Madagascar: Sur le ring

Les cris transperçaient le mur et faisaient vibrer tout le quartier de Besarety. On pouvait ressentir de loin cet égrégore qui mettait en communion une salle pleine à craquer. Le toit en voute, la disposition en cercle avec ce gradin font le charme de cette bâtisse d'une autre époque.

Le temps est passé par là et on peut voir de visu qu'il n'y a pas vraiment eu beaucoup d'entretien. Gare à celle qui aurait une envie pressante d'aller aux toilettes car il faut un vrai mental de combattant pour pouvoir en ressortir vivante. Au centre de la salle, les combats s'enchaînent. Il y a du beau, de la technique et cette rage de donner le meilleur de soi pour avoir une médaille. Ambiance électrique avec des fous rires ici et là quand l'un des adversaires préfère faire les câlins de déserteurs au lieu de continuer le round. Comme c'est beau de voir cette jeunesse lutter, dans le sens littéral comme au figuré, pour s'en sortir.

La grande majorité est venue ici à pied, sans avoir eu de quoi manger ni le matin ni à midi. Le kick-boxing comme tous les arts martiaux sont pourtant très énergivores et aller aux entraînements le ventre creux est pourtant une triste réalité pour la majorité. Sur le ring, les coups s'enchaînent et le spectacle est juste grandiose. Les rounds comme l'élan des combattants sont très souvent interrompus par des glissades. Le tatami est désuet et il n'y a qu'un minable bout de tissu pour nettoyer l'eau pour asperger les combattants d'eau lors des repos.

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Il n'y a pas non plus de sceaux pour cracher ou nettoyer les protège-dents. Aussi, profite-t-on des trous dans le parquet pour le faire. On entend en bruit de fond un monsieur qui est multitâche. Il fait office d'animateur, de time keeper, d'annonceur. Faute de cloche, c'est également lui qui donne le top de chaque match. Malgré cette horrible sonorisation et que l'on arrive à peine à deviner ce qu'il dit, on peut sentir tout son engagement, son amour et sa volonté de bien faire les choses.

Dans la salle, le club 3FB règne en maître. Dix-sept combats, quatorze victoires et trois défaites. On reconnaît tout de suite une grande famille qui essaie avec les moyens du bord de faire briller chaque pépite. De loin, on ressent l'autorité du coach Jean-Robert, l'expérience de Maître Alida mais aussi la bienveillance et l'expertise de Faratiana. Il faut dire que ce club est une fabrique à champions pour ne parler que de Faratiana qui a dans son palmarès deux titres de championne du monde, deux titres de championne d'Afrique et pas moins de quinze titres de championne de Madagascar. La performance de la jeune Olga a aussi fait vibrer la salle.

Elle a une de ses déterminations, de la force et de la précision ainsi qu'un charisme étincelant. Parler du club 3FB sans parler de sa toute nouvelle présidente serait un affront. Du haut de ses trente années, elle commence un mandat de quatre ans. Dame Diavolana incarne cette volonté de rehausser ce club, le kick-boxing à un niveau supérieur, plus professionnel, plus humanisé et bienveillant envers chaque combattant. Car comme ce stade de Besarety, le potentiel est là, mais la pauvreté, l'indifférence des gouvernants, le manque de moyens font que nos clubs, nos combattants sont limités.

Comme le dit une expression, même la plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a. Si nous souhaitons que notre pays puisse avoir du succès aux niveaux régional et mondial, il faut simplement soutenir d'une manière professionnelle et continue nos combattants sur tous les plans. Car il n'y a pas de miracle, tout est question de travail. Cependant quand tu cours le ventre vide, quand tu ne peux pas te loger dignement et que tu n'as rien à mettre sur la table pour ta famille, il est difficile de se mesurer avec les vrais combattants professionnels des autres pays. Merci Nomena, l'un de mes fidèles lecteurs qui m'a redonné le courage d'écrire ce jour.

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