Tunisie: Affaire du complot contre l'État - Jusqu'où ira la justice ?

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L'avocat Samir Dilou explique que l'ouverture de l'information judiciaire concerne six avocats dont quatre pour complot contre l'État, alors que les deux autres seront auditionnés en raison de publications sur les réseaux sociaux, selon ses dires.

« La section régionale de Tunis de l'Ordre national des avocats de Tunisie (Onat) a été informée le 3 mai de l'ouverture d'une enquête judiciaire contre quatre avocats », selon la déclaration du président de l'ONAT, Laroussi Zguir à la TAP.

Il s'agit de la militante des droits humains Bochra Belhaj Hmida, du porte-parole du Comité de défense des juges révoqués, Ayachi Hammami, du dirigeant au sein du Front de salut Ahmed Nejib Chebbi et finalement le dirigeant du mouvement Ennahdha Noureddine Bhiri qui est actuellement incarcéré à la prison El Mornaguia dans le cadre d'une affaire de complot contre la sécurité intérieure de l'État.

Il s'agit d'une procédure prévue par l'article 46 du Décret-loi n° 2011-79 du 20 août 2011 portant organisation de la profession d'avocat. Cette procédure prévoit que dans le cas de poursuites pénales contre un avocat, le président de la section régionale compétente doit en être avisé immédiatement.

Effet domino?

Officiellement, on ne sait pas toujours le motif de cette enquête, mais il semble bien qu'elle ait un lien avec celle du complot contre l'État qui a conduit à l'arrestation de certaines personnalités politiques et des hommes d'affaires, dont Khayam Turki, Kamel Eltaief, Abdelhamid Jelassi, Jawhar Mbarek, Issam Chebbi, Chaima Ben Aïssa, Noureddine Boutar, Ridha Belhaj, Lazhar Akremi. Le nombre des personnes suspectées dans le cadre de cette même affaire ouverte depuis le 24 février 2023 aurait atteint 17 personnes et pourrait augmenter à la lumière des auditions ordonnées par le ministère public près le Pôle judiciaire antiterroriste.

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L'avocat Samir Dilou a expliqué que l'ouverture de l'information judiciaire concerne six avocats dont quatre pour complot contre l'État, alors que les deux autres seront auditionnés en raison de publications sur les réseaux sociaux, selon ses dires.

Plusieurs accusés dans la cadre de cette affaire ont refusé de sortir de la prison pour se rendre aux tribunaux et aux bureaux des juges d'instruction ainsi qu'aux hôpitaux en raison de ce qu'ils ont qualifié de « véhicules de la torture » que l'administration pénitentiaire utilisait pour assurer le déplacement des accusés en dehors de leur lieu d'incarcération.

Pour le Comité général des prisons et de la rééducation, ces véhicules ont été mis en service depuis 2018 et répondent aux normes internationales. Par ailleurs, aucune ONG n'a fait d'observations à ce propos. Pas de traitement de faveur donc pour les accusés dans cette affaire. Cette nouvelle donne ne fera que retarder donc l'audition de certains accusés.

Il est cependant utile de mentionner que cette affaire prendra du temps avant que le verdict ne soit rendu. L'effet domino est assuré en raison de la complexité et de la nature de l'affaire en lien avec la sûreté intérieure de l'État et la fuite d'individus suspectés, dont une personnalité notoire qui était chargée de la communication à la Kasbah. Ces derniers refusent de se présenter devant la justice sous prétexte de « l'instrumentalisation de la justice ».

La défense accuse

Certaines fuites sur les réseaux sociaux montrent l'exercice d'influence pratiqué par certaines personnalités influente dans le domaine des médias et le recours à des pratiques dégradantes et aux réseaux sociaux via des comptes sponsorisés pour tenter d'influencer l'opinion publique.

Même les nominations au sein du gouvernement étaient sujettes à des tractations sur whatsApp entre chroniqueurs et un ancien conseiller aujourd'hui arrêté et impliqué lui aussi dans l'affaire du complot contre l'État sur fond d'une tentative d'ingérence de la part d'une personnalité étrangère bien connue dans le monde des affaires.

Du côté de la défense des accusés, il ne s'agit là que « d'une instrumentalisation pure et simple de la justice, d'une affaire vide de preuves qui est montée de toute pièce pour faire taire la voix des opposants ».

Par ailleurs, l'avocat Ayachi Hammami a déclaré aujourd'hui, jeudi 4 mai sur les ondes d'une radio privée, qu'il sera arrêté dans les prochains jours suite à l'ouverture d'une information judiciaire à son encontre.

Selon la déclaration de Ahmed Nejib Chebbi, « aucune partie ne prend au sérieux l'affaire du complot contre l'État. Cette affaire est un message qui vise à museler l'opposition », selon lui.

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