Ile Maurice: Coteau-Raffin - Ces familles qui attendent la lumière au bout du tunnel

Elles sont 70 familles vivant dans la précarité dans un quartier boisé de ce village du littoral ouest. Ces anciens squatters des terres de l'État ont pu y bâtir un logement mais les années passent et ils vivent toujours dans le noir et l'isolement sans eau courante et électricité...

Au fond des bois de ce quartier de Coteau-Raffin, entre montagne et mer, Isabelle et Sylvan Bootshah nous accueillent, alors que leur fils se consacre à ses études. Leur maison en béton est en partie construite avec l'aide de la National Empowerment Foundation (NEF). Autrefois babysitter, Isabelle gagne aujourd'hui sa vie en travaillant dans une boutique, tandis que son mari est travailleur quotidien.

Cette famille compte parmi 70 autres qui squattaient des terres de l'État jusqu'à ce qu'elles leur soient louées par le ministère du Logement il y a quelques années. Pour la famille Bootshah, c'était en 2019. Cependant, quatre ans plus tard, cette région est toujours arriérée et isolée du reste de la localité, les habitants n'ayant accès ni à l'eau, ni à l'électricité dans leur foyer.

«Lorsque nous avons enfin pu avoir une maison sur un terrain, nous avons fait des démarches et interrogé à plusieurs reprises au fil des années, mé narnyé pa fer», dit Isabelle, en nous montrant une série de documents, dont une copie des demandes effectuées auprès du Central Electricity Board (CEB), notamment une demande en août 2019, pour laquelle les frais de connexion et le dépôt ont été payés. De fait, le reçu mentionne également les instances qu'elle a interrogées sur les mises à jour. "Customer Queried No Action Taken Please Do Needful...", peut-on lire. «Nous avons un panneau solaire dont la capacité est limitée. Pendant la saison pluvieuse, c'est particulièrement difficile et nous devons nous débrouiller avec des bougies...»

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La petite ruelle, qui a finalement été asphaltée récemment, à la demande des habitants, n'a pas non plus de poteau électrique pour assurer l'éclairage de nuit. «Étant donné que nous sommes dans les bois, cela représente un danger surtout pour les jeunes enfants.» M.S., une mère de famille qui y vit depuis plus de neuf ans, évoque le problème de manque d'eau courante dans les foyers. «Auparavant, il n'y en avait absolument pas. Ensuite, cette localité n'a reçu qu'un tank sur un terrain pour que toutes les familles puissent être approvisionnées collectivement. Après les dernières élections législatives, zot inn donn nou rakor délo pou filtré dan tank pou nou kapav gagné pou servi.»

Qui ? leur demande-t-on. «Mo pa koné kisannla, mé zot dir minis kinn fer démars... mais vu le nombre de personnes, cela ne suffit pas. Et en l'absence de camions citernes, par force, des habitants ont commencé à acheter... Sakenn inn pran zot rakor délo zot filtré zot alé mem pou zot kapav servi.» Et ce, à la vue des autorités, dit-elle. «Ils ont effectué des visites à plusieurs reprises et nous leur avons même demandé de résoudre le problème une fois pour toutes, mais personne ne semble en prendre note. Chacun lance la balle dans le camp de l'autre et nous sommes fatigués», soupirent les habitants.

Situation complexe

Si le terrain a été officiellement attribué à des fins résidentielles, pourquoi un tel délai pour fournir les services de base ? La problématique est plus profonde qu'un simple récit, explique un volontaire de l'ONG Yeshua Fellowship. L'association intervient pour défendre les intérêts des habitants depuis 2015. «Après les cyclones, beaucoup d'entre eux ont cherché refuge dans des centres. Depuis, nous avons insisté pour que leur soient attribuées des maisons convenables, car beaucoup d'entre eux avaient de simples habitations construites avec des feuilles de tôle, qui risquaient d'être endommagées pendant la saison pluvieuse, étant donné que la région est très inondable. Il n'y a pas non plus de drain, ce qui signifie que l'eau de la montagne se précipite directement dans les maisons», explique notre interlocuteur.

Dans ce cas, pourquoi ne pas plutôt se tourner vers des logements de la NHDC situés dans des lieux plus sains ? «Nous avons essayé, mais, pour la plupart des familles, les demandes ont été rejetées parce qu'elles sont au plus bas de l'échelle : des travailleurs manuels sans revenu fixe crédité à leur compte pour rassurer les autorités d'un paiement. Ainsi, lorsque les terrains leur ont été alloués ici, nous avons milité en faveur de la disponibilité de l'eau et de l'électricité.»

Le retard comporte une raison ironique, estime Jean Claude Augustin, un habitant. «On dit que ceux qui vivent encore dans des maisons en tôle ici ne peuvent pas bénéficier de l'électricité, pour éviter les incendies. Ironiquement, pour obtenir un permis de construction d'une maison en béton, nous devons fournir des preuves d'approvisionnement en eau et en électricité. Nous sommes donc coincés.

De plus, quelques personnes ici doivent encore compléter leur inscription au CEB et à la CWA, mais il n'est pas juste de nous pénaliser tous. On peut au moins démarrer quelque chose», confie-t-il. Du côté du CEB, on nous explique que cela dépend d'autres autorités comme le conseil du district. Une fois le feu vert obtenu, le CEB peut achever l'installation pour fournir l'électricité même dans une semaine, nous dit-on. À l'heure où nous mettions sous presse, une explication du conseil de district était toujours attendue.

La députée Sandra Mayotte évoque un ensemble de facteurs, tels que le manque de volonté de certains habitants, le manque de connaissance des procédures et la déception cumulée de la population, dans cette affaire. «Nous avons eu deux réunions avec les habitants et les autorités. Ces dernières attendent que tous les habitants aient fait leur demande au CEB et à la CWA. On ne peut pas, par exemple, mettre un poteau pour fournir l'électricité à quelques personnes et revenir plus tard. Il faut que cela se fasse de manière globale.

Dès que cela sera fait, les autorités iront de l'avant. Pour encourager cette démarche, lors de notre prochaine réunion prévue en juin, nous tentons de faire venir des représentants du ministère du Logement, de la CWA et du CEB pour que les personnes concernées s'inscrivent sur place et que nous leur expliquions les procédures et les raisons exactes de ce délai.»

La députée de la circonscription no 14 Sandra Mayotte affirme qu'un drain est en construction. «D'une part, il y a une perception de blocage, les gens sont fatigués et veulent que les choses se concrétisent. D'autre part, peu au courant des procédures, ils sont découragés lorsqu'ils se rendent dans les bureaux et sont dirigés vers d'autres services concernés à plusieurs reprises. Nous y faisons face. Les choses bougent, même si cela prend du temps», fait-elle ressortir

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