Congo-Kinshasa: Marie-Claire Mutanda - 'Produisons notre maïs et transformons-le ici sur place même'

*"Il faut rêver grand, se donner les moyens nécessaires et passer à l'Action ! C'est possible", tranche Marie-Claire Mutanda qui, en marge de la pénurie de la farine de maïs observée ces derniers temps au Grand Katanga et, même, des négociations subséquentes ayant été menées par les soins d'une forte délégation gouvernementale conduite par Vital Kamerhe, le tout nouveau Vice-Premier Ministre, Ministre de l'Economie Nationale, estime qu'il est temps de s'organiser autrement et de réorienter la RD.

Congo vers une nouvelle politique agricole axée sur l'exploitation des terres arables - 80 millions d'hectares au total, pour transformer, non seulement, la vie des congolais mais, pourquoi pas, celle d'autres peuples du monde, en commençant, évidemment, par l'Afrique avant d'aller à la recherche d'autres espaces en Europe ou ailleurs.

Marie-Claire Mutanda, une aspirante aux prochaines joutes électorales dans l'espace Grand Kasaï, plus précisément, à Mweka, se souvient, en effet, que vers les années 60 et 70, sa contrée fut le grenier de tant d'autres en raison du travail et de la récolte des produits agricoles qui, naguère, permirent d'alimenter sur une vaste échelle, les populations congolaises.

Aujourd'hui plus qu'hier, cette politique axée sur un travail de labour de la terre, celle-là même dont dispose le Congo avec ses deux saisons qui s'alternent merveilleusement, peut rééditer ce même exploit. Dès lors que l'on prône la nouvelle politique sur le développement de 145 territoires à l'ère de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, pourquoi ne pas briser les chaînes de la dépendance en matière agricole ? S'interroge-t-elle.

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Pis encore, elle constate, cependant, qu'une délégation ait pu se rendre en Zambie pour discuter du transit de la farine de maïs, des semences et fertilisants, sans pour autant y inclure le Ministre de l'Agriculture, le premier concerné par les problèmes ainsi évoqués avec les autorités de ce pays voisin situé au sud de la RD. Congo.

Quoi qu'il en soit, Marie-Claire Mutanda pense que l'actuelle pénurie de la farine de maïs révèle la précarité ou la vulnérabilité des politiques initiées jusqu'ici dans le domaine de l'Agriculture. Et, pourtant, il n'est jamais trop tard, pour mieux faire. Elle le dit si bien, tout en proposant des pistes.

Mme Marie-Claire que pensez-vous de la situation de pénurie de la farine de maïs actuelle ?

La situation actuelle dénote deux grands problèmes que le Congo ne produit pas suffisamment pour se nourrir et donc, il dépend des pays externes pour assurer l'alimentation de son peuple !

Cette situation est simplement non acceptable parce que la RD Congo c'est près de 80 millions d'hectares des terres arables, 4 millions de terres irrigables dont seul 1% est cultivé ! C'est triste qu'avec une telle potentialité que nous soyons affectés par une pénurie quelconque en farine de maïs. Il y lieu de se demander pourquoi ?

Pourquoi tous les projets de relance d'agriculture ont échoué ? Le vendredi dernier, j'ai pris part dans un "Legacy Talk" avec quatre experts en la matière qui tentaient justement de répondre à cette question et, il est évident que le manque d'une vision et surtout d'un plan stratégique de développement du pays, y compris dans le secteur agricole ne permet pas d'aborder l'agriculture autrement que par des petits projets qui finissent presque par échouer, selon le Sénateur Didier Mumengi, dans son livre : "militariser l'agriculture", un total de 47 de tous ces projets se sont tous soldés par des échecs !

Une délégation de six Ministres a fait le voyage en Zambie pour négocier le passage de la farine en transit vers le Katanga qu'en dites-vous ? Surtout que la négociation qui, pourtant, était réussie semble, selon le Ministre de la Communication et Médias, s'être conclue en un échec par manigance d'une personne ayant un lien avec la Zambie ?

Avec tout respect, une telle forte délégation de six Ministres dont le Ministre de l'Economie et des Finances qui se déplace, ça dénote, avec toute évidence, l'urgence et l'acuité de la situation ! Et je compatis avec mes frères et soeurs du Katanga qui sont les premiers affectés par cette pénurie ! D'autre part, j'ai fait quelques constats :

- l'absence du ministère d'agriculture alors que cette délégation discute des semences améliorées,

- le coût de déplacement qu'une telle délégation devrait avoir entraîner,

- le constat amer qu'elle se soit tout de même soldée par un échec décrété, semble-t-il, par une personne à des fins politiques...

Ces constats dénotent non simplement, une vulnérabilité aiguë que tout un pays présente aux yeux du monde, y compris à ceux qui sont nos ennemis et ceux qui envient nos terres ! Nous devrons mettre du sérieux et considérer cette situation comme une autre sonnette d'alarme pour mettre le focus sur l'agriculture comme un des leviers principaux de développement de la RDC.

De lui donner tous les moyens qu'il faut pour augmenter la productivité mais aussi, l'infrastructure qu'il faut pour assurer la distribution et pourquoi pas la transformation localement ! L'autosuffisance alimentaire devrait être un objectif à atteindre à moyen et long terme !

Et pourquoi pas viser à exporter et nourrir les autres pays africains à partir de la RDC ? Il faut rêver grand, se donner les moyens nécessaires et passer à l'Action ! C'est possible. Je viens de Mweka et déjà dans les années 60 et 70, mon territoire était le grenier agricole de la région de Kasaï (ici entendu le Grand Kasaï), on y produisait des tonnes de maïs, manioc, de arachides et haricots, de l'huile de palme etc.

Et je sais deviner que chaque province de la RDC à son gîte agricole comme Mweka et donc, il n'y a pas lieu qu'on puisse aller quémander à la Zambie de laisser passer en transit des camions qui nous amèneraient la farine de maïs ! Produisons notre maïs et transformons-le ici sur place même.

Vous êtes aspirante députée nationale de Mweka, jadis reconnue pour son potentiel agricole, quels messages pouvez-vous lancer aux ressortissants de Mweka à ce propos ?

Oui, je venais de faire mention de Mweka, mon territoire, qui est strictement agricole, jadis grenier de toute la région, mon territoire est aujourd'hui dans une situation déplorable similaire non seulement de manque mais, aussi par exemple on y trouve la malnutrition chronique et aussi des cas de malnutrition aigües à Mweka même ! C'est aberrant.

C'est que je pourrais dire ici est un plaidoyer que je veux adresser à mes frères au niveau de gouvernement provincial et surtout à notre gouvernement territorial de Mweka, de saisir l'opportunité de la vision du président Fatshi de développement des 145 territoires, pour en décliner un plan de développement territorial avec un focus sur l'agriculture au centre.

Un tel outil, permettrait à relever le plaidoyer à tous les niveaux pour la mobilisation non seulement des ressources pour sa mise en oeuvre, mais aussi la participation citoyenne des parties prenantes y compris les agriculteurs à cette dynamique.

Le Sénateur Didier dans son livre a parlé des causes anthropologiques qui feraient que l'agriculture est peu considérée par les congolais; cependant mes cousines et cousins, mes tantes et oncles que je connais à Bulape, y compris mon grand frère que j'ai vu il y a deux mois ne méprisent pas l'agriculture bien au contraire ils passent des journées entières dans leurs champs qu'ils appellent "tshibidi", cependant ils produisent encore toutes ses denrées alimentaires mais, ils ne peuvent les évacuer... ils attendent les acheteurs venus de Luebo ou ailleurs, sur leurs vélos pour acheter qui, un sac ou deux, selon sa force physique à le ramener sur le vélo sur des dizaines, voire des centaines des kilomètres à pied !

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