Madagascar: « La coopération est avant tout un état d'esprit »

Jeudi 7 juin 1973. Les Malgaches réservent un accueil extraordinaire à la délégation malgache dirigée par le ministre des Affaires étrangères du gouvernement Ramanantsoa, Didier Ratsiraka, de retour de Paris où se sont déroulées des négociations très ardues en vue d'une nouvelle forme de coopération franco-malgache. Quelques jours auparavant, la presse étrangère commente aussi bien les discussions que les résultats des négociations. Extraits.

La « Nouvelle Agence de Presse » (NAP) du 4 juin, sous le titre « Plaie d'argent n'est pas mortelle », retrace le déroulement des négociations. « Malgré d'insurmontables difficultés monétaires qui ont abouti au retrait de Madagascar de la Zone Franc, de nouveaux accords ont été conclus entre la France et la République malgache. Ainsi la volonté de coopération a-t-elle préservé l"indéfectible' amitié franco-malgache...

Le gouvernement malgache qui- depuis le mois de novembre 1972- avait établi un contrôle strict sur les mouvements des capitaux, entendait le maintenir, alors que la délégation française souhaitait, en contrepartie de la garantie consentie à la monnaie malgache, obtenir un assouplissement du régime des transferts. »

« Il n'a pas été possible de trouver un modus vivendi. Les Malgaches en ont tiré la conséquence : le retrait de Madagascar de la Zone Franc et la création d'une nouvelle unité monétaire...

Il n'y a pas eu de rupture, mais les accords signés à Paris, instaureront un nouveau type de rapports entre la France et Madagascar. Rien ne sera plus tout à fait comme avant. Certes, de part et d'autre, on s'attache à souligner plus ce qui unit que ce qui divise, force est néanmoins de constater que le sentiment et l'histoire ont cédé le pas à des préoccupations d'ordre politique. »

« Globalement, pour le gouvernement malgache, ces nouveaux accords expriment l'affirmation d'une véritable indépendance. Cette optique reflète largement le point de vue de l'opinion. Donc sur le plan intérieur, le gouvernement a incontestablement consolidé sa position. Ce capital de confiance lui est plus que nécessaire pour essayer de résoudre les problèmes difficiles reçus en héritage de l'ancien régime...

Ce nouveau choix politique appelle d'autres initiatives. Des réformes hardies sont nécessaires pour bousculer les habitudes de travail, modifier les organisations de production et de commercialisation... » « Dans les milieux d'affaires étrangers, notamment français, qui contrôlent plus de 80% de la vie économique de la Grande ile, on observe encore une certaine expectative.

Le gouvernement a pris une ordonnance réglementant les conditions de fermeture, de vente ou de cession de fonds de commerce, et des mesures conservatoires destinées à prévenir les mouvements désordonnés qui seraient fortement préjudiciables à la vie économique du pays. » Dans son éditorial du 5 juin 1973, le journal « Le Monde » écrit :

« Conclus à l'issue d'une longue négociation au cours de laquelle une certaine acrimonie s'était manifestée de part et d'autre, ces accords vont-ils finalement prendre valeur d'exemple et aider au réaménagement souvent souhaité des traités liant la France à ses anciennes colonies ?

S'il est vrai, comme le remarquait M. Deniau, secrétaire d'État aux Affaires étrangères, que la confiance, l'amitié, ne se décrètent pas par des articles de loi et que la coopération est avant tout un état d'esprit, on peut trouver une raison d'optimisme dans la façon dont Paris a su renoncer à des avantages au maintien desquels son aide semblait jusqu'alors subordonnée. »

Dans le numéro du même jour du quotidien « Le Figaro », on peut lire: « Après cinq mois de difficiles négociations qui faillirent même aboutir à la rupture, les négociateurs français et malgaches sont enfin parvenus à réinventer de nouveaux rapports entre les deux pays, un nouvel équilibre dans les relations bilatérales. »

« L'Humanité » cité par « Opinions Africaines » du 2 juin 1973 fait remarquer pour sa part : « Ce qu'on peut dire dès aujourd'hui, c'est qu'un précédent est créé. Ce qui n'est pas sans conséquence sur les négociations similaires qui doivent s'ouvrir prochainement avec les autres États francophones... »

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