Sénégal: Vélingara - Coup de balai des « soldats » du nettoiement

À Vélingara, dans la région de Kolda, les agents de la Société nationale de gestion des déchets (Sonaged), ancienne Unité de coordination de la gestion des déchets solides (Ucg), se démènent comme des « soldats » pour rendre propre la ville. Cela, malgré les risques de maladies encourus au contact des ordures.

VÉLINGARA - Ni la crasse ni l'odeur putride ne dérange Amadou. Ce jeune éboueur, perché sur la trentaine, est un technicien de surface de l'Unité de coordination de la gestion des déchets solides (Ucg), devenue Société nationale de gestion des déchets (Sonaged). Debout derrière la benne à effluves, il respire, à petits coups de souffle, l'arôme pestilentielle consistante des immondices qui flotte dans l'air. En combinaison de couleur verte et gilet jaune fluo, Amadou soulève et jette les bacs d'ordures dans la poly-benne. Une rengaine qu'il répète maintes fois. Sans se lasser. Sans tiquer. La tâche semble ardue et pas du tout repos mais, enchante et emballe ce « soldat » du nettoiement. « Le contact avec les ordures est un risque énorme. Mais, nous avons choisi ce métier pour gagner dignement notre vie. C'est un job très difficile, mais rien n'est facile dans la vie, il faut travailler et beaucoup travailler. Ce travail est plaisant », lance-t-il, arrachant, du coup, une tasse de café Touba à son ami d'infortune, Souleymane.

Dans le département de Vélingara (région de Kolda), ils sont 98 agents de la Sonaged (hommes, femmes, jeunes et adultes) qui se déploient, du lundi au dimanche, dans les rues, ruelles, coins et recoins, pour nettoyer la ville. Entre 8 heures et midi, ils balayent, ramassent et déchargent les ordures à la décharge, logée en bordure de la route de Bassé en Gambie. Ces techniciens de surface de l'Ucg, l'ancêtre de la Sonaged, travaillent d'arrache-pied à rendre propre la ville et ses environs immédiats. Ils font deux rotations par jour. Leur travail de titan a changé le visage hideux de Vélingara, qui pataugeait dans la crasse, avant l'arrivée de cette société sur la terre ferme de Vélingara, en décembre 2021. Et, malgré le manque criant d'effectifs, les agents de la Sonaged se démènent comme des diables, gobent injures et quolibets et se démultiplient pour assurer la propreté et l'hygiène publique.

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Mais, le danger est patent. Les risques énormes. Hamadi Mballo, 33 ans, superviseur à la Sonaged : « Nous gagnons davantage le respect des populations, même si nous rencontrons beaucoup de résistance. Certaines personnes nous jettent leurs ordures en plein visage. Nous les sensibilisons à garder leurs ordures dans les sacs ou bacs d'ordures pour faciliter le travail. Malgré cela, nous manquons de matériel, même si nous nous débrouillons avec le peu disponible. Les risques de maladies sont récurrents et nous espérons avoir une assurance maladie, au plus vite ».

« Sans amour, on ne peut pas faire ce travail »

Structure créée provisoirement en 2011, l'Ucg a foulé le sol de Vélingara, il y a 3 ans. Mais depuis, elle fait son bonhomme de chemin et gagne le coeur des populations. Engoncés dans des combinaisons vert fluo crottées et noircies par l'usage, les 28 agents que compte la commune de Vélingara travaillent sans arrache à rendre la ville propre. Samba Diao a 37 ans, la mine hérissée, le phrasé lent. Ce Vélingarois, teint noir, est un des soldats de nettoyage de la Sonaged et sert dans l'équipe de balayage. « Sans amour, on ne peut pas faire ce travail. On ne gagne pas beaucoup d'argent, le travail n'est pas facile et nous sommes très exposés aux maladies pulmonaires et corporelles. Il y a une indiscipline notoire dans les rues.

Les populations jettent les ordures n'importe où, prétextant que nous sommes payés pour les ramasser. On ne nous compte pas comme des personnes normales, parce que nous sommes en contact direct avec la saleté », regrette Samba. Il souhaite un renouvellement de leurs contrats de prestation et une revalorisation des salaires. « Nous ramassons des ordures ménagères, plastiques, organiques et du bois mort, etc. Nous souffrons beaucoup de ce problème de statut. Nous déplorons le fait qu'il n'y ait pas une véritable politique de gestion des ressources humaines par la hiérarchie », adoube Ma Astou, éboueuse accrochée dans une ruelle de Vélingara-Fulbé, en train de balayer. Un train-train qu'une vingtaine d'éboueurs, membres de l'Ucg Vélingara, répète quotidiennement pour nettoyer la ville de sa vilénie.

NDONGO MBAYE THIAM, RESPONSABLE COMMUNAL DE LA SONAGED

« Nous préparons psychologiquement nos agents... »

« Vélingara a changé de visage grâce à nous. Nous sommes 28 agents à Vélingara-commune et le travail est énorme. Mais, malgré le faible effectif, mes hommes font le job. Nous avons des agents répartis entre Kounkané (15 agents), Diaobé (17 agents), Médina Chérif (20 agents), Manda Douane (15 agents) et Médina Gounass (8 agents). Nos agents sont payés par système de pointage. Libre à l'agent de prendre un jour de repos, mais ce jour reste impayé », a expliqué, Ndongo Mbaye Thiam, responsable communal de la Société nationale de gestion des déchets (Sonaged). Selon lui, il est difficile de rendre propre la ville de Vélingara parce que, souvent, il y a beaucoup de « je-m'en-foutisme ». « C'est donc grâce à l'amour du travail et à l'abnégation que nous ne baissons pas les bras. Certains jettent des ordures un peu partout, sans se soucier de la santé de leurs proches. D'autres crient sur nos agents, sans motifs. Il y'en a aussi qui digèrent mal les klaxons de nos poly-bennes qui font le tour de la ville pour ramasser les ordures. Ainsi, nous préparons psychologiquement nos agents pour gérer les humeurs des populations », a soutenu M. Thiam.

Il est aussi revenu sur le plan de travail mis en place. « Nous faisons deux rotations par jour : une le matin, une autre, dans l'après-midi. Chaque jour, nos deux camions sont remplis d'ordures et acheminés à la décharge. Les agents n'ont pas de répit et on les traite de tous les noms d'oiseaux », s'est-il lamenté. Certains ramasseurs des ordures ménagères reçoivent même parfois des injures, alors qu'ils travaillent dignement pour gagner leur vie. « Mes supérieurs font le maximum pour nous équiper. Toutefois, nous leur demandons de faire beaucoup plus parce que la tâche est rude et sans équipement adéquat, il est difficile de faire de bons résultats », a souligné Ndongo Mbaye Thiam.

Propos recueillis par Ibrahima KANDE

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