Afrique: Pris entre deux feux au Soudan, le témoignage d'un expatrié indien

Alors que les combats se poursuivent au Soudan entre les forces des généraux rivaux, des milliers de ressortissants étrangers ont commencé à être évacués, comme par exemple plus de 3.500 citoyens indiens dans le cadre de l'opération Kaveri organisée par l'Inde. Raghuveer Sharma est l'un d'entre eux. Il a donné à ONU Info un témoignage de la situation tragique qui se déroule au Soudan.

Dans le même temps, les agences des Nations Unies contribuent également à fournir une aide d'urgence, notamment l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), dont la matrice de suivi des déplacements (DTM) vise à aider les réfugiés et les ressortissants de pays tiers qui tentent désespérément de fuir les combats en se rendant dans les pays voisins.

L'armée nationale soudanaise et les Forces de soutien rapide (RSF), une unité paramilitaire, sont engagées dans un violent conflit depuis le 15 avril. Selon les Nations Unies, plus de 400 personnes ont été tuées dans les combats tandis que des dizaines de milliers de personnes auraient été déplacées à l'intérieur du pays, dont plus de 100.000 ont fui vers les pays voisins.

M. Sharma a déménagé au Soudan il y a deux ans avec son frère à la recherche d'un travail. Au moment où la violence a éclaté, il travaillait à l'aciérie Omega et vivait avec 160 travailleurs dans une maison d'hôtes située dans les locaux de l'entreprise à 15 kilomètres de la capitale Khartoum.

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« On travaillait pour nettoyer l'environnement en recyclant la ferraille. Cela faisait presque deux ans que je vivais là-bas et tout allait bien. De manière inattendue, le conflit a éclaté. Les militaires et les paramilitaires se sont affrontés, et l'aéroport a été bombardé et incendié.

Lorsque l'aéroport a été détruit, nous nous sommes inquiétés de la façon dont nous allions rentrer chez nous en Inde. Nous n'avons même pas pu contacter qui que ce soit en Inde. On a essayé également d'établir un contact avec l'ambassade de l'Inde, mais les problèmes de réseau ont rendu cela difficile.

Des avions de chasse ont survolé la maison d'hôtes où nous logions, larguant des munitions et des missiles.

Nous étions très inquiets de savoir comment trouver un lieu sûr au Soudan.

Pillage et intimidation

Le 17 avril, un groupe d'hommes armés est entré dans la maison d'hôtes. Nous nous sommes tous enfermés dans une pièce effrayés. Ils vandalisaient et tiraient sans discernement et parlaient dans une langue locale que nous ne pouvions pas comprendre.

Puis ils ont pris un de nos collègues en otage. Il a commencé à crier à l'aide.

Rassemblant notre courage, nous sommes allés le secourir et leur avons donné tout ce que nous avions - téléphones portables, ordinateurs portables - nous leur avons donné les clés de véhicules, et c'est ainsi qu'ils sont partis.

Échanger des voitures et des téléphones contre « nos vies »

Nous avons fait un plan selon lequel dès que des groupes armés entreraient dans la maison d'hôtes, nous ne les laisserions pas entrer. Tant que nous aurions des véhicules et des téléphones portables, nos vies seraient épargnées. Alors l'idée était de les laisser prendre ce qu'ils voulaient, nous avions juste besoin de nourriture pour survivre. Nous devions cacher nos rations.

Ils n'ont cessé de revenir, heure après heure, et prenaient tout ce qu'ils voulaient. Ils venaient, nous leur proposions une voiture et ils la prenaient. Nous avions 10 à 15 véhicules avec nous.

Cela a duré ainsi pendant sept jours. Ils venaient tous les jours. Nous ne pouvions ni dormir, ni manger correctement. Quand ils venaient, nous sortions et leur donnions tout ce qu'ils voulaient. En restant calmes, nous avons pu sauver nos vies.

Enfants soldats

Ce qui est étrange, c'est que ces combattants armés semblaient être pour la plupart des enfants, âgés d'environ 10 à 15 ans. Ils ne savent même pas quand et comment tirer avec une arme. Une arme était remise à un enfant, qui aurait dû avoir un stylo et un livre à la main.

Pendant ce temps, nous n'avions aucun contact avec nos familles. Au moins 150 téléphones nous ont été pillés, mais nous en avons gardé une douzaine cachés. Nous avons dû faire face à de graves problèmes de réseau, mais une fois que nous avons contacté l'ambassade de l'Inde, l'effort d'évacuation a commencé.

« Nous nous sommes enfin sentis soulagés »

Le 23 avril, un bus de l'ambassade de l'Inde est venu nous chercher pour nous emmener pour un voyage de près de 1.000 kilomètres jusqu'à Port Soudan. Arrivés à Port-Soudan, nous nous sommes enfin sentis soulagés lorsque nous avons vu l'armée indienne. Nous pensions que nos vies seraient sauvées.

Nous ne pouvons que prier pour le Soudan et espérer que tout reviendra bientôt à la normale là-bas. Ce serait bien si l'ONU pouvait prendre des mesures, en particulier pour les enfants qui sont exploités par les paramilitaires.

Les gens au Soudan sont bons, ils nous aiment et ils sont heureux d'aider. Il y a beaucoup de respect pour les Indiens là-bas. Les gens sont aussi fous de Bollywood. Les gens écoutent des chansons en hindi et des stars indiennes de Bollywood comme Amitabh Bachchan, Shah Rukh Khan, Salman Khan sont facilement reconnues par tout le monde.

Mais, après cette expérience, je n'y retournerai pas, même si la situation s'améliore ».

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