Le monde entier aura les yeux rivés, aujourd'hui, sur les îles britanniques. Le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord couronne son monarque, le Roi Charles III.
Cela fait 70 ans que le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord n'a pas couronné un monarque. Le dernier couronnement remonte à 1953. C'était celui d'Elizabeth II. C'est donc un moment d'histoire intense. Ce 6 juin 2023, les Britanniques vont officiellement couronner le fils ainé de la défunte Reine. L'ancien Prince de Galles deviendra, à 74 ans, Sa Majesté le Roi Charles III. Ce sera au cours d'une cérémonie millimétrée et retransmise en mondovision. « Le Soleil » revient sur l'itinéraire et la symbolique de cet événement.
En début de matinée, rapporte le site royal.uk, le Roi Charles III et la Reine Camilla quitteront le Palais de Buckingham en carrosse pour l'abbaye de Westminster où se fera le couronnement. Environ 7000 soldats prendront part aux festivités. Le cortège descendra le Mall jusqu'à Trafalgar Square, puis longera Whitehall et Parliament Street avant d'emprunter Parliament Square et Broad Sanctuary pour rejoindre la Great-West Gate de l'abbaye. À l'intérieur de l'infrastructure religieuse, il sera procédé à la reconnaissance du Roi.
À côté du trône, vieux de 700 ans, l'Archevêque de Canterbury, Justin Welby, va proclamer Charles « Roi incontestable » avant de demander aux personnes rassemblées de lui rendre hommage et de le servir. Les trompettes sonneront à chaque reconnaissance. La tradition a commencé avec Guillaume le Conquérant qui a été oint roi en 1066. Charles III est le 40e monarque à être couronné dans cette abbaye qui est l'un des sites religieux les plus importants du pays.
Le souverain va ensuite placer sa main sur le Saint Évangile pour prêter serment. Par la suite, il va s'asseoir sur la chaise du couronnement où il sera oint d'huile sacrée fabriquée à partir d'olives récoltées sur le mont des Oliviers à Jérusalem, avec la cuillère de couronnement, par l'Archevêque de Canterbury, en signe de la grâce accordée par Dieu au souverain. Ce moment permet de souligner le rôle spirituel du souverain qui est également le chef de l'Église anglicane.
Il y aura ensuite l'étape de l'investiture au cours de laquelle Charles III recevra tous les joyaux : orbes, épées, anneaux et un sceptre, entre autres objets symbolisant différents aspects du service et des responsabilités du monarque. Enfin, l'Archevêque déposera sur sa tête la lourde couronne de Saint Édouard qui doit son nom au roi et saint anglo-saxon Édouard le Confesseur. Après l'investiture, l'intronisation, Charles III s'installera sur le trône. Ce dernier a été créé, à l'origine, sur ordre du Roi Édouard Ier d'Angleterre pour garder la pierre du destin. Il s'en suivra le couronnement de Camilla comme Reine consort et de la consécration du Duc de Cornouailles, William, comme Prince de Galles, c'est-à-dire l'héritier du trône.
Le Roi et la Reine descendront de leur trône et entreront probablement dans la chapelle Saint Édouard où Charles revêtira la couronne d'État impériale avant de se joindre à la procession qui sortira de l'abbaye au son de l'hymne national. Le couple royal retournera ensuite à Buckingham Palace par le chemin inverse, cette fois-ci dans le « Gold State Coach », vieux de 260 ans, qui a été utilisé pour tous les couronnements depuis celui de Guillaume IV en 1831. Avec d'autres membres de la famille royale, ils vont faire une apparition au balcon du mythique Palais de Buckingham.
Mythe et prestige
Plus de 2000 invités, dont le Premier ministre britannique Rishi Sunak, le Roi et la Reine d'Espagne, le Président de la République, Macky Sall, etc., prendront part aux festivités. Le couronnement du Roi Charles qui est purement symbolique sera en mondovision.
Selon Yankhoba Seydi, Professeur assimilé de Civilisation britannique et spécialiste de la géopolitique du monde anglo-saxon, par ailleurs Directeur du Laboratoire d'études et de recherche sur les traditions et la modernité dans les pays de langue anglaise (Leprpla) à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), c'est surtout lié au mythe et au prestige. Les deux, dit-il, sont, ici, savamment alliés. « Plus le mythe vous entoure, plus votre prestige monte », soutient M. Seydi.
La monarchie britannique a été unifiée à partir de 924. Il précise : « C'est une monarchie de plus de 1200 ans, mais le mythe et le prestige ont contribué à faire en sorte que tout ce qui la touche touche tout le monde ».
Reprenant la célèbre historienne royale, Alice Hunt, il estime que le couronnement, c'est juste pour que Charles puisse s'offrir une légitimité dont il souffre. Il a attendu pendant 70 ans. « Je pense que Charles, pour avoir appris pendant 70 ans, est le stagiaire dont le stage a le plus duré au monde. Il a quand même appris. Il a besoin de se légitimer. Le couronnement, pour moi, encore une fois, c'est juste pour légitimer davantage Charles aux yeux du public. C'est la seule symbolique », souligne Yankhoba Seydi.
Aly DIOUF
PR YANKHOBA SEYDI, SPÉCIALISTE DE LA CIVILISATION BRITANNIQUE
« Le Roi est le symbole de l'unité »
Professeur assimilé de Civilisation britannique et spécialiste de la géopolitique du monde anglo-saxon à l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Yankhoba Seydi revient, dans cet entretien, sur les pouvoirs de la famille royale britannique, ses liens avec l'Église anglicane et les vestiges de l'Empire britannique.
Ce 6 mai 2023, Charles III sera couronné Roi du Royaume-Uni et d'Irlande du Nord, soit sept mois après le décès de sa maman, la Reine Elizabeth II. Quels sont les vrais pouvoirs du monarque au Royaume-Uni ?
Le Roi, le seul grand pouvoir qui lui reste, qui n'en est même pas un d'ailleurs, c'est le pouvoir de nomination. Le Roi nomme comme Premier ministre, après les élections générales, le leader du parti majoritaire à la Chambre des communes. Automatiquement nommé, le Premier ministre est plus puissant que le Roi ou la Reine. Avec sa majorité, s'il le veut, au niveau de la Chambre des communes, il peut décider qu'on supprime totalement d'ailleurs la monarchie comme du temps de Tony Blair où ces velléités existaient. Le pouvoir du Roi, comme on dit, c'est pour inaugurer les chrysanthèmes, c'est-à-dire une fonction de représentation. Il représente les quatre États du Royaume et le symbole de l'unité. Tous les discours du Roi, lors de l'ouverture du Parlement ou du Trône, sont écrits par le cabinet du Premier ministre. Le Roi ne peut pas aller contre le Premier ministre. Ce n'est pas écrit certes, mais en Angleterre, toutes les institutions savent leurs limites.
Le couronnement sera fait par l'Archevêque de Canterbury. Quels sont les liens qui existent entre l'Église anglicane et la royauté britannique ?
C'est la même famille parce que l'histoire date du 16e siècle quand les Stuart étaient au pouvoir. Il y avait des soucis entre l'Église catholique romaine et l'un des plus grands rois, Henri VIII, qui était très catholique, en rappelant, au passage, qu'il avait même écrit un livre de prières. En un moment donné, il avait des problèmes avec son épouse pour trouver son successeur, car il cherchait un fils pour devenir le Roi de la Renaissance. Personne ne voulait avoir une fille comme héritière vu qu'il fallait être très fort pour diriger le royaume. Or, Henri VIII, avec des doutes sur la capacité des femmes à être forte, cherchait donc désespérément un héritier mâle qu'il avait du mal à avoir. Cette recherche effrénée d'un héritier mâle avait conduit à des problèmes avec le Pape à Rome. Finalement, il était question de casser son mariage alors que chez les catholiques, on ne peut pas se séparer. Face au refus du Pape, il a trouvé le moyen avec l'Archevêque de Canterbury, en l'occurrence Thomas Kramer, de casser le mariage au nom du fait que lui, la femme qu'il avait, il ne l'aimait pas parce que ce n'était pas à l'origine sa femme. C'était la femme de son frère qui était décédée. Comme l'Église s'était opposée à son désir, il a dit que désormais le Pape est Pape à Rome et en Angleterre le Pape, c'est moi, à travers un acte très fort qu'on appelle l'acte de suprématie. C'est une loi votée par le Parlement britannique en 1534 qui a été confirmé d'ailleurs par sa fille Elisabeth 1er. Ce qui a fait l'Angleterre a basculé dans le protestantisme avec sa version qui est l'anglicanisme. Le Roi est ainsi en même temps le gouverneur de la foi, « the governor of faith ». Il est chef suprême de l'Église anglicane. Maintenant l'Archevêque de Canterbury a ceci de particulier : c'est le chef spirituel de tous les anglicans du monde, même si au-dessus de lui, il y a le Roi ou la Reine.
Les Britanniques se targuaient d'avoir un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. Est-ce qu'avec l'indépendance des anglophones et la quasi-autonomie de certains pays comme le Canada, l'Australie ou encore la Nouvelle-Zélande, l'influence de la famille royale ne s'est pas amoindrie ?
La famille royale n'a pas de pouvoir au fond. Le prestige est resté ; même si le prestige a valeur de pouvoir. En réalité, ce qui les intéresse, c'est à proprement de régner sur ce grand ensemble géographique. Ce qui les intéresse, c'est de garder cette histoire au nom de laquelle ils ont pu conquérir et mettre en place un empire sur lequel le soleil ne se couche jamais. Le Commonwealth, c'est plutôt moins un espace politique qu'un espace économique. Quand les Britanniques mettaient en place le Commonwealth, ce qu'ils voyaient plus, puisque le Roi ou la Reine continue à être le boss, c'est de continuer de garder cette famille un peu vue à l'image de l'empire qui est perdu depuis que l'Inde a pris son indépendance en 1947. Donc, l'empire est perdu, mais il y a quelque chose qui pouvait servir de substitut. Et c'est le Commonwealth. Il faut garder les liens historiques qui sont aussi des liens économiques et commerciaux. Quand ils ont quitté l'Union européenne, ils ont mis en avant le Commonwealth comme étant un espace qui est encore beaucoup plus grand que l'Union européenne, qui a un tiers de la population mondiale, avec un Pib de plus de 13 trillions de dollars. Le hic, c'est qu'il y a aussi des velléités de sortie, mais qui n'aboutissent pas souvent. Le pourquoi, c'est qu'il n'y a pas un pouvoir politique coercitif.