En marge de sa visite au Sénégal, la Coordonnatrice de l'Initiative pour la coopération de l'Atlantique, l'Ambassadeur Jessica Lapenn, s'est entretenue avec « Le Soleil ». L'ex-Ambassadeur des États-Unis auprès de l'Union africaine revient, entre autres, sur les contours de cette nouvelle initiative.
Vous êtes la Coordonnatrice de l'Initiative pour la coopération de l'Atlantique. De quoi s'agit-il exactement ?
Le principe qui sous-tend la coopération Atlantique, c'est que lorsque vous jetez un regard sur la carte, vous voyez, en fait, un endroit unique où vous avez les communautés qui sont en place. Il s'agit des communautés côtières. Le principe est de considérer l'Atlantique comme une région tout comme on considère les continents comme des régions. Cette région-là partage une histoire, une culture et une langue. Il est possible, sur la base de cela, de voir les problèmes communs, c'est-à-dire une histoire commune, des expériences communes, mais également des problèmes communs dans cette région. Ainsi, il est possible de trouver ensemble une solution ou bien, si les solutions n'existent pas, d'en trouver mais également de créer de nouvelles solutions dans ce cadre-là et sur cette base-là.
Quels sont les enjeux d'une telle structure et la place que pourrait y avoir le Sénégal ?
Le Sénégal devrait jouer un rôle moteur dans cette initiative parce qu'il dispose d'une expérience et d'une expertise importantes dans ce domaine. Comme vous le savez, j'ai été Ambassadeur des États-Unis auprès de l'Union africaine (Ua) lorsque le Sénégal dirigeait l'instance continentale. Je connais donc la capacité de ce pays à mobiliser les partenaires, à créer des idées élaborées et à assurer le consensus autour de cette action. Le Sénégal pourrait aussi jouer un rôle important en matière de diplomatie et de cadre institutionnel. Il devrait jouer un rôle très important dans ce domaine.
Justement, quelle sera la place de cette structure par rapport à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982 ?
En septembre dernier, il y a eu, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, une rencontre qui a regroupé les États-Unis et d'autres pays dont le Sénégal. C'est de là qu'une déclaration conjointe a été faite et cette dernière prenait en compte l'existence de plusieurs structures qui travaillent dans le domaine de cette coopération Atlantique, c'est-à-dire l'existence de structures, mais également l'existence de documents fondateurs y compris la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. J'estime donc qu'il existe une architecture internationale qui pourrait aider à cette action-là. Il s'agit de prendre en compte cette architecture pour pouvoir faire avancer cette initiative.
Vous êtes au Sénégal dans le cadre de cette initiative. Qu'est-ce que vous avez prévu de faire durant votre séjour ?
Je suis arrivé aujourd'hui (Ndlr : mardi) et j'ai pris fonction il y a deux à trois mois. Ce déplacement au Sénégal est l'une des premières étapes dans mes activités. C'est un pays très important. J'accorde de la valeur à la concertation avec le Sénégal. C'est essentiellement le centre d'intérêt de cette visite. Il s'agit de travailler avec le Gouvernement et les pouvoirs publics. Il y aura, bien entendu, plusieurs autres acteurs, notamment dans le domaine de l'économie bleue. Mais, dans un premier temps, il s'agit de rencontrer les autorités sénégalaises, de recueillir les priorités du Sénégal vis-à-vis de cette Initiative de l'Atlantique portant sur la gouvernance maritime, l'économie bleue et le développement.
Est-ce que l'Initiative pour la coopération de l'Atlantique aura des similitudes avec l'Aukus (acronyme des pays membres : Australia, Royaume-Uni, États-Unis), lancé par votre pays en Indopacifique ?
Vous avez posé une question importante. Les États-Unis ont une façade maritime tant sur le Pacifique que sur l'Atlantique. Donc, il y a des parallèles. Toutefois, je ne voudrais pas faire une fixation sur ces parallèles parce que l'Atlantique constitue à lui-même une spécificité et c'est une spécificité importante en matière de priorités. L'Atlantique également est unique parce qu'on parle d'une zone pan-Atlantique, c'est-à-dire l'Atlantique dans son entièreté. Il s'agit de créer cette communauté des pays riverains de l'Atlantique, de devenir cette communauté Atlantique. Et c'est ce qui en fait une zone spécifique. C'est ce qui fait sa spécificité, j'allais dire.
Pour d'aucuns, les routes maritimes internationales constituent une zone de non-droit. Est-ce que l'Initiative pour la coopération de l'Atlantique pourra aider à prendre à bras-le-corps ces questions ?
J'ose croire que oui. Cette structure va aider à résoudre la situation que vous avez évoquée puisque nous avons des partenaires. Nous avons des défis communs et des priorités communes. Il y a le problème de la criminalité via le trafic de stupéfiants, la traite des personnes qui sont considérées comme étant d'importantes priorités. Il s'y ajoute également la question de la piraterie qui semble être un problème non résolu. Il s'agit donc de renforcer la coopération et la collaboration, ainsi que l'échange d'information. Je pense que cette structure va constituer un élément fondamental ou des éléments fondamentaux pour pouvoir combattre ces phénomènes.
Vous avez été Ambassadeur des États-Unis auprès de l'Union africaine. Quelle lecture faîtes-vous des relations entre votre pays et l'Afrique au moment où le continent cristallise l'attention des grandes puissances et des pays émergents ?
C'est une relation très positive et très constructive. Lors du dernier Sommet États-Unis-Afrique, le Sénégal dirigeait l'Union africaine, et il y a eu d'importants résultats en matière d'accords entre Gouvernements ; des accords entre des entreprises africaines et des entreprises américaines. Le Sénégal y a joué un rôle moteur, tout comme dans le cadre de la prévention des conflits et l'intervention en matière de conflits. Donc, cela constitue une perspective unique et importante dans le cadre de la coopération pour venir à bout des défis à travers cette Initiative.
Quel bilan tirez-vous de la présidence de Macky Sall à la tête de l'Ua ?
Ce fut un mandat couronné de succès, je pense, avec des résultats concrets en matière de défis liés à la paix et dans le cadre de l'agenda de développement. Le Président Macky Sall a su porter la voix du continent très haut dans cette architecture internationale.
L'Initiative pour la coopération de l'Atlantique est à l'état de projet. Est-ce qu'on peut avoir plus de données quant à sa réalisation ?
C'est une question tout à fait légitime parce que nous sommes en concertation avec plusieurs pays. Il est prévu, d'ici fin mai, une rencontre, la première du genre. C'est sur la base de cette rencontre que nous allons prendre des décisions. Je ne veux pas devancer un peu les leaders, me substituer à eux pour avancer des dates, car ils jouent un rôle très important dans cette Initiative.