En 1963, Berthe Raharijaona, avocate à la Cour d'appel, évoque dans la Revue de Madagascar (premier trimestre de la même année) le « Procès Rasalama ».
En Angleterre, débute-t-elle, dans la chapelle de Brunswick à Bristol, se trouve une plaque commémorative dont « l'inscription nous reporte vers cette époque sombre de l'Histoire malgache, celle des persécutions religieuses ». « À la Mémoire de Rasalama - Une femme idolâtre de Madagascar, membre distinguée de l'Église missionnaire, et la première martyre chrétienne qui, après avoir subi une sévère persécution, fut mise à mort, le 14 août 1837, dans la trente neuvième année de son âge. »
Dans son discours du 1er mars 1835, Ranavalona Ire décrète l'interdiction de la religion chrétienne dans son royaume. Selon Berthe Raharijaona, Rasalama est une jeune fille qui, pour avoir refusé d'abjurer la religion chrétienne, est condamnée d'abord à l'esclavage à vie, puis à la mort par la reine. L'avocate donne alors quelques dates, en se basant sur les Archives officielles, qui permettent de situer l'atmosphère du procès, avant d'entrer dans le vif de son sujet. Le 18 aout 1817, les premiers missionnaires anglais débarquent à Toamasina, bien accueillis par Radama Ier.
Le 8 mars 1824, sur l'initiative de ce dernier, le Royal Missionnary College ou Central School à Ambodinandohalo s'ouvre. Comme premiers élèves, le roi y envoie des princes et des princesses parmi lesquels figurent son neveu, le prince Rakotobe, et la mère de celui-ci- sa soeur- la princesse Rabodosahondra. Bientôt, les élèves affluent et, en même temps que des élèves-officiers et des adultes, Rasalama fréquente assidûment l'école. Le 11 mai 1824, le roi annonce qu'il entend ouvrir d'autres établissements scolaires en-dehors de la capitale.
Le 1er aout 1828, Radama Ier tourne le dos à l'âge de 36 ans, après dix-huit ans de règne. S'il ne s'est jamais converti au christianisme, il l'a cependant accueilli favorablement comme faisant partie du modernisme européen. Le 12 juin 1829, la princesse Ramavo- autrement appelée Rabodonandrianampoinimerina qui lui succède sous le nom de Ranavalona Ire, se montre « en grande pompe » à son peuple à Andohalo.
« En montant sur la pierre sacrée, elle tenait d'une main l'idole officielle, Rafantaka, et de l'autre, l'idole Manjakatsiroa. » Selon la même source, « dans son discours officiel, elle fit savoir clairement qu'elle entendait respecter toutes les coutumes de ses ancêtres ». Durant les sept premières années de son règne, la reine n'interdit pas ouvertement le christianisme. Cependant, encouragée par les Grands du Royaume du parti conservateur et traditionnaliste, elle montre en toutes occasions son hostilité à l'encontre des chrétiens. « Leur religion n'était autre que celle des ancêtres des Vazaha et les chrétiens étaient les faiseurs de baptême », dit-elle souvent.
Le 29 mai 1831, Rasalama se convertit au christianisme. Le 1er mars 1835, Ranavalona Ire prononce un discours solennel à Mahamasina pour interdire officiellement la religion nouvelle. D'après Berthe Raharijaona, le procès Rasalama, objet de son écrit, est fondé sur ce discours. « On chercherait, en effet, vainement dans le Code des 48 articles de 1823 des dispositions permettant la condamnation de Rasalama. »
Un immense Kabary (grande assemblée populaire) est convoqué par proclamation royale dans la capitale à Mahamasina. Tous les rangs et tous les âges s'y trouvent confondus, narre l'avocate, en se référant toujours sur les Archives qui évaluent à 150 000 environ le nombre des assistants. Rien n'est négligé « de ce qui pouvait inspirer la soumission et le respect envers l'autorité royale ».
Sur les hauteurs de la ville, les canons tirent, de grand matin, une salve prolongée. Un corps de troupes de 15 000 hommes est dirigé sur le lieu du Kabary, « afin de montrer à tous les forces dont disposait la reine pour appuyer son autorité ». Les plus hauts fonctionnaires civils ou militaires apparaissent enfin, avec le message de la souveraine. D'emblée, elle se déclare comme une reine qui ne trompe pas et annonce immédiatement comment elle compte gouverner dorénavant, à travers deux questions.
« Quel est l'homme qui voudrait changer les coutumes de nos ancêtres et des Douze souverains de ce pays ? À qui le royaume a-t-il été transmis héréditairement par Impoinimerina et par Radama, si ce n'est à moi ? Si quelqu'un ici voulait changer les coutumes de nos ancêtres et des Douze souverains, sachez que je déteste cela. Rabodonandrianampoinimerina l'a dit. »