Ile Maurice: À la poursuite du bien commun

Le jugement du Tribunal international du droit de la mer (ITLOS) à la fin d'avril, tout comme la décision du Tribunal d'arbitrage permanent sur la zone de protection marine aux Chagos en 2015, dépasse le cadre étroit dans lequel les politiciens mauriciens ont l'habitude de s'affronter.

Les territoires qui font partie de la République de Maurice constituent un dossier sur lequel on devrait tous oeuvrer ensemble. Les Chagos n'y échappent pas, tout comme Agalega et Tromelin. Ce n'est pas non plus un débat entre Mauriciens et Chagossiens (qu'ils aient un passeport britannique ou pas). C'est avant tout un enjeu national, touchant à l'intégrité territoriale de notre patrie, qui aura un impact sur notre développement et les générations futures. Et cela requiert, entre autres, une bonne intelligence entre le régime travailliste, qui a su initier la procédure relative à la Convention des droits de la mer, et l'actuel gouvernement, qui a ainsi hérité d'une avancée inespérée sur le dossier Chagos.

La route demeure longue et sinueuse. Après de nombreuses résolutions et discours à l'ONU, des batailles juridiques à Londres, qui n'auront rien changé, et des décennies de négociations diplomatiques stériles, le jugement d'Istanbul en 2015, qui est irrévocable, est venu bousculer la donne. La perfide Albion, qui a hier consacré son roi, était acculée. Maurice en sortait ragaillardie. Cette fois-ci, les «décrets» de sa Majesté et autres delaying legal tactics n'y ont rien pu faire. Nous sommes arrivés à nous affranchir du joug juridique britannique et à porter le débat sur la scène internationale, avec la Cour internationale de La Haye en ligne de mire.

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La constitution du comité de suivi postIstanbul que nous avait promis Pravind Jugnauth demeure capitale. Outre des représentants des différents partis politiques, il aurait dû regrouper des expertises de tous horizons, de Bancoult à Jean-François Nellan, de Milan Meetarbhan à Vijay Makhan, en passant par Jagdish Koonjul, de Cassam Uteem à Kailash Purryag, du professeur Philippe Sands à Me Robin Mardemootoo, de Rashid Ahmine à Satyajit Boolell, en passant par Dhiren Dabee. On devrait privilégier une approche patriotique afin de montrer à la communauté internationale que Maurice reste uni et indivisible sur ce dossier complexe.

Outre les Chagos, ce même comité devrait se pencher sur les cas de Tromelin et d'Agalega afin de dégager une posture cohérente et consensuelle. Le temps des discours et des projets grandiloquents (comme ceux contenus dans les discours-Budget), est fini. Il est grand temps pour Maurice de voir sa dimension marine dans son intégralité. Avec l'intérêt accru des Chinois et des Indiens, c'est tout notre espace géopolitique qu'on devrait réexaminer, avec ou sans consulter les anciennes puissances coloniales et les États-Unis.

Mais la question demeure : sommes-nous capables de mettre nos différends de côté ? De dialoguer au lieu de marquer des buts ? Quand l'on voit le gouvernement versus le DPP ou vice versa, quand l'on voit l'actuelle chasse aux sorcières, l'accaparement des institutions, et les dérives pouvoiristes envers ou contre tous ceux qui ont des liens avec des politiciens, il y a, hélas, de quoi s'inquiéter... Le Budget, qui sera vraisemblablement présenté avant la fin de mai, va-t-il pouvoir transmettre un nouveau souffle à un gouvernement qui semble être déjà essoufflé par ses actions souvent, trop souvent, intempestives et contraires à son propre manifeste électoral...

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Plusieurs études, à différentes périodes de l'histoire, nous livrent plusieurs théories, les unes plus divergentes que les autres. Ceux qui nous rapportent les faits (historiens, chercheurs, journalistes, médias de tous horizons confondus, organisations internationales, etc.) portent avec eux un certain nombre d'a priori et de savoir. D'où le besoin de soigner constamment sa longue-vue et son microscope, de s'efforcer de porter un regard neuf ; sinon on risque surtout de perpétuer certaines certitudes acquises dans un contexte autre.

S'il appartient à chacun de forger ses propres outils d'analyse, on devrait, un tant soit peu, essayer de le faire à partir de critères clairement définis et objectifs. Il est évident qu'avec un corpus grandissant avec le temps et les moyens de communication, la compréhension de bien des terrains (géostratégiques ou politiques) progresse. Mais les solutions ne sont jamais aussi faciles, surtout des siècles ou des décennies plus tard.

Si désormais les robots, expérimentés par le MIT, permettent à des personnes d'être dans deux endroits simultanément - qui constitue comme l'invisibilité, l'immortalité, ou la capacité de voler comme les oiseaux, un désir profond de l'humanité - il n'y a pas encore une technologie, du moins certainement pas à l'université de Maurice, qui permette d'entrer dans la tête de nos leaders politiques pour comprendre l'agencement des pas de leur drôle de tango. Même s'ils n'en donnent pas l'air, ils doivent avoir une stratégie en phase avec leurs expériences passées et le contexte qui évolue.

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