Mali: Référendum constitutionnel - Cette laïcité que les imams ne sauraient prêcher !

analyse

Enfin une bonne nouvelle pour la restauration prochaine de la démocratie au Mali ! Le gouvernement de transition a annoncé le 4 mai dernier la convocation du collège électoral pour un référendum sur l'adoption de la nouvelle Constitution le 18 juin 2023.

Pour une bonne nouvelle, l'annonce de la tenue de ce référendum l'est assurément pour 2 bonnes raisons : Primo, le régime d'Etat d'exception qui prévaut actuellement au Mali ne sera pas imposé aux populations ad vitam aeternam. Les tenants du pouvoir ont promis des réformes institutionnelles, l'annonce du 4 mai est un signal fort qu'ils tiennent parole. Mieux vaut tard que jamais.

Les démocrates maliens et africains, les communautés régionale et internationale ne peuvent donc que prendre bonne note de cette convocation du corps électoral avec le vif espoir que le vote référendaire se tienne à bonne date. La Commission de la CEDEAO encouragerait le gouvernement malien à poursuivre sur cette voie qu'elle ne s'y prendrait pas autrement en publiant son communiqué du 5 mai dans lequel elle « félicite le gouvernement de la Transition pour cette décision qui marque une étape importante dans la mise en oeuvre du chronogramme en vue d'un retour à l'ordre constitutionnel ».

Secundo, l'organisation de ce vote référendaire, s'il est possible sur toute l'étendue du territoire malien, sera un signal fort d'une amélioration significative de la situation sécuritaire du pays. Qu'il en soit ainsi pour un vote où la bonne participation des populations maliennes, du sud au nord, d'est en ouest, des villes et des campagnes, donnera la preuve que les groupes armés terroristes, s'ils n'y sont pas définitivement vaincus, sont réduits à leur plus simple expression. Et l'incendie maîtrisé sur le toit du voisin donne à espérer que le feu s'arrête d'être alimenté chez les proches.

Dans cette dynamique, on s'aventure à faire un parallèle entre l'appel du colonel Goïta à un référendum constitutionnel le 18 juin 2023 et un autre appel un certain 18 juin 1940 pour la résistance des Français contre l'envahisseur nazi, fasciste et totalitariste. Pourvu que ce parallélisme ne s'arrête pas qu'à la similitude des dates mais aille jusqu'à la concordance de la vérité des faits historiques qui a vu la victoire d'un pays résilient contre un ennemi perfide et obscurantiste. Que le référendum du 18 juin au Mali soit alors un appel qui voit triompher le oui à cette réforme institutionnelle phare qui ouvre la voie aux autres scrutins et en définitive à des solutions pour la stabilité, les progrès socio-économiques et démocratiques au pays de Soundiata Kéïta.

Aux côtés de tous les Maliens qui aspirent à la paix, à la liberté et à la démocratie qui appelleront à voter oui pour la nouvelle Constitution, on comptera certainement le président Assimi Goïta, et pour cause ! Ce projet de réforme constitutionnelle est non seulement porté par son gouvernement, il est aussi la voie royale pour légitimer davantage son régime, en l'absolvant de sa souillure originelle du 18 août 2020 et 24 mai 2021. En effet, selon les dispositions de l'article 157 du nouveau Code électoral malien, le colonel Goïta peut quitter son treillis d'officier de l'armée pour un costume 3 pièces de candidat à la présidence. L'homme franchira-t-il ce rubicond pour légalement étaler ses pénates au palais de Koulouba ? Si oui, il ne sera ni le premier ni le dernier officier malien qui, après avoir arraché le pouvoir par un coup de force, l'a conquis ensuite par des élections démocratiques.

On en n'est pas encore là. Pour y arriver, Assimi Goïta et les autres partisans du oui au référendum à venir auront fort à faire pour balayer la forte désapprobation de l'association des imams du Mali et des autres organisations islamiques qui rejettent le caractère laïc de la République consigné dans le projet de nouvelle constitution. Le oui n'a donc pas gagné d'avance au vote référendaire qui s'annonce au Mali. Quand on sait que la fameuse association des imams qui milite pour le non compte en son sein un certain Mahmoud Dicko qui jouit d'une aura certaine auprès des Maliens et même au-delà, il faut craindre une campagne référendaire tendue.

C'est connu, Mahmoud Dicko a déjà fait reculer pas moins que le charismatique président Amadou Toumani Touré avec son projet de nouveau Code des personnes et de la famille au Mali qu'il trouvait trop libéral et pas suffisamment regardant sur les valeurs islamiques. On se souvient aussi que c'est vent debout et par la rue qu'il a pourri l'entame du second mandat du président Ibrahim Boubacar Keïta faisant ainsi le lit du coup d'Etat d'août 2020. Quid de ce projet de nouvelle Constitution à la sauce Assimi Goïta au goût d'une République laïque dont ne veulent pas la majorité des imams du Mali ? Cette nouvelle Constitution annoncée, au lieu d'être le début de solution aux problèmes d'un Mali ballotté depuis trop longtemps par les vents de l'instabilité, en ajoutera-t-elle à la volatilité de la situation ?

A Dieu ne plaise, quand bien même on s'étonne de voir que cette laïcité de la République dont ne veulent pas Mahmoud Dicko et ses ouailles ne passe pas à leurs yeux comme l'objectif ultime du combat des Maliens contre les katibas de l'Etat islamique au grand Sahara (EIGS) et du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) ! A quoi aura servi alors tout ce sang versé, les mille et un sacrifices des populations maliennes, si c'est pour doter le pays d'une Constitution, d'un Etat et de lois inspirées par la charia, en droite ligne avec le combat politique de l'EIGS ou du GSIM ?

Bref, les citoyens maliens ont beau être musulmans à environ 90%, la tolérance est islamique et la démocratie, loin d'être la dictature de la majorité, est respect de la minorité, valeur humaniste que porte cette laïcité que les imams maliens rechignent à prêcher.

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