Madagascar: Les derniers jours de Rasalama et ses camarades

C'est à partir du discours du lundi 9 mars 1835 que Rasalama et quelques coreligionnaires se cachent dans une grotte de Manjakaray pour prier. Comme le précise Berthe Raharijaona, avocate à la Cour d'appel (lire précédentes Notes), elle peut mener cependant une vie relativement tranquille jusqu'en 1837 (Revue de Madagascar, 1er trimestre 1963).

Le 22 juillet de cette année-là, elle est dénoncée par ses esclaves qui espèrent du gouvernement une forte récompense. Commence alors pour elle, toute une succession de tracas qui s'aggravent de jour en jour. D'après les Archives consultées par Berthe Raharijaona, tout débute par son arrestation par des officiers et des soldats, suivie d'une perquisition et de la découverte de livres pieux au domicile de son frère où elle loge.

C'est la condamnation immédiate pour elle et ses biens sont « enlevés par la populace ». « Mise aux fers, aucune instruction, telles furent les phases de procédure sommaire à laquelle elle fut soumise. » Les fers sont constitués d'anneaux et de barres étroitement serrés sur les pieds, les mains, les genoux et le cou, de manière à réduire le corps tout entier dans une atroce position.

Le soir même, elle est emmenée au Palais de justice et sa garde, de jour comme de nuit, est confiée à un officier. Toutefois, les fers lui sont enlevés. Le 4 aout 1837, avec quinze coreligionnaires, elle est emmenée au Palais de justice d'Ambatondrafandrana où se tient une audience solennelle, en présence des chefs et des officiers ainsi que de la foule, convoquée par un Kabary (assemblée publique).

Rasalama et ses camarades doivent y assister, non pour être jugés, mais pour être montrés au peuple et servir d'exemples. Leur condamnation est simplement portée à leur connaissance. À savoir, l'esclavage perpétuel, sans possibilité de rachat par la famille. Immédiatement, après la sentence, ils sont partagés entre les officiers et Rasalama est confiée à Ramiandravola qui a la réputation d'être un maitre impitoyable.

Le 13 aout 1837, Ramiandravola demande à Rasalama de coudre. C'est un ordre donné exprès car c'est un dimanche. Elle refuse d'obtempérer. Son maitre vient rapporter le fait à Rainiharo, chef du gouvernement. « Il s'empressa d'aller trouver la reine qui la condamna à être exécutée le lendemain matin à Ambohipotsy, à coups de lances. Fidèle jusqu'à la mort, elle n'eut pas la grâce d'une sépulture. »

C'est le procès de Rasalama : aucun jugement, deux condamnations criminelles, souligne l'avocate. Pour terminer son article, Berthe Raharijaona revient quelques semaines plus tôt. Le mercredi 25 février 1835, un grand Conseil se tient au Palais de la Reine, car la veille, Ranavalona Ire reçoit une longue liste de chrétiens. « Elle fut scandalisée et jure de les exterminer. » L'officier Rainingitabe ose cependant se lever pour lui exposer que les chrétiens sont, parmi les hommes qu'il commande, les plus zélés au travail, les plus dignes de confiance, les plus éclairés.

Alors les supprimer serait une pure perte pour le royaume. La reine tient compte de cette observation et l'en remercie, promettant d'y réfléchir. Un autre grand Conseil s'ensuit avec les chefs de l'Imerina pendant lequel un long débat se déroule autour d'une hypothèse : et si, pour parvenir à supprimer le christianisme, on condamne deux des chrétiens les plus en vue dans chaque région de l'Imerina ?

Le Conseil rejette la proposition et la reine n'insiste pas. Selon Berthe Raharijaona, Ranavalona Ire fait preuve de clémence envers Rasalama. Car d'après son message du 1er mars 1835, elle aurait pu, immédiatement après son arrestation, lui infliger la peine capitale car « celle-ci ne se confesse pas, il y a chez elle des pièces à conviction et on l'a dénoncée : trois griefs énoncés expressément dans le discours. La condamnation à l'esclavage perpétuel était donc une mesure de clémence.

L'on peut seulement reprocher à la reine d'avoir cédé à un mouvement de colère », ajoute-t-elle. Au moment de son arrestation, ses proches parents la supplient de renoncer, même provisoirement, à la religion chrétienne. « Un mot de sa part aurait suffi pour avoir la vie suave. Cruelle torture morale, ce mot ne fut pas prononcé. » Au contraire elle a une attitude ferme à l'arrivée de Tsitialainga à son domicile.

C'est une lance à bout d'argent avec l'effigie ou les initiales royales que les émissaires royaux, chargés de l'arrestation des criminels, portent et plantent devant leur porte. « Dès qu'elle était dressée, personne n'avait plus le droit d'entrer ou de sortir. » La condamnation est sans pourvoi et il ne reste qu'à tenter auprès de la reine un recours en grâce. « Mais il n'y a qu'une chance sur mille. »

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