En abordant la nouvelle relation entre Paris et Yaoundé, l'ambassadeur plénipotentiaire de France au Cameroun a n'a pas voulu laisser passer une seule fausse note. Par sa posture, sa gestuelle, ses éléments de langage, il rompt avec les anciennes habitudes. L'ancien général de corps d'armée livre ici les piliers de sa mission au Cameroun et se définit comme un diplomate de terrain qui veut aller au contact du Cameroun profond.
La preuve, c'est depuis la terrasse de sa résidence de fonction à Yaoundé qu'il partage son regard sur le Cameroun, sa première rencontre avec le président Paul Biya, son avis sur la résolution de la crise anglophone, les changements qu'il entend apporter pour améliorer le service des visas, etc.
Vous êtes en poste au Cameroun depuis le mois d'octobre 2022 après votre nomination comme ambassadeur en septembre 2022. Comment se sent un général de corps d'armée français dans la peau d'un ambassadeur dans un pays tel que le Cameroun ?
Depuis le 20 septembre 2022, je ne suis plus militaire de carrière, je ne suis plus général de corps d'armée. Je ne suis pas ici en tant que militaire dans un uniforme de diplomate. Ma vie précédente s'est arrêtée avant que j'arrive ici au Cameroun.
En revanche, en tant qu'ambassadeur de France, je me sens pleinement engagé dans la relation bilatérale forte entre le Cameroun et la France, voulue par les deux présidents Emmanuel Macron et Paul Biya, qui se sont vus récemment et qui ont, l'un comme l'autre, formulé une volonté politique commune sur un certain nombre de sujets.
Je me sens comme un ambassadeur engagé dans une démarche politique très importante entre deux pays qui ont des relations très denses, et entre lesquels pourraient se jouer une partie de la relation entre nos deux continents.
Dans cette philosophie d'action, le président Macron a placé le renouvellement de la relation partenariale entre nos pays comme une priorité, en s'appuyant sur trois critères principaux que sont l'équilibre, la réciprocité et la responsabilité commune que nous dévons assumer dans cette relation. Voilà les piliers sur lesquels la France souhaite pouvoir rebâtir quelque chose de neuf avec Cameroun.
C'est cela qui m'intéresse. Peut-être que dans ce projet, je peux tirer profit d'une certaine expérience de mon passé pour mettre en oeuvre, selon des formes, une méthode un peu différente, originale, ce projet politique déterminant qui est le coeur de ma mission.
Mon expérience passée m'apporte un certain nombre de convictions. Et l'une d'entre elles qui me semble très importante, est que si on veut être réellement écouté et entendu dans une relation partenariale, il faut probablement être très à l'écoute de l'autre et très au contact de l'autre. C'est cette condition-là que j'essaie de mettre en oeuvre. Très au contact parce que je me déplace.
Je veux aller au-delà de la capitale, comprendre toutes les composantes de la société camerounaise, et très à l'écoute ça veut dire être très large dans mon aptitude à discuter avec les différentes composantes de la société camerounaise. C'est vraiment pour moi dans cette première année d'exercice mon champ de priorités. Je crois c'est ça la première des conditions qui permet de bâtir ce que les présidents attendent de ce renouvellement de la relation partenariale entre la France et le Cameroun. C'est peut-être dans ce sens que mon ancien statut de militaire peut aider.
Il se trouve que c'est juste après l'audience entre les présidents Paul Biya et Emmanuel Macron, alors en visite à Yaoundé le 27 juillet 2022, que les premières fuites sur votre nomination sont enregistrées. Dans quelles circonstances avez-vous appris que vous serez nommé ambassadeur de France au Cameroun ?
De la même façon que vous, par des fuites. Ma nomination officielle c'est le 15 septembre, presque deux mois après le déplacement du président. Le cycle de nominations des ambassadeurs prend un peu de temps pour en arriver à l'officialisation. En ce qui me concerne, mon pays était engagé dans un cycle politique majeur l'année dernière, notamment avec les élections présidentielles, législatives, etc., qui ont fait que le cycle normal de désignation des ambassadeurs a été un petit peu retardé. Il ne faut pas chercher d'autres explications que celle-là.
Je l'ai donc appris en étant déjà au Quai d'Orsay, dans un rôle particulier qui était celui de directeur de la coopération de sécurité et de défense. Dans le cadre du poste que j'ai occupé pendant trois à Paris, j'ai beaucoup circulé sur le continent africain et j'ai déjà beaucoup observé la façon dont se passent les choses dans ce domaine et comment elles pourraient être améliorées.
Dans cette notion de renouvellement de la relation, il va falloir dépoussiérer beaucoup de choses, beaucoup d'habitudes car on ne pourra construire le futur en se contentant d'aménager le présent. Il y a des choses dans lesquelles il va falloir être un peu plus imaginatif, audacieux, disruptif y compris dans ce domaine de la défense et de la sécurité.
Votre nomination est-elle en lien avec la géopolitique en Afrique francophone marquée par la percée de la Russie et l'offensive économique chinoise, toutes choses qui mettraient en mal les intérêts de la France ?
Sans vouloir gommer un certain nombre de réalités de cette géopolitique-là, j'essaie surtout de me démarquer de ce vocabulaire un peu trop tactique pour essayer de replacer le sujet dans son contexte : la géopolitique est en train de changer en profondeur, et nous vivons une période particulièrement déterminante qui est celle de la transition entre un ordre ancien et un ordre nouveau.
Dans cette transition, l'objectif de chaque pays n'est pas de regarder dans le rétroviseur et de tenter de conserver ce qui relève du passé. C'est de se projeter résolument en avant pour essayer de se faire la meilleure place possible dans le concert des nations tel qu'il est en train de s'organiser.
D'ailleurs, je prends souvent cette formule pour dire que celui qui n'a comme objectif que de garder son dû, a déjà perdu la partie. L'important dans le monde qui en train d'émerger, c'est d'être capable de redéfinir sa place en fonction de ses intérêts et de ses valeurs. Ceci est valable pour la France, c'est valable pour le Cameroun, pour la Chine et pour tous les pays.
Donc, ma mission n'est pas de préserver des précarrés. Ce n'est pas de conserver ou de rétablir des choses perdues, non. C'est plutôt de voir comment trouver sa juste place dans ce monde qui est en train d'émerger. Ce travail, on le fait avec l'ensemble des acteurs du jeu international, avec nos compétiteurs, avec nos amis, avec nos alliés.
Ce travail on le fait aussi avec le Cameroun, sur la base d'une relation ancienne et historique organisée sur des liens politiques et affectifs très profonds. Et dans ce cadre général qu'il nous faut tous prendre en compte, la compétition n'est pas interdite. Le président Macron d'ailleurs a très clairement indiqué que le champ commercial et économique cette compétition est saine dès lors qu'elle reste équitable . La France comme le Cameroun veut éviter d'être asservie dans des relations partenariales trop exclusives.
Il est très normal qu'on puisse envisager des relations commerciales diversifiées avec un grand nombre de pays. En revanche dans le domaine de la sécurité, de la défense, de la politique, là il y a une compétition qui est d'une autre nature. Pour prendre un seul exemple, regardons ce qui se passe à proximité d'ici et notamment au Soudan avec une géopolitique chaotique, des pays en cours de fragilisation avec un potentiel de résonnance extrêmement important à l'échelle régionale voire continentale.
Dans ce registre, je pense que nos compétiteurs, notamment la Russie à travers Wagner dont on parle beaucoup dans les médias, jouent un rôle trouble. Et il faut savoir le dire aussi, Wagner est une organisation prédatrice. Il n'y a qu'à regarder ce qu'il se passe aujourd'hui en Centrafrique, où Wagner a pris le contrôle des mines d'or pour se rémunérer. Je ne suis pas certain que nos amis centrafricains en trouvent un bénéfice direct. Wagner n'est pas non plus un pourvoyeur de sécurité.
Je demande à ce qu'on fasse un bilan exhaustif de la situation au Mali, et on s'apercevra assez vite qu'en réalité, outre sa capacité à assurer au pouvoir malien une sécurité immédiate, la sécurité générale s'est dégradée dans ce pays cher à notre cœur. Wagner et la Russie jouent en Afrique une stratégie continentale dans laquelle ils sont un facteur de déstabilisation. On s'en apercevra progressivement.
Ne soyons pas naïfs: cette action politique et géopolitique directe d'affrontement est conduite au détriment des pays africains eux-mêmes. La partition de la France est évidemment très opposée à cette vision des choses. Et la sécurité de la France, la sécurité de l'Europe, est très liée à la sécurité et à la stabilité du continent africain. C'est ce que le président Macron décrit dans cette idée de destin commun qu'il appelle en disant « nous n'aurons pas d'avenir, ni l'un ni l'autre, si nous ne sommes pas capables de bâtir ensemble un destin commun ».
Dans le même temps, des voix se sont faites entendre pour dire qu'à travers votre nomination, la France entend peser, contrôler voire imposer son choix pour la transition au sommet de l'État au Cameroun. Est-ce ce dossier pour le moins sensible fait partie de votre feuille de mission ?
Si la France avait cette idée-là, ce n'est pas moi qu'elle aurait désigné. On ne met pas un ancien militaire dans cette partition- là ! De plus, le président Macron a très souvent répété que le premier principe d'une relation politique, c'est celui de la non-ingérence. Le principe de non-ingérence est absolument fondamental.
Il est de mon devoir de le réaffirmer au Cameroun et comme d'ailleurs dans les autres pays. Lorsqu'on dit que nous allons rebâtir fondamentalement un nouveau relationnel entre l'Europe et l'Afrique, entre la France et le Cameroun, cette question-là est déjà traitée : chaque pays devra être capable de définir son destin.
Vous avez déjà eu au moins une audience avec le président Biya. Qu'est-ce que vous vous êtes dit globalement et comment l'avez-vous trouvé ?
Pour l'instant, j'ai simplement eu un rendez-vous très bref avec le président à l'occasion de la cérémonie des voeux qui s'est déroulée le 6 janvier 2023, au cours duquel j'ai eu le privilège de pouvoir échanger quelques mots en quelques minutes avec lui. J'espère que dans les prochaines semaines, et c'est ce qu'il m'a d'ailleurs dit à cette occasion, nous pourrons enchaîner sur des réunions plus substantielles. Le président Biya et moi avons convenu que nous devons passer à une capacité de discussion et de dialogue régulière.
Vous avez déjà effectué une série de déplacements à l'intérieur du Cameroun depuis votre arrivée. Quel est votre sentiment général sur le pays au bout de cette randonnée ?
J'avais indiqué en arrivant que je souhaitais, le plus tôt possible dans la première année de mon mandat, aller au contact des populations camerounaises dans les 10 régions que compte le pays. En six mois, j'ai déjà visité sept régions, et nous partons dans quelques jours dans l'Adamaoua. Des déplacements dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont également prévus. Je reste convaincu que cet objectif d'aller au contact des Camerounais dans les 10 régions est important.
Important pour moi, d'abord, pour entrer en quelque sorte dans une compréhension fine de la diversité culturelle et politique du pays. J'y retrouve d'ailleurs des ferments qui me rappellent la France. Peu de pays en Afrique ont une telle diversité. Cette diversité, vous la retrouvez en France, qui est un pays qui a construit son unité sur une forte diversité culturelle entre les populations aux racines et aux traditions très diverses.
C'est peut-être en cela que nous nous retrouvons sur beaucoup de sujets. J'ai aussi trouvé dans ces régions tous ces ferments qui me semblent être la richesse du Cameroun.
On parle d'Afrique en miniature : cette capacité à pouvoir être en interface entre les mondes sahéliens, la forêt équatoriale, être en interface entre le domaine maritime et le domaine terrestre, etc., est un atout extrêmement important dans ce monde qui est en train d'émerger. Cette spécificité camerounaise sera sûrement une des cartes maîtresse du jeu du Cameroun dans son environnement régional et dans le concert des nations demain.
Vous avez évoqué en passant les régions du Nord-Ouest et du Sud, est-ce que votre avis sur la crise anglophone a varié entre temps et quelle est, selon vous, la clé pour en sortir ?
Sur ce sujet, la France a toujours été très claire à l'idée que la crise ne sera résolue que par les Camerounais eux-mêmes. La clé de résolution existe déjà au sein même du Cameroun. La France a toujours été en appui d'un processus politique de résolution de la crise, qui passera par le dialogue et la conciliation, et par des réformes, au premier rang desquelles la décentralisation.
Nous avons rappelé de manière constante notre disposition à soutenir ce processus, et notre soutien est en fait déjà tangible et concret : nous soutenons le renforcement des capacités de la fonction publique locale par des programmes comme celui conduit par l'ENA/Institut national du service public.
On a également déjà fait beaucoup, même si on n'en parle pas suffisamment selon moi, pour le développement local dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, notamment le développement urbain de Bamenda à travers le programme « capitale régionale ». L'AFD a engagé 29 milliards FCFA dans le cadre de ce programme. Bien évidemment, il y a encore beaucoup de choses à faire. Mais, toute une série d'actions concrètes pour la vie des citoyens de ces villes a déjà été lancé depuis quelques années.
Bientôt, vous le verrez, on va essayer d'accélérer encore notre engagement dans ces régions Tout ceci c'est bien la preuve que la France, à travers le C2D, à travers l'AFD, veut appuyer cette démarche de réconciliation en démontrant que ces régions ne sont pas oubliées et qu'elles bénéficient comme les autres des appuis de mon pays pour l'amélioration des conditions de vie. Ceci permet d'envisager demain une forme de dialogue national plus serein et qui doit permettre progressivement de ramener ces régions dans le dialogue à l'intérieur du cadre politique que le président Biya a lui-même fixé.
Doit-on entendre par là que le grand dialogue national de 2019 n'était pas assez serein ?
Je pense plutôt que le grand dialogue national qui a eu lieu posait des fondations d'un édifice. Maintenant il faut monter les murs, il faut monter le toit et tout ce qui doit sortir de ce cadre fondateur, en comprenant bien que les choses se font progressivement. Et l'action française vise justement à appuyer ces différentes démarches.
Parlant d'appuis de votre pays, quels sont les axes de la coopération franco-camerounaise qui vont le plus retenir votre attention durant votre mission au Cameroun ?
Ma feuille de route est écrite de manière assez précise. Et ce n'est pas secret. Elle a été publiquement dévoilée au mois de juillet dernier lorsque les deux présidents se sont vus. S'il faut identifier les piliers forts, je m'arrêterai sur quatre domaines qui me semblent très emblématiques de cette volonté des deux présidents de mettre des priorités dans la relation bilatérale.
Le premier pilier est lié à tout ce qui relève de la sécurité alimentaire, dans un contexte marqué par la guerre d'agression russe en Ukraine et toutes les conséquences que ça a pu avoir. Cette crise a démontré que, en France comme au Cameroun, la souveraineté alimentaire est un des enjeux fondamentaux.
Donc, un des premiers accents à mettre dans notre partenariat bilatéral c'est d'être capable de trouver de nouveaux mécanismes pour stimuler le secteur primaire dans sa globalité, qui ici au Cameroun est une véritable richesse. Il y a tout un champ d'actions qu'on essaie de réaliser. On a commencé cette année par une meilleure stimulation des capacités du secteur privé à investir dans le domaine primaire.
Cette capacité à garantir au plus vite la sécurité alimentaire du pays me semble donc déterminante. Le deuxième pilier c'est revitaliser les relations de défense et de sécurité qui ont été affaiblies pendant une vingtaine d'années par un désengagement de la France elle-même, considérant qu'elle n'avait plus les moyens ou qu'elle avait d'autres priorités.
Le discours des deux présidents a été très clair l'an dernier dans cette volonté commune de dire qu'il faut que nous nous retrouvions dans le domaine de la défense, dans le domaine militaire, dans le domaine de la sécurité, etc. La France proposera donc davantage de formations dans ses écoles comme cela se faisait avant.
Et nous travaillons déjà à un dialogue en profondeur permettant de redéfinir la modalité d'une coopération rénovée. Le troisième axe fort, c'est tout ce qui relève de l'interface entre la jeunesse et l'emploi. Le Cameroun connait une démographie extrêmement dynamique. Le grand défi est de permettre à ces générations montantes de trouver une place dans la vie et dans la société. Je souhaite donc me concentrer sur le sujet de l'employabilité.
On peut avoir des formations très générales mais si elles ne débouchent pas sur les emplois, les créations d'entreprises, les créations de richesses, alors on a visé à côté de la cible. C'est aussi valable en France avec tout le travail qui a été fait depuis quelques années sur la capacité à être en phase avec le monde du travail notamment par l'alternance. Je pense que c'est un sujet qu'on devrait prendre à bras le corps au Cameroun.
Comment construire des mécanismes nouveaux permettant de former cette jeunesse ici et en France par des formules combinées ? Aujourd'hui le numérique nous permet de pouvoir imaginer d'autres ingénieries de formation. Mais pour moi, tout doit être orienté vers l'emploi. Le seul baromètre utile c'est qu'un jeune camerounais ait la capacité de créer de la richesse dans son pays. Et c'est dans l'intérêt bien compris des deux pays.
C'est la raison pour laquelle je souhaite rester en contact étroit avec cette jeunesse qui veut entreprendre et qui veut compter dans l'avenir de son propre pays. Bref, vers cette nouvelle génération montante à qui il faut donner la parole, qu'il faut savoir écouter et qu'il faut savoir aider à mettre le pied à l'étrier. Le quatrième c'est cette capacité à pouvoir désamorcer le contentieux en partageant une mémoire commune, une mémoire assumée et pacifiée.
C'est cette commission mixte qui a été lancée l'été dernier et dans laquelle des chercheurs, des historiens, des artistes vont travailler pour construire la réalité de notre histoire commune. C'est un travail assez innovant qui doit permettre de pouvoir distinguer ce qui relève de l'objectivité historique et ce qui relève de la relation politique d'aujourd'hui.
Si les deux se mêlent, alors il aura toujours des frottements, de la pollution. Si on arrive à bien distinguer les genres, on peut alors avoir une vision dépassionnée des choses. Qu'est-ce qui s'est réellement passé ? et aujourd'hui qu'est-ce qu'on veut faire ensemble ? C'est cela toute l'ambition de cette commission mixte qui travaille depuis quelques mois maintenant et qui doit, à l'horizon de la fin 2024, produire un travail commun entre Français et Camerounais sur ce sujet-là. J'y crois beaucoup. Je pense que ça apportera un réel d'apaisement.
Vous parlez d'une jeunesse camerounaise dynamique, laquelle ne demande que des opportunités. Entendez-vous apporter plus de facilités dans la délivrance des visas au bénéfice des Camerounais désireux de se rendre en France ?
Si on comprend bien le projet du président Macron, l'esprit dans lequel il souhaite qu'on rebâtisse ce nouveau partenariat entre les continents et entre les pays, la circulation des hommes et des femmes d'un continent à l'autre est une condition indispensable et nécessaire. Le principe est simple et de bon sens . Et donc, rien ne doit venir contrarier cette ambition .
Sur ce problème des visas, je suis arrivé dans une situation assez dégradée et dans laquelle il a fallu prendre des mesures assez rapides pour essayer non pas de régler définitivement le problème, mais de sortir de l'ornière. Les chiffres qu'on a pu exporter début janvier sur la base des bilans de 2022, démontrent bien que le nombre de visas délivrés en 2022 est supérieur à ce qu'on a fait pendant les années précédentes. Ce sont des faits pas des interprétations ou des commentaires.
Après il y a bien sûr des cas individuels. Et là, j'admets qu'il y a encore beaucoup d'imperfections dans notre système et que beaucoup de gens buttent encore sur des étapes du processus technique d'obtention d'un rendez-vous puis d'un visa. Notre objectif en ce moment consiste à prendre à bras le corps le sujet des de la rentrée d'étudiants 2023-2024.
Chaque année il y a une vague liée à tout le processus de formation qui s'organise pour les jeunes bacheliers ou les jeunes qui ont déjà une licence, etc. Ça représente une vague très important d'environ 5000 à 6000 dossiers qui arrivent en quelques semaines au niveau des différents consulats. Ceci nous oblige à nous organiser de manière un peu différente pour pouvoir prendre en compte cette afflux de demandes.
C'est ma priorité aujourd'hui : je veux que chaque Camerounais qui a un projet validé souvent par une école, une entreprise ou une université française, puisse ne pas rater la marche et être à un moment ou à un autre intégré dans ce système technique des visas à destination des formations en France. On aura peut-être l'occasion d'en faire le bilan au mois de septembre ou octobre pour voir comment on a réussi à franchir cette marche. Mais il faut retenir que techniquement, ce n'est pas si facile que ça.
Si on se compare à d'autres pays, on peut s'apercevoir que la France reste une destination majeure pour les jeunes camerounais en ce qui concerne la formation supérieure. Au-delà de ce sujet des étudiants , à partir du mois d'octobre, les services de prise de rendez-vous et de prise en charge des demandes de visas seront externalisés, en vue de renforcer l'efficience du système. Nous avons décidé de ce processus d'externalisation, parce qu'une partie du blocage tel qu'il existe aujourd'hui est lié aux actions d'officines capables de préempter énormément de rendez-vous et de faire du business avec les dossiers.
C'est la réputation de la France qui est en jeu, et pour celui qui demande un visa, c'est totalement injuste. J'espère qu'à partir de ce moment-là on aura posé les fondements d'un système qui marche bien et qui soit capable de pouvoir permettre à chaque projet individuel, qu'il soit touristique, éducatif, sanitaire..., d'organiser une relation fluide entre nos deux pays dans une philosophie générale qui souhaite qu'il y ait un maximum de mouvements entre les uns et les autres.
Au final, qu'aimeriez-vous que l'on retienne de votre passage comme ambassadeur de France au Cameroun au terme de votre séjour ?
Je suis un peu embêté de devoir tirer un bilan en commençant. Je vous donne rendez-vous lorsque j'aurai terminé ma mission. A ce stade, je peux vous renseigner sur la manière dont je suis perçu initialement, ou comment j'aimerais être perçu : comme un ambassadeur qui engage la discussion avec le Cameroun « par les pieds ».
Ça veut dire en allant au contact des autres, en me déplaçant. Je pense que c'est la première condition de tout. J'aimerais également que l'on comprenne que ce qui va probablement m'animer c'est l'idée qu'on ne fera pas du neuf avec du vieux. Alors il va falloir faire preuve d'imagination, faire preuve d'innovation, sortir des sentiers battus, être capable de se démarquer des habitudes pour rentrer dans la réalité du projet dont je parlais au départ qui est une réelle nouvelle relation entre la France et l'Afrique.
J'aimerais bien que mon image soit celle d'un ambassadeur qui va mettre en chantier ces mécanismes nouveaux qui incarneront justement cette relation moderne que nos deux président ont souhaité donner comme cap général de la relation bilatérale.