Le Sénégal continue sa chute libre, en matière de liberté de la presse, dans le classement mondial de Reporter Sans Frontière (RSF). Figurant parmi les 55 pays où l'exercice du journalisme est devenu «problématique», le Sénégal occupe la 104e position dans le classement 2023 ; dégringolant ainsi de 31 places, par rapport à celui de l'année dernière où notre pays était 73e sur 180.
104e mondial ! C'est le rang du Sénégal dans la 21e édition du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), qui justifie ce recul important, entre autres, par les affaires Pape Alé Niang et Pape Ndiaye. «Modèle régional jusqu'à il y a peu, le Sénégal (104e) perd 31 places notamment du fait des poursuites dont ont fait l'objet les journalistes Pape Alé Niang et Pape Ndiaye et de la forte dégradation des conditions sécuritaires des journalistes», renseigne RSF.
Un rang qui n'honore pas le Sénégal qui enregistre une chute libre, après sa position peu enviable de 2022 où il était 73e mondiale. Selon le classement mondial de RSF, le Sénégal qui, en 2021, avait un score de 74,78, se positionnant au rang de 49e sur 180 pays, a fortement régressé en 2022 : avec un score de 63,07, le Sénégal est classé 73e sur 180 pays ; soit un recul de 24 places, en un an.
Classé parmi les 55 pays où l'exercice du journalisme est devenu «problématique», le Sénégal perd encore 31 places, en 2023 (par rapport à 2022), pour se retrouver 104e mondial. Pis, en Afrique, le Sénégal est loin derrière le Burkina Faso (58e) et la Centrafrique, deux pays pourtant en proie à des conflits armés et où l'exercice du journalisme est des plus risqués.
LA NORVEGE CONSERVE SA PREMIERE PLACE POUR LA 7E ANNEE CONSECUTIVE
Selon RSF, cette 21e édition du Classement mondial de la liberté de la presse, établi le jour des 30 ans de la Journée mondiale de la liberté de presse, révèle des évolutions majeures et parfois radicales, liées à une instabilité politique, sociale et technologique. Publié à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée hier, mercredi 3 mai 2023, il évalue les conditions d'exercice du journalisme dans 180 pays et territoires.
«Il apparaît que la situation est "très grave" dans 31 pays, "difficile" dans 42 et "problématique" dans 55, alors qu'elle est "bonne" ou "plutôt bonne" dans 52 pays. Autrement dit, les conditions d'exercice du journalisme sont mauvaises dans 7 pays sur 10 et satisfaisantes dans seulement 3 pays sur 10», déplore la source.
A l'échelle mondiale, précise RSF, la Norvège conserve sa première place pour la 7e année consécutive. Une fois n'est pas coutume, un pays non nordique est placé en seconde position, à savoir l'Irlande (2e ; +4), avant le Danemark (3e ; -1). Les Pays-Bas (6e), qui gagnent 22 places, retrouvent la position qu'ils occupaient en 2021, avant l'assassinat du journaliste Peter R. de Vries.
Le bas du Classement connaît également des changements. Le trio de fin est composé exclusivement de pays asiatiques : le Vietnam (178e), qui a parachevé sa chasse aux reporters et aux commentateurs indépendants ; la Chine (179e ; -4), plus grande prison pour les journalistes au monde et l'une des principales puissances exportatrices de contenus de propagande ; et, sans grande surprise, la Corée du Nord (180e).
«LES BAISSES LES PLUS IMPORTANTES DE L'EDITION 2023 SE TROUVENT NOTAMMENT EN AFRIQUE»
«Le Classement mondial prouve l'existence d'une très grande volatilité des situations, avec des hausses et des baisses importantes, des changements inédits, par exemple la hausse de 18 places du Brésil et la chute de 31 places du Sénégal. Cette instabilité est l'effet d'une agressivité accrue du pouvoir dans de nombreux pays et d'une animosité croissante envers les journalistes sur les réseaux sociaux et dans le monde physique. La volatilité est aussi le produit de la croissance de l'industrie du simulacre, qui façonne et distribue la désinformation, et donne des outils pour la fabriquer», déclare Christophe Deloire, Secrétaire général de RSF.
Relevant les hausses et les baisses, RSF note que «les baisses les plus importantes de l'édition 2023 se trouvent notamment en Afrique». Et de souligner que les États-Unis (45e) perdent trois (3) places. «Les répondants américains au questionnaire du Classement apparaissent négatifs sur la situation des journalistes dans le pays (cadre légal au niveau local, violence répandue), malgré la bonne volonté de l'administration Biden».
CLASSEMENT PAR REGIONS
S'agissant du classement par régions, l'Europe est la région du monde où les conditions d'exercice du journalisme sont les plus faciles, notamment au sein de l'Union européenne. Même si la situation sur le continent est cependant mitigée. Le score de la région est aussi largement impacté par les mauvais résultats de l'Asie centrale. Du Côté de l'outre-Atlantique, les Amériques n'affichent désormais plus aucun pays en vert.
Chez nous, même si l'Afrique enregistre quelques hausses notables, comme celle du Botswana (65e) qui gagne 30 places, «l'exercice du journalisme est globalement devenu plus difficile sur le continent où la situation est désormais qualifiée de "difficile" dans près de 40 % des pays (contre 33 % en 2022)».
Autre région, l'Asie-Pacifique abrite toujours parmi les pires régimes du monde pour les journalistes, informe RSF. Et conclure que, dernière au classement régional, la région Maghreb - Moyen-Orient reste la plus dangereuse pour les journalistes : dans plus de la moitié des pays de la zone, la situation est considérée comme "très grave".
Inventée par RSF le 20 avril 1991, la Journée de la liberté de la presse a été proclamée en 1993, par l'Assemblée générale des Nations unies, pour le 3 mai, suivant une recommandation de l'UNESCO de novembre 1991. Pour ses 30 ans, la journée est célébrée, hier mercredi, sous le thème mondial : «Façonner un avenir de droits : La liberté d'expression comme moteur de tous les autres droits de l'homme».