Ile Maurice: Éducation - Extended Programme, un système criblé de lacunes

«Ena zanfan pa konn diferans ant adition ek miltiplikasion pe ale kompoz NCE.» C'est le constat accablant d'un enseignant de classe Extended Programme (EP). Il avance que le problème est loin d'être superficiel et énumère les raisons pour lesquelles ce système ne marchera pas.

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Déjà, avant la mise en place de ce nouveau programme, les instituteurs avaient un atelier de travail dans un collège à Phoenix pour qu'ils comprennent le fonctionnement de l'EP. Lui qui était déjà enseignant de classes «prevocational» avait d'emblée identifié un problème majeur. Le programme d'études n'était pas adapté à ces élèves car trop avancé. «La personne qui animait le workshop nous a fait savoir qu'il avait lui-même soulevé le problème, mais que de toute façon, la haute sphère de l'Education avait dit que la priorité était d'avoir 2 000 élèves qui réussissent pour les académies.»

Livres incohérents

Certes, le syllabus est plus léger car les élèves de l'EP font en quatre ans ce que ceux du mainstream font en trois années. Cependant, l'enseignant parle d'incohérence au niveau des livres. Si les manuels pour les Grades 7 et 8 sont les versions simplifiées de ceux qui sont utilisés en mainstream, en Grade 9, la situation se complique. «D'un seul coup, le niveau monte. Par exemple, en sciences, on aborde la question de la circulation sanguine et le rôle des cellules, mais il n'y a pas le chapitre de base pour leur expliquer c'est quoi une cellule», relève-t-il. Il précise que la situation est différente pour les Computer Studies. Ses collègues sont satisfaits du niveau, et le taux de réussite est plus élevé. La raison pour laquelle ces manuels sont mieux faits est que les profs d'EP ont été sollicités pour leur conception.

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Pas de ciblage

Après des années de service dans le domaine, notre interlocuteur affirme que souvent, il se retrouve en face d'enfants qui sont autistes ou dyslexiques. Mais il n'est pas formé pour travailler avec eux, et le système n'est pas adapté non plus. Bien que le problème soit connu de tous, il n'y a jamais eu de projet pour s'assurer que ces enfants à besoins spéciaux soient pris en considération. Résultat: ils perdent plusieurs années sans avancer.

Base manquante

Cette année, il s'est retrouvé avec des élèves en Grade 7 qui ne savent pas différencier entre les symboles de l'addition et la multiplication. Cependant, il est censé leur enseigner des chapitres comme la division des fractions. «Comment voulez-vous qu'ils comprennent ? Et là, je ne vous parle pas de cette poignée d'élèves qui ne connaissent même pas l'alphabet», fait-il remarquer. Ces élèves, dit-il, ont déjà des problèmes en primaire, mais sont dans un système qui les oblige à poursuivre des études qui ne sont pas adaptées à leurs besoins. «Alors que dès le primaire, on sait déjà ce qui va se passer. Il n'est pas logique de les forcer.»

La solution

Il n'y en a pas 10. Pour lui, il n'y aura pas de miracles. Si le même système est maintenu, les résultats seront les mêmes. Il préconise de revenir au système que l'ancien ministre de l'Education Kadress Pillay avait mis en place. «Lorsqu'un enfant n'est pas apte à apprendre, forcer des sujets comme la science sur lui n'a aucun sens.» Il rappelle que l'ancien système ne négligeait pas totalement le côté académique. Trois items étaient essentiels: l'alphabétisation, savoir compter et acquérir les compétences de bases de la vie. «Mais le focus était sur les métiers. Très tôt, ils étaient orientés vers les formations sans leur imposer des sujets qui ne leur serviront à rien. Aujourd'hui, certains sont chefs dans les hôtels. C'est un système qui a marché car il est logique», martèle-t-il.

Témoignages

T. P., enseignante dans un collège d'Etat: «Ceux qui ont échoué aux examens de Grade 9 sont en train de redoubler faute de place au MITD»

Elle travaille avec des élèves de l'Extended Programme. Cette enseignante d'un collège d'Etat a bien voulu partager son expérience sous le couvert de l'anonymat. D'emblée, elle raconte que ce n'est pas de tout repos :

«Certains ont une attitude agressive, d'autres sont violents, c'est une façon pour eux de se protéger de leur échec scolaire. Souvent, ils refusent de travailler et font du désordre en classe. Ils ont du mal à faire les exercices du manuel qui ne leur est pas adapté. Le plus chagrinant c'est que beaucoup n'arrivent pas à lire et d'autres pas à écrire. Ces difficultés d'apprentissage durent depuis l'école primaire et ce n'est pas au collège qu'on fera des miracles», soutient-elle.

De révéler que ceux qui ont échoué aux examens de Grade 9 l'année dernière sont en train de redoubler car il n'y a pas suffisamment de place pour eux au Mauritius Institute of Training and Development (MITD). L'éducatrice soutient que ses pairs et elle essayent de leur mieux de parler à ces élèves, de les écouter mais certains ont une attitude négative dès le départ. Parmi eux, ceux qui se rendent à l'école sans manuel puisqu'ils n'en ont pas et ainsi font du désordre en classe.

«L'idée est qu'ils doivent être supposément encadrés par un facilitateur. Sauf qu'il en manque et des supply teachers qui sont recrutés n'arrivent pas à gérer ces élèves», ajoute l'enseignante.

Elle propose qu'il y ait davantage de support teachers au collège et de revoir à la baisse le nombre d'élèves dans les classes dès le primaire, de les faire redoubler Grade 6 à l'école primaire et de créer des écoles spéciales pour ces enfants où l'accent est mis sur le côté technique.

«Ils sont vraiment doués pour la plupart dans ces matières. Quant à l'anglais et au français, il faut trouver un moyen pour les leur enseigner dès la base», fait ressortir notre interlocutrice.

Priya, 17 ans, en deuxième année de Grade 9: «J'oublie tout malheureusement»

Priya, 17 ans, redouble actuellement la classe de Grade 9. Cette élève de l'Extended Programme d'un collège d'Etat aime l'école. Elle se réjouit d'avoir pu être admise au collège même si elle n'est pas fière de ses résultats scolaires depuis Grade 7. D'ailleurs, elle ne passe pas par quatre chemins pour affirmer qu'elle ne parviendra pas jusqu'au School Certificate, car c'est la dernière année qu'elle se voit passer au collège.

«Je n'arrive pas à faire mieux académiquement car j'oublie tout malheureusement. J'ai beaucoup de mal à mémoriser mes notes», confie-t-elle.

Sa matière préférée: Physical Education. La carrière qu'elle vise est de devenir professeure de danse. Pas besoin de cours particulier pour ça, déclare-t-elle, puisque YouTube répond à ses attentes en ce sens lorsqu'elle pratique à la maison. «Pourquoi n'y-a-t-il justement pas de classes de danse à l'école ?», demande-t-elle.

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