Rwanda: Paul Kagame pourrait être président du Rwanda jusqu'en 2035 - Les raisons de sa longévité

President Paul Kagame.
analyse

Le parti au pouvoir au Rwanda, le Front patriotique rwandais (FPR), a récemment conclu son 16e congrès. Ce congrès a également marqué ses 35 ans d'existence. Le point principal a été toutefois, une fois de plus, l'élection de Paul Kagame au poste de président. Avec 99,9 % des voix, soit 2 099 voix sur les 2 102 disponibles, M. Kagame a été réélu et s'apprête à briguer un nouveau mandat électoral en 2024.

La Constitution permet à Kagame de se représenter jusqu'en 2035. C'est un long chemin et il n'a pas indiqué quand il serait prêt à organiser une transition. Il a reconnu la nécessité d'un changement en implorant si souvent son parti de réfléchir au changement dans la continuité. À 65 ans, rien n'indique qu'il quittera la scène pour l'instant.

Kagamé, qui a été un élément moteur de la branche armée du FPR Inkotanyi, a pris la présidence du parti en 1998. Depuis lors, il s'est révélé être un acteur politique rusé, vainqueur de ses ennemis politiques (réels ou imaginaires). Il s'est également forgé un personnage messianique et une réputation d'homme d'État sans états d'âme.

Pour toutes ces raisons, il est devenu une icône internationale qui est aimée et détestée. Au Rwanda, l'opinion publique est largement favorable à son héritage.

Il est également clair que seul Kagame décidera, au moment de son choix, de quitter la scène politique. En tant que chercheur et auteur de longue date sur la transformation politique du Rwanda, je pense qu'il y a cinq raisons à cela. Il s'agit notamment du rôle que son parti a joué pour le maintenir au pouvoir et de certains aspects de sa personnalité.

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1. Le Front patriotique rwandais, une puissance économique

La domination et la longévité des partis politiques peuvent parfois se résumer à une chose simple : les finances. Le Front patriotique rwandais a démontré qu'il était riche et utilisé cette richesse pour éclipser tous les autres acteurs politiques. Il a construit une infrastructure financière autonome renforcée par son implication profonde dans l'économie. Si l'immobilier était une preuve, son siège de plus de 10 millions de dollars dans la capitale témoigne de cette puissance financière.

2. Le rigoriste

De nombreux observateurs politiques du monde entier ont fini par associer Kagame à un trait de caractère qui, selon certains, est tout simplement l'impitoyabilité ou autrementune discipline stricte. Cela est peut-être dû à son passé militaire et en particulier à son expérience dans le domaine du renseignement.

Au Rwanda, il est connu pour n'avoir que très peu de temps à consacrer à l'indiscipline des fonctionnaires et en particulier à la corruption. Des membres du gouvernement ont été démis de leurs fonctions s'ils étaient impliqués dans des affaires de corruption et d'autres ont été obligés de rendre compte de leurs manquements. Il a une éthique de travail très élevée et abhorre le laxisme.

C'est ce qui lui permet d'être apprécié même par ceux qui ne sont pas d'accord avec sa politique. En tant que tel, le Rwanda est l'un des pays les moins corrompus, l'un des pays où il est le plus facile de faire des affaires en Afrique subsaharienne. L'efficacité, la réduction des formalités administratives et la transparence sont des éléments clés pour un environnement favorable.

3. Le pragmatique

La longévité à la tête de l'exécutif africain exige un pragmatisme astucieux et Kagame s'est avéré doué en la matière. Pour assurer la domination de son Front patriotique rwandais et s'imposer lui-même, il a dû faire preuve d'une volonté de prendre des positions qui servent ses intérêts. Par exemple, bien qu'il ait adopté une position publique très sévère à l'encontre de ceux qui ne sont pas d'accord avec les actions ou la politique du Rwanda, il a su se montrer prudent et conciliant lorsque cela servait ses intérêts.

La récente libération du critique du gouvernement Paul Rusesabagina après que les États-Unis l'aient désigné comme détenu et emprisonné illégalement en est un exemple.

4. Stratège public

Pour un minuscule pays de seulement 13 millions d'habitants, le Rwanda a bénéficié d'une couverture médiatique hors norme sous la direction de Kagame. Il a pris des décisions audacieuses, voire risquées, qui l'ont distingué des autres prétendants au trône et des autres chefs d'Etat.

Le pays a sponsorisé certains des plus grands clubs de football du mondequi arborent des maillots avec le logo "visit Rwanda". Il a accepté un geste humanitaire, bien que controversé, pour accueillir des réfugiés rapatriés de Libye et récemment du Royaume-Uni.

Le sommet du 73e congrès mondial de la FIFA, qui s'est tenu pour la première fois en Afrique, s'est récemment achevé à Kigali, tandis que le pays accueillera, pour la première fois en Afrique, le championnat du monde de cyclisme sur route en 2025.

5. La force omniprésente

Personne au Rwanda n'est plus omniprésent que Kagame en particulier et son parti le Front patriotique rwandais en général. Il a personnellement dominé et défini l'espace politique du pays depuis la fin du génocide en 1994.

Le Front patriotique rwandais, l'aile politique de l'Armée patriotique rwandaise, alors force rebelle, a établi un système de parti dominant dans lequel aucun autre parti concurrent n'a de chance réaliste de le supplanter. Pour ce faire, le parti a utilisé sa domination parlementaire pour adopter des règles strictes régissant les partis politiques. Celles-ci ont entraîné la dissolution de partis politiques comme le Mouvement démocratique républicain (MDR) tout en en cooptant d'autres au sein d'une coalition. C'est, selon le Front patriotique rwandais, l'esprit de la gouvernance consensuelle plutôt que celui de la compétition conflictuelle.

Les risques de dissension

Les commentateurs politiques ont affirmé que pour les personnes impliquées dans la politique du pays, les risques de critiquer Kagame ou son gouvernement sont tout simplement trop élevés. Selon Human Rights Watch, de nombreux critiques ont fini en prison, exilés ou assassinés.

Cela envoie un message plutôt effrayant à tous ceux qui osent remettre en question le statu quo.

Pour l'instant, Kagame semble apporter une sorte de certitude et de prévisibilité à la politique nationale, permettant au pays de se reconstruire sur des bases solides. Mais cela ne le rend pas indispensable. À mesure que le Rwanda prend de la distance par rapport à son passé traumatisant et qu'il prend confiance en son avenir, il pourrait avoir besoin d'une alternance, voire l'exiger.

David E Kiwuwa, Associate Professor of International Studies, University of Nottingham

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