Tunisie: Monteuses de lignes électriques - Des femmes qui grimpent sur des pylônes de 400 kv, une première au pays

TUNIS/Tunisie — Battantes, pleines d'énergie et conscientes de leurs missions futures, Hanène Ammar, Dorsaf Ben Nacer, Chiraz Melki et Rana Radhouani se préparent à devenir les premières monteuses de lignes électriques de l'histoire de la Tunisie.

Sur les douze femmes qui ont postulé au concours d'agents techniques lancé par la STEG en 2019, six ont été présélectionnées et quatre seulement ont été retenues au terme de tests pratiques en hauteur.

Elle sont déterminées à aller jusqu'au bout d'une formation ardue pour mériter leur statut. Pour ces jeunes femmes, presque toutes trentenaires, il ne s'agit pas d'une question d'émancipation de la femme dans un pays souvent cité comme pionnier dans les droits de la femme dans le monde arabe, mais plutôt d'intégration dans des métiers restés pendant des siècles, la chasse gardée des hommes.

En Tunisie, depuis 60 ans, être un homme a été l'une des conditions d'accès aux concours d'agents techniques (ouvriers en hauteur et monteurs de ligne) de la Société tunisienne d'électricité et du gaz (STEG).

"Les critères ont changé et l'accès à ce concours est désormais garanti à tous, femmes et hommes", a déclaré à l'agence TAP, Ali Chawali, directeur du Centre de Formation et de perfectionnement (CFPK) de la STEG, à Khelidia (Banlieue sud de Tunis), où sont actuellement hébergées et formées, les futures premières monteuses de lignes tunisiennes.

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Au total, la STEG dispose de 250 à 300 monteurs de lignes électriques en cours de formation, lesquels seront affectés à raison de 5 à 6 agents par district.

Les futures techniciennes suivent, à présent, une formation théorique et pratique de 10 mois pour se doter des compétences élémentaires et aussi, complexes en vue d'être opérationnelles sous basse tension (400 kv)", a expliqué Chawali. Pour les interventions sur les lignes haute tension (HTA) (de 1kv à 50kv), il faut encore 4 à 5 ans.

"Une femme dans un métier à risque"

Rencontrée au centre de Khelidia, un vaste terrain de 22 hectares plein de verdure, doté de toutes les commodités et dédié à la formation dans les métiers liés à l'électricité et au gaz, Hanène Ammar semble très heureuse d'accaparer les regards et l'intérêt de tout le monde.

Equipée de ses longes anti-chute et de maintien, elle ascensionne joyeusement et à répétition, le pylône électrique de 10 mètres de hauteur pour faire des simulations d'intervention d'urgence, sous les encouragements de ses formateurs et de ses collègues hommes.

En effet, être monteur de ligne, c'est être apte physiquement à monter des lignes électriques et entretenir ou réparer les pannes survenues sur les systèmes de transport et de distribution d'électricité à tout moment. Pour cela, il ne doit pas s'éloigner de son poste de travail de plus de 30 km.

"Une aptitude physique et médicale est exigée de nos techniciens appelés à intervenir à tout moment et partout en cas de panne de courant ou d'autres dégâts causés par les tempêtes, la neige et autres aléas climatiques", a expliqué le directeur du centre, Ali Chawali.

Assurer leur sécurité et les doter des compétences requises pour pouvoir manipuler câbles et équipements et éviter tout incident, sont des conditions primordiales, au regard des multiples risques liés à l'électricité dont surtout, l'électrisation, l'électrocution et la brûlure, a t-il indiqué.

Généralement, en plus d'être conscient des risques, un monteur ou une monteuse de ligne doit être disposé à travailler par tous les temps, en hauteur et dans des sites isolés. Il doit aussi, avoir de bonnes aptitudes mécaniques, une bonne coordination physique, une dextérité manuelle et être capable de soulever des objets lourds à partir de diverses positions physiques.

"J'en suis consciente et je suis prête à tous les défis", a lancé sans hésitation, Hanene Ammar. Cette native de Gafsa et titulaire d'un Certificat d'aptitude professionnelle (CAP) installateur en Electricité de Bâtiment, a affirmé avoir tout le soutien de sa famille pour mener à terme son aventure.

"Je voulais être agent de sécurité à l'instar de mes frères, mais quand j'ai fait une formation dans le domaine de l'électricité, j'ai changé d'avis et j'en suis devenue passionnée. En plus, le fait d'être parmi les premières femmes à faire ce métier en Tunisie, m'a encouragé à aller plus loin. Je veux prouver à tout le monde que rien n'est impossible pour les tunisiennes", a lancé la jeune femme, en arborant un sourire fier.

Sur les conditions d'hébergement au centre et les liens avec ses collègues techniciennes et techniciens, Hanène a assuré voir tous ses souhaits réalisés. " Nous vivons dans des villas VIP, c'est la plus belle expérience de ma vie. Les gens ici sont devenus ma deuxième famille, je ne peux pas demander plus".

Rencontrée en classe où elle est la seule femme parmi 15 hommes, pour une formation théorique liée aux interventions sur le réseau, Dorsaf Ben Nacer n'a pas caché, elle aussi, sa joie.

"Après avoir obtenu un CAP installateur électricité et bâtiment en février 2019, j'ai passé tous mes stages au sein de la STEG. J'ai apprécié l'ambiance au sein de l'entreprise et j'ai décidé de faire partie de ses équipes. Le concours de mai 2019 a été l'opportunité pour réaliser ce rêve", a raconté avec enthousiasme, la jeune femme.

Et d'enchaîner souriante "l'électricité n'était pas mon centre d'intérêt. J'avais peur, la première fois que j'ai escaladé le pylône électrique, mais une fois descendue, j'ai demandé à mon formateur si je pouvais monter à nouveau?".

"Aujourd'hui, j'en suis devenue obsédée au point de scruter toutes les installations électriques et tout ce qui a trait à l'électricité sur mon passage et demander comment ça fonctionne", a-elle encore lancé. Elle aussi, est très soutenue par sa famille, surtout son père. "Il est très fier de moi. Il m'appelle chaque jour pour demander si j'ai grimpé sur les pylônes électriques et si j'ai fait plus de pratique que de théorique", a-t-elle déclaré à l'Agence TAP.

Pour ses projets futurs, la jeune femme a affirmé que "rien ne pourrait la pousser à changer de métier".

Pour le directeur du CFPK "Le jour où ces quatre jeunes femmes ont remporté haut la main les tests techniques sur les pylônes, a été une journée historique. Pour la STEG, il s'agit d'un premier pas pour renforcer la position de la femme surtout dans les domaines techniques et pratiques sur site".

Le centre intégré d'encadrement et de perfectionnement à Khélidia, a-t-il rappelé, forme le personnel de la STEG dans les métiers d'exécution, d'exploitation et de maintenance dans le cadre de cycles de formation initiale et de pré-embauche de 10 mois.

"Nous sommes fiers d'avoir changé les critères d'accès au concours et de permettre aux hommes et femmes de postuler sur un pied d'égalité. C'est dans un souci de garantir la parité et "d'exclure toutes formes de ségrégation", a-t-il expliqué.

Houssem Jelassi, formateur de monteurs de lignes a estimé que la Tunisie est déjà en retard concernant l'accès des femmes à ces métiers techniques. "Nous avons vu des femmes exerçant ce métier en Afrique, au Cameroun et au Bénin, mais en Tunisie, c'est une première".

Et d'ajouter que "la porte est désormais ouverte, maintenant, on aura plus de femmes dans ce métier à l'avenir et notre objectif est de les préparer et les doter des mêmes aptitudes que leurs collègues hommes".

Selon Rachid Sayeh, chef de service et formateur au CFPK, des adjoints techniques femmes ont été déjà formées au sein du centre, mais pas pour faire des travaux et des interventions sur le terrain.

"Des monteuses de lignes, c'est une première! cela ouvre la porte aux femmes pour accéder à un domaine délicat et technique et nous sommes tous fier de cette mutation de la STEG", a conclu le responsable.

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