TUNIS/Tunisie — TUNIS,6 mai (TAP, par Fatma Chroudi)- Un nouveau livre autobiographique en arabe qui s'intitule « Taieb Baccouche, universitaire et syndicaliste, militant des droits de l'homme et politicien - Entretiens » (Taieb Baccouche, jamyan wannakabian, houkoukian wa siassian - Hiwarat) est paru en 2023, chez Kalima Editions.
Ce nouvel ouvrage a été présenté, vendredi, à la 37ème Foire internationale du livre du Tunis (FILT), en présence de Taieb Baccouche et de son éditeur, Mohamed Maalej dont la maison d'édition est lauréate du prix de l'édition 2023 décerné par le FILT.
La rencontre organisée au siège de la foire au parc des expositions du Kram, a été animée par l'universitaire Wafa Ghorbel. Une séance de dédicace avait été par la suite organisée au stand de l'éditeur, Kalima.
//Taieb Baccouche: " je n'ai jamais pensé à écrire ce livre"//
« Les idées contenues dans cet opus ne traduisent pas systématiquement les orientations de Kalima Editions », peut-on lire dans ce livre de 204 pages.
Le livre est réparti sur des chapitres qui correspondent chacun à une étape de la vie de Taieb Baccouche : l'élève, l'étudiant et l'universitaire chercheur, le syndicaliste, le politicien. Les évènements de mai 1968 et les agitations qui ont marqué la scène estudiantine de l'époque sont aussi évoquées d'un point de vue de Bacouche.
De la page 147 à 186, des photos illustrent ce livre qui revient sur les archives photographiques de l'auteur depuis ses débuts en tant que militant syndicaliste jusqu'à la période de création du Mouvement Nidaa Tounes.
Un grand témoin de l'histoire de la Tunisie moderne est à lire dans ce nouvel opus et une publication élégante qui porte le portrait en couleurs, sur fond noir, de Taieb Baccouche. Ce natif de Jemmal (Monastir) en 1944 affiche un léger sourire avec un regard assez profond derrière ses lunettes de vue transparentes et ses cheveux gris témoins un long parcours syndical et politique entamé dans les années 60.
Un aspect humain caractérise le contenu de cette oeuvre qui ne se situe pas dans le genre autobiographique littéraire classique mais plutôt un focus sur le parcours de Taieb Baccouche en tant qu'universitaire, syndicaliste, activiste des droits de l'Homme, et politicien.
L'idée d'un livre autobiographique entre pensée et politique a été rendue possible grâce à la recommandation de son ami Hamadi Redissi, chercheur universitaire en sciences politiques qui l'avait convaincu de suivre ce qui existe ailleurs : « Il est de tradition chez la classe politique occidentale que chaque candidat aux élections publie un livre bibliographique qui présente ses idées ».
Cet opus est un ensemble d'interviews de l'auteur composées de 110 questions et qui remontent à l'année 2013. Ces interviews réalisées par deux universitaires et historiens, une arabophone et un francophone, couvrent une longue période de sa vie, de l'enfance jusqu'en 2013.
Après une première copie dont le contenu ne l'avait pas convaincu, Taieb Baccouche dit avoir oublié l'idée jusqu'au jour où le hasard l'a réuni lors d'une rencontre avec l'éditeur tunisien Mohamed Maalej qui lui avait proposé d'éditer son projet de livre autobiographique, en suspens depuis 10 ans. Ce que l'auteur affirme également dans la préface disant « parmi les paradoxes, je n'ai jamais pensé à écrire ce livre dont la réalisation et la publication constituent un pur hasard ».
Il a encore avoué que ses multiples obligations politiques et dans la société civile ne lui avaient pas permis de finir ce projet. Dans une Tunisie en plein tumulte, de la période du gouvernement de transition jusqu'au temps de la Troïka, ses engagements politiques, - au sein de Nidaa Tounes ou en encore en tant que ministre de l'Education-, lui prenaient tout son temps libre.
Cette période avait été suivie par sa nomination en 2016 à la tête de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) en tant que Secrétaire général un poste qu'il occupe toujours malgré sa « volonté de se retirer et céder la place à d'autres compétences ».
//Un long parcours dans les coulisses de la politique//
« L'Assemblée Constituante était la première faute qui s'est produite après la révolution », estime Baccouche, partant de sa conviction que toute nouvelle étape politique, et autre d'ordre social ou intellectuel, doit être « dans la continuité de ce qui la précède et baliser le chemin pour ce qui va la suivre ». Il refuse toute tendance vers des choix « en rupture » complète avec le passé.
Baccouche revient sur « un épisode douloureux de la vie politique post révolution au cours duquel la partie ayant voulu accaparer le pouvoir, la Troïka, avait été derrière trois assassinats politiques ». Une menace qui visait plusieurs autres leaders dont l'auteur du livre qui s'était engagé dans la lutte pour instaurer le Dialogue national du quartet national dirigé par l'UGTT. Cet épisode sera « au coeur d'un prochain livre qui sera édité au cours de l'année ».
Son emprisonnement sous Bourguiba demeure l'expérience la plus marquante et la plus douloureuse dans le parcours de ce syndicaliste et fervent défenseur des droits humains, notamment des moins favoris.
Un long parcours dans les coulisses de la politique qui ne semble pas du tout affecter le fond d'un homme intègre qui ne jure que par la justice. Le livre présente un homme de tous les consensus ayant réussi à imposer ses choix par la force tranquille caractérisant ce grand rebelle réservé qui a toujours préféré garder sa vie personnelle « en dehors du champ publique ».
Résilience, neutralité et intégrité ont étaient toujours les principales qualités de cette figure syndicaliste et politique, peut-on retenir de ce livre. La prison l'avait rendu encore plus rebelle comme il l'a toujours été depuis son enfance et sa jeunesse, un élève qui ne machait pas ses mots et un étudiant révolté. Une forte dose de cet aspect humain qui caractérise l'homme s'est traduit entre les lignes de cet opus.
Cet homme de culture et grand visionnaire n'était « ni communiste ni destourien », et rejette comme il l'a toujours fait, l'idée d'appartenir à un clan politique ou autre. Une orientation qui l'avait toujours accompagnée ce qui l'avait contraint à affronter le refus de ses idées par ses détracteurs parmi les plus proches de son entourage.
Son statut de prisonnier politique et ses conditions de détention, quelque part favorables, surtout avec le soutien international, l'avait aidé à traduire vers l'arabe son livre « Clés pour la linguistique » de Georges Mounin, paru après sa libération six ans de prison, car la copie nécessitait quelques vérifications de l'auteur.
Deux projets de livres sont en cours dont l'un sur les cinq premières années de la révolution en tant que ministre de l'Education, à Nidaa Tounes et aux ministère des Affaires Etrangères, dans lequel il s'attardera sur « une demi-décennie assez dure ».
Son expérience « assez riche à la tête de l'UMA de 2016 jusqu'à présent », fera l'objet d'un prochain second livre écrit par les soins du Secrétaire Général dans lequel il lèvera le voile sur les coulisses « des relations maghrébines, 5+5, africaines, arabes, islamiques et internationales ».
Faty