDENT APPEL
«C'est la première fois qu'on va fêter la Journée internationale de la liberté de la presse avec un journaliste en prison»
A l'opposé de son confrère et secrétaire général du SYNPICS, Ibrahima Lissa Faye considère que la situation actuelle de la presse sénégalaise est «très désastreuse». «C'est la première fois qu'on va fêter la Journée internationale de la liberté de la presse avec un journaliste en prison. Et on risque d'avoir deux, parce qu'en dehors de Pape Ndiaye, il y a Babacar Touré qui est à deux pas de la prison et pour des faits qui n'en valent vraiment pas la peine», a regretté le président de l'Association des éditeurs et professionnels de la presse en ligne (APPEL).
Et M. Faye d'ajouter : «pour le cas de Pape Ndiaye, juste un communiqué, un démenti ou une saisine du CORED (Conseil pour l'observation des règles d'éthique et de déontologie, qui est l'organe d'autorégulation des médias au Sénégal, ndlr) aurait pu régler le problème. Mais, nous avons vu que l'Etat a voulu l'humilier, le priver de sa liberté. Ce qui relève d'une volonté de brider, d'intimider la presse».
Le journaliste qui déplore les moments «très sombres» que vit actuellement la liberté de la presse au Sénégal, semble inviter les autorités à s'inspirer de pays de la sous-région, modèles en matière de protection des libertés de la presse. «Je reviens de la Côte-d'Ivoire où les journalistes ne peuvent plus aller en prison parce qu'il y a une dépénalisation depuis 2004. Et, en 2017, la position de garde à vue est éliminée pour les journalistes. Cela pour vous dire que les autres pays sont en train d'avancer pendant que nousn nous régressons», a expliqué M. Faye.
Le nouveau Secrétaire général de la Fédération des Associations des professionnels de la presse et éditeurs en ligne d'Afrique de l'Ouest, dénonce la posture du régime en place vis-à-vis de la presse. «Jamais le Sénégal n'a connu une régression aussi grave et aussi encrée que celle que nous vivons. Le président Macky Sall ne dialogue pas avec la presse et ne lui accorde pas beaucoup d'importance. Et d'ailleurs, depuis qu'il est là, il n'a posé aucun acte qui vise à consolider le secteur de la presse. Pour le Code de la presse, il a fallu qu'on se batte, qu'on fasse une marche pour qu'il soit adopté», a-t-il souligné.