La première phase du Plan Sénégal Emergent (PSE) a été couronnée de succès. L'affirmation est de Me El Ousseyni Kane, directeur général du Bureau opérationnel de suivi du Pse (BOS). Dans cet entretien exclusif au Journal de l'économie sénégalaise (Lejecos), Me Kane fait le bilan des dix ans de mise en oeuvre du PSE. Il revient également sur la seconde phase du PSE, la mise en place du Hub minier qui devra générer près de 26 mille emplois formels et informels, avec des impacts directs de 200 milliards FCFA de contribution au Pib et 250 milliards FCFA en termes d'exportations par an.
Avocat spécialisé en fiscalité, finances et droit des affaires, El Ousseyni Kane est titulaire d'une Maîtrise de Droit privé (option droit des affaires) de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, d'un Diplôme d'études approfondies de droit économique et des affaires de l'Université d'Orléans. Il est aussi titulaire d'un Master en fiscalité et management de l'Ecole supérieure de gestion de Paris ainsi que d'un diplôme en Administration Publique (option économie et finances publiques) de l'Ecole nationale d'administration (ENA) de Paris.
Me El Ousseyni Kane, directeur général du Bureau opérationnel de suivi du Pse (BOS)
Monsieur le Directeur Général, pouvez-vous nous rappeler les missions et le cadre d'intervention du Bureau opérationnel de suivi du Plan Sénégal Émergent (Bos) ?
Grâce à la vision du Président de la République, Son Excellence Macky Sall, déclinée dans le Pse, le Sénégal s'est doté d'un référentiel unique de développement économique et social. En cela, le PSE incarne une vision stratégique qui ambitionne de nous amener à l'émergence dans un horizon temporel bien défini à savoir 2035. Le Bos du fait de ses missions de coordination, de suivi, de résolutions des goulots et d'évaluation des performances réalisées, porte l'empreinte de cette volonté politique forte. Le Bos, on peut le dire, est la tour de contrôle, l'assurance résultat de cette vision en ce qu'il accompagne toutes les structures d'exécution dans la structuration des actions stratégiques, en suscitant la prise de décisions de haut niveau, grâce aux informations et outils d'aide à la décision partagés chaque semaine en Conseil des ministres et donc le Bos évalue l'impact réel des politiques publiques sur les populations bénéficiaires. Grâce à son expertise reconnue par-delà le monde, le Bos joue aussi un rôle de cabinet de conseils et d'accompagnement à l'image des mastodontes dans le secteur, pour toutes les structures étatiques, dans la mise en oeuvre de leurs actions phares. Il assiste aussi le secteur privé dans le cadre des investissements réalisés dans notre pays.
En 2022, le Bos s'est distingué dans l'organisation de beaucoup de rencontres et la réalisation de plusieurs études dont trois sur la pauvreté, la répartition des revenus issus de nos ressources pétrolières et gazières. Pourquoi cette nouvelle approche dans des études d'impacts aussi stratégiques et sensibles ?
L'évaluation des politiques publiques renforce la qualité de la prise de décisions et donne lieu à des recommandations pour améliorer l'efficacité de l'intervention de l'action publique. L'évaluation constitue souvent le maillon faible du cycle des politiques publiques, et il faut le reconnaître les pays rencontrent encore beaucoup de difficultés pour la promouvoir. Évaluer la performance et les résultats aide à comprendre pourquoi certaines politiques publiques fonctionnent et d'autres non.
La qualité de l'évaluation des projets et programmes publics est à cet égard un facteur essentiel de garantie de la robustesse et de la validité de l'action publique.
Ces activités rentrent donc dans nos missions qui sont aussi de fournir des outils d'aide à la décision à la haute autorité. Il était devenu nécessaire, voire indispensable au bout de quelques années de mise en oeuvre du Plan Sénégal Émergent (PSE) d'évaluer la pertinence des choix et des options, de voir les impacts réels sur le quotidien des populations de l'action publique déroulée. Il était aussi nécessaire face aux nouveaux enjeux, et au monde changeant, de s'intéresser à la prospective pour anticiper sur certains chocs et saisir les nouvelles opportunités par une analyse fine de l'évolution socio-économique de notre pays.
Nous avons réalisé ces dernières années plusieurs études dans ce cadre. Les plus récentes ont abordé la question de la transition dans la pauvreté pour apprécier les performances du Pse en termes de lutte contre la pauvreté, de réduction des inégalités ainsi que l'accès aux services sociaux de base. Les résultats ont permis de mieux comprendre les incidences socio-économiques des programmes de protection sociale sur la réduction de la pauvreté et les inégalités de revenus. Finalement, il serait important d'adopter une stratégie de sortie de la pauvreté et un ciblage dans la mise en oeuvre des approches de protection sociale.
Nous avons conduit aussi une étude sur la répartition des ressources pétrolières. Là, il s'agissait de poser le débat sur l'allocation optimale à faire de celles-ci, entre les différents secteurs prioritaires qui doivent porter la croissance du Sénégal.
Une autre approche que nous avons développée aussi récemment, c'est une méthodologie innovante, assez révolutionnaire, mais redoutablement efficace qu'est le « Big Fast Result » en termes de structuration de projets, réformes et programmes d'envergures et complexes. Il était évident que beaucoup d'actions prioritaires du Pse tardaient à se réaliser du fait de l'absence d'une feuille de route claire et budgétisée, ainsi que la définition de tous les organes de gouvernance et de pilotage pour la mise en oeuvre de ces initiatives.
Avec cette méthodologie de Lab, qui nous a été inspiré par le Pemandu Delivry unit de la Malaisie et que nous avons domestiquée, nous avons pu réaliser la structuration de projets d'envergure du Pse comme les agropoles Sud et Centre, la relance de l'industrie pharmaceutique dans le contexte de la COVID, le Pse vert, le Hub minier régional, et pour cette année nous ferons la structuration complète des réformes phares « Modernisation de l'administration», le «Pse jeunesse», «l'écosystème de construction » et la stratégie d'import-substitution du blé par les céréales locales.
Le Plan Sénégal Émergent (Pse) constitue depuis 2014 le référentiel de la politique économique pour accélérer la marche vers l'émergence du Sénégal à l'horizon 2035. Après une dizaine d'années de mise en oeuvre, quel bilan à mi-parcours tirez -vous sur le plan économique et social ?
La première phase décennale de mise en oeuvre du Pse est rythmée autour de deux Plans d'actions prioritaires à savoir le PAP-1 sur la période 2014-2018 et le PAP-2 2019-2023.
La première phase opérationnelle se singularise par une croissance soutenue de 6% en moyenne annuelle, portée par le secteur tertiaire, suivi du secondaire et du secteur primaire. Cette croissance a permis de réduire le taux de pauvreté du Sénégal de 5% qui est passé de 42,8% en 2011 à 37,8% en 2018. Il faut le souligner, le Sénégal enregistre le plus faible taux de pauvreté dans l'espace Uemoa.
La survenue en 2020 de la pandémie du Covid-19 a porté un coup de frein à cette dynamique de croissance. Ceci a justifié l'adoption en 2020 du Plan d'actions prioritaires ajusté et accéléré (PAP-2A) qui accorde la priorité aux secteurs de souveraineté tels que l'agriculture, le développement de l'agro-industrie, la santé et l'industrie pharmaceutique et ce, en vue de rétablir la trajectoire de croissance.
Ainsi, sur la période 2019 - 2022, la croissance moyenne annuelle s'est établie à 4,4%. L'exploitation du pétrole en 2023 devrait permettre d'atteindre un niveau de croissance plus élevé que celle de la première phase.
Cette première décennie a démontré clairement que le Pse est une réussite. Dix après, il est incontestable que la photographie du Sénégal en 2014 est différente de celle de 2023. Le Pse est une réussite à plusieurs égards. Un nombre plus important de nos compatriotes ont accès à l'électricité avec le triplement de notre production énergétique. De même, l'accès à l'eau est devenu une réalité pour beaucoup de nos concitoyens avec la mise en service des ouvrages de Keur Momar Sarr (Kms), la construction de milliers de forages dans les zones les plus reculées et bientôt des usines de dessalement.
Nonobstant le fait que plus de territoires sont désenclavés avec des milliers de kilomètres de pistes, de routes et d'autoroutes mises en service, et qu'aujourd'hui les sénégalais produisent et nourrissent leurs compatriotes avec les performances notées dans le secteur de l'agriculture, de l'élevage, de l'aquaculture. Je pourrai en dire autant dans les politiques d'équité territoriale et sociale avec les filets sociaux mis en oeuvre, dans la santé, l'éducation, la protection sociale. Le bilan est largement positif et la dynamique sera poursuivie pour porter notre pays sur les rampes de l'émergence.
Dans le cadre du suivi du Pse, on distingue 27 projets et 18 réformes phares, pouvez-vous revenir brièvement sur ces axes et catalyseurs économiques ?
La mise en oeuvre du Pse est bâtie autour de secteurs prioritaires ou « batailles clés » pour la transformation structurelle de notre économie et une croissance partagée. Il s'agit de développer i) le secteur agricole, l'élevage et les produits de la mer, ii) le secteur minier et les fertilisants ; iii) l'habitat social et l'écosystème de construction ; iv) les services (tourisme, économie numérique, santé, éducation...) ; v) moderniser l'économie sociale et solidaire ; vi) faire du Sénégal un hub logistique et industriel.
Ces « batailles » sont déclinées à travers 27 projets phares inscrits dans un cadre normatif, notamment à travers les 18 réformes phares, pour rendre l'environnement plus incitatif et apte à favoriser l'atteinte des objectifs.
Ces projets et réformes sont déclinés à travers plusieurs composantes phares qui doivent imprimer le rythme à notre stratégie d'émergence. Mais il faut le préciser, le Pse n'est pas seulement ces 27 projets et 18 réformes phares, mais une stratégie globale qui tourne autour de ses trois axes à savoir, la transformation structurelle de l'économie ; le renforcement du capital humain et la protection sociale ; et enfin, la bonne gouvernance, la paix et la sécurité.
En octobre 2022, le Sénégal, sous la direction du Bos, s'est doté d'une feuille de route pour le projet phare de hub minier régional : Quels sont les enjeux liés à cette importante initiative pour le Sénégal ? Est-ce que les résultats augurent de belles perspectives et donnent raison d'espérer quant à l'avenir de ce projet ?
Le projet phare « Hub minier régional » a pour ambition de faire du Sénégal le centre référence de services miniers d'Afrique de l'Ouest. Il consiste à mettre en place un écosystème attractif pour les fournisseurs de référence de services miniers. Cet écosystème repose sur trois composantes majeures pour accroître la valeur ajoutée de l'exploitation des ressources minières au Sénégal :
Un hub de services, notamment la sous-traitance opérationnelle, y compris les matériaux de base et les centres de maintenance et d'analyse d'échantillons ;
Un hub logistique, incluant des centres de distribution stockant et offrant des consommables, pièces de rechange et équipements ;
Un hub académique, notamment la formulation d'une offre de formation adaptée aux métiers des mines.
A travers sa mise en place, il est attendu en termes d'impacts socio-économiques, la création d'environ 26 000 emplois (formels et informels), et la génération de plus de 200 milliards de FCFA de contribution au Pib en plus des 250 milliards FCFA d'exports par an. L'atteinte de ces objectifs est assujettie à la prise de mesures au plan fiscal et douanier, pour soutenir le développement du contenu local et augmenter les revenus du Sénégal. Le Bos, avec l'ensemble des acteurs nationaux et des partenaires internationaux, a structuré entièrement ce projet phare stratégique pour notre pays. Il faut retenir que plusieurs pays dans la sous-région se positionnaient pour être le Hub minier régional, les enjeux étant stratégiques sur tous les plans. Nous avons réussi à décliner la feuille de route, dont la mise en oeuvre relève de la responsabilité du ministère en charge de l'industrie. Nous espérons que toutes les diligences sont prises pour garder le rythme et opérationnaliser rapidement cette feuille de route avec l'accompagnement du Bos bien entendu.
S'agissant des réformes, le volet « financement de l'économie » reste un grand défi au regard de la faible bancarisation et de l'accès encore difficile des Tpe et Pme au crédit classique.
Le catalyseur « Financement de l'économie » comprend deux réformes phares adressant les besoins spécifiques la « Bancarisation des bas revenus » et « Accès des Tpe et Pme au crédit et au financement ».
La réforme phare « bancarisation des bas revenus » vise à mettre en place un cadre régulatoire et normatif favorisant la bancarisation des bas revenus. Elle intervient dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et s'appuie sur un cadre légal et réglementaire. C'est ainsi qu'il faut apprécier la mise en place d'une stratégie nationale d'inclusion financière, qui est la déclinaison de l'initiative régionale en matière d'inclusion financière. Ladite stratégie vise à fournir l'accès aux institutions financières, de façon équitable, à tous les segments de la population, une gamme diversifiée de produits et services adaptés à leurs besoins et moyens. Cette stratégie est sous-tendue par la stratégie d'éducation financière en cours d'élaboration qui, elle, vise à sensibiliser les populations sur l'utilité de la bancarisation et à leur fournir une éducation sur l'utilisation des services à leurs dispositions.
Cette réforme a fait ses preuves et participe à la réduction de la pauvreté. Une étude récente menée par le BOS a montré qu'une personne bancarisée a deux fois moins de chance d'être pauvre qu'une personne non bancarisée. Actuellement, le taux de bancarisation élargi (accés aux banques et institutions de microfinance) est de l'ordre de 54%.
Quant à la réforme « Accès des Tpe et Pme au crédit et au financement », elle vise à mettre en place un cadre favorisant l'accès des Pme aux offres de financement. En effet, plus de 90% des entreprises sénégalaises sont des Pme et des Tpe. Or, l'offre bancaire classique n'est pas adaptée aux besoins et aux capacités d'endettement des Pme et Tpe. Il convient ainsi de trouver un système de financement qui réponde aux besoins des Pme.
C'est pourquoi, en plus de la microfinance, il existe des financements innovants qui existent et qui marchent dans d'autres pays, notamment la finance islamique et la microfinance islamique, qui sont favorisées dans le cadre du Programme de développement de la microfinance Islamique (PROMISE), avec l'appui de la Banque islamique de développement (BID) qui a mis en place des lignes de financement islamique au sein de certaines institutions financières de la place.
D'autres types de financement innovants sont mis en oeuvre, notamment la finance verte (Green Banking), l'affacturage, le leasing, etc. Au total, dans le cadre de cette réforme, tout est mis en oeuvre pour permettre aux entreprises d'avoir accès au financement.
Ainsi, cette réforme prend en charge les difficultés rencontrées par les structures d'appui et d'encadrement aux Pme, c'est pourquoi, elle vise aussi à renforcer le dispositif d'appui financier et non financier des Pme tout en favorisant comme vous pouvez l'imaginer, la formalisation des entreprises, qui pour la plupart, sont dans l'économie informelle.
La stratégie de l'État dans le cadre du Pse a été de mettre en place un certain nombre d'initiatives réglementaires incitatives, mais aussi de créer ou renforcer des structures dans tous les segments comme la Der/FJ, l'Adepme, le Fongip, le Fonsis, le Bureau de mise à niveau (BMN), le Promise, entre autres.
En 2021, sur 695 903 entreprises légalement constituées, seules 17 170 fournissent des états financiers. Ainsi, la majorité des entreprises légales ont tendance à basculer dans l'économie informelle, du fait de leur non-conformité aux règles légales financières et fiscales. Ceci montre que malgré les efforts importants entrepris par les structures d'appui aux Pme sous la tutelle des ministères concernés et de la Bceao, le tissu d'entreprises formelles et affichant une pérennité et une solidité demeure encore faible.
Le secteur privé national déplore souvent son manque d'implication dans la mise en oeuvre des projets phares du Pse. Quelle réponse leur apportez- vous?
L'implication du secteur privé national est déterminante pour réussir le Pse et l'émergence de notre pays. Le secteur privé doit jouer et joue sa partition dans cette stratégie de développement économique et social. Nous l'avons compris et un certain nombre d'actes posés démontre la prise en compte de l'enjeu de l'implication du secteur privé national.
D'ailleurs, plusieurs textes ont été adoptés pour favoriser son implication, d'autres ont été adoptés notamment la réforme de la loi sur la commande publique pour favoriser plus d'acteurs nationaux dans les marchés publics, de même que la loi sur les partenariats publics-privés, la stratégie nationale de développement du secteur privé, le crédit-employeur, et enfin, la loi sur le contenu local, qui réserve une bonne partie des activités dans le pétrole et le gaz à nos compatriotes, pour ne citer que ceux- là.
La stratégie d'accompagnement du secteur privé national ne doit pas exclure du marché sénégalais des partenaires, investisseurs étrangers qui doivent aussi contribuer à notre développement. L'émergence nécessite de créer les conditions d'attractivité des investissements étrangers, la confiance de ces investisseurs pour favoriser le financement de projets d'envergure à haute valeur technologique comme le Train express régional (ter) ou le Bus rapid transfer(Brt). Nous faisons en sorte de créer des « links » dans tous les projets d'envergure d'un point de vue financier ou technique dans lesquels l'accompagnement extérieur est nécessaire avec le privé étranger et national.
Il faudra aussi oser le dire, notre secteur privé doit faire preuve de plus d'initiatives, de plus de prise de risques mais également doit renforcer ses capacités techniques et financières pour mieux participer activement à la mise en oeuvre du Pse. Les études que nous réalisons ont également pour vocation de renforcer la capacité du secteur privé à mieux jouer son rôle d'anticipation.
Dans le domaine énergétique et de la souveraineté alimentaire, quelles sont les réalisations phares et les perspectives à consolider en terme d'interventions ?
Depuis le lancement du Pse, la puissance installée est passée de 570 MW en 2012 à plus de 1 787 MW en fin 2022. Plusieurs centrales électriques de grande capacité sont en cours de développement (Mboro, Saint-Louis, Cap des biches) et celle de Malicounda a été inaugurée le 11 février 2023 (120 MW pouvant alimenter plus de 700.000 ménages). Le Sénégal s'est également doté d'une stratégie «Gas-to-power» impulsée par les potentiels gaziers de Gta et Yaakar-Teranga qui permettra d'alimenter ces centrales avec du gaz local.
La mise en oeuvre des projets énergétiques a permis d'augmenter la capacité de production d'énergie du pays, de diversifier les sources d'énergie et de réduire la dépendance aux énergies fossiles. Cette diversification aura pour impact direct la réduction des émissions de carbone dans l'activité de production d'électricité.
Cette prise en compte de la question énergétique est une source réelle de satisfaction dans le cadre de la mise en oeuvre du Pse . En effet, un plus grand nombre de sénégalais ont accès à l'électricité, nous avons oublié les longs délestages de 2011 et le Président de la République a favorisé le développement d'énergies renouvelables avec les centrales éoliennes et solaires mises en service dans notre pays. Nous avons aujourd'hui le taux de mixité énergétique le plus important de la sous-région.
Au niveau de la sécurité alimentaire, les productions sont estimées en 2022 à près de 3 663 690 tonnes, soit une hausse de 5% par rapport à la campagne agricole précédente et de 23% par rapport à la moyenne des 5 dernières années.
La valeur ajoutée du secteur agricole est passée de 780,4 milliards FCFA en 2019 à 1 574,7 milliards FCFA en 2022, soit une croissance de 101,8%. Cette évolution s'explique par la mise à la disposition des agriculteurs des intrants de qualité, ainsi que des matériels adaptés pour le renforcement de la productivité agricole. L'État du Sénégal, dans sa politique de mise en place des intrants, a renforcé son soutien aux producteurs en augmentant le budget du programme agricole. Les taux de mise en place des semences ont été particulièrement satisfaisants, atteignant globalement plus de 95,0%.
Grâce à une volonté politique forte, le secteur de l'agriculture a franchi un nouveau cap. Cette stratégie a permis de porter la croissance de notre pays et d'encaisser les chocs nés de la crise de la Covid 19 et d'éviter à notre pays d'entrer en situation de récession économique.
Nous devons réaliser la souveraineté alimentaire de notre pays, qui passe par le renforcement de tous les chaînons des filières et la prise en compte des besoins de tous les sous-secteurs notamment l'élevage, la pêche, l'aquaculture et l'agroforesterie. Le Président de la République a pris l'option forte d'accélérer le rythme de réalisation de notre autosuffisance alimentaire avec la nouvelle stratégie de souveraineté alimentaire qui adresse tous les aspects allant de la production à la consommation, en passant par le stockage, la transformation - valorisation et la distribution des produits agricoles.
Pour ce qui est du développement du capital humain, notamment sur la question de l'entrepreneuriat, de l'insertion professionnelle et de l'employabilité des jeunes, quels sont les acquis et défis prioritaires à relever pour le Pse ?
Le développement du capital humain est la clé de voûte du Pse et un de ses 3 axes stratégiques. La transformation structurelle de notre économie passe forcément par des ressources humaines formées et hautement qualifiées. L'État du Sénégal a compris cela en créant 3 nouvelles universités depuis 2012 afin d'élargir l'offre de formation et la carte universitaire.
Des réformes phares ont été engagées comme celle sur l'alignement de l'enseignement supérieur sur les besoins de l'économie, afin d'orienter les jeunes sénégalais vers les secteurs porteurs. L'entrepreneuriat et l'accompagnement des jeunes n'est pas en reste avec des initiatives comme le Programme sénégalais pour l'entrepreunariat des jeunes (Psej), le 3Fpt et des outils d'accompagnement comme la Der/FJ et le Fongip qui contribuent fortement au financement des jeunes.
Nous allons structurer le Pse jeunesse dans le courant de cette année, afin de rationaliser les modes d'intervention de l'État en direction des jeunes, et aussi pour permettre une meilleure prise en compte de leurs besoins dans la formation, l'accompagnement, le financement et l'insertion.
Le développement accéléré des formations techniques et professionnelles reste également une réforme majeure à engager pour résorber notamment le déficit des compétences des jeunes. En termes de résultats mesurables, qu'est ce qui a été fait concrètement ?
L'État du Sénégal a entamé en 2013 une réforme du système de financement de la formation professionnelle et technique. Celle-ci a abouti à la création du Fonds pour le financement de la formation professionnelle et technique (3Fpt). Depuis 2016, c'est plus de 60.000 personnels d'entreprises et d'organisations professionnelles formés pour un montant de 11 milliards de FCFA, 87000 jeunes qui ont bénéficié de bourses de financements pour des formations pré-emploi pour un montant de 26 milliards de FCFA et plus de 380 projets en faveur des établissements professionnels et techniques pour financer la formation initiale et la formation continue avec 14 milliards investis.
Cette dynamique a aussi permis de construire, de réhabiliter et d'équiper 21 centres de formation professionnelle. A ce jour, nous avons développé des établissements comme les Isep (Instituts supérieurs d'enseignement professionnel) qui sont aujourd'hui au nombre de 5 et répartis entre Diamniadio, Thiès, Matam, Dagana et Bignona et qui contribuent fortement à la qualification technique et professionnelle de nos jeunes dans ces régions. L'objectif est de faire un maillage national avec toutes les régions du Sénégal couvertes.
La promotion de l'habitat social et d'un écosystème de construction reste une grande priorité pour les populations dans un contexte de forte pression immobilière et foncière. Quels sont les leviers mis à contribution par l'Etat pour atteindre cet objectif dans le cadre du Pse ?
Effectivement, la question du logement est au coeur des préoccupations des populations et de l'État. Afin de prendre en charge cette problématique, plusieurs projets sont en cours de mise en oeuvre notamment le projet «100 000 logements», l'aménagement de pôles urbains de Diamniadio, Lac Rose et Dagua Kholpa. A ces projets structurants, s'ajoute la création du Fonds pour l'habitat social (Fhs) et de la Société d'aménagement foncier et de rénovation urbaine (Safru SA) dont les missions sont respectivement de garantir les prêts destinés à l'acquisition de logements sociaux et d'assurer l'aménagement des sites devant abriter les programmes immobiliers de l'Etat et de contribuer aux opérations de rénovation et de restructuration.
Parallèlement, un guichet unique est mis en place dans le but de faciliter aux cibles l'acquisition des unités d'habitations. L'Etat est cependant conscient que l'atteinte des objectifs assignés aux projets de logements sociaux est tributaire de la disponibilité et des coûts des matériaux de construction qui sont pour la plupart importés. D'où, l'impérieuse nécessité de développer l'écosystème de la construction, il s'agira de structurer une filière de production de matériaux à travers :
Le développement d'une industrie locale du bâtiment pour accroître l'offre de logements, faire baisser les coûts de construction et améliorer la qualité en introduisant les matériaux locaux ;
L'émergence d'acteurs sénégalais de la construction avec des champions nationaux ;
La prise en compte de l'efficacité énergétique dans les projets d'habitat.
L'Etat a lancé récemment les travaux de formulation du Plan national de développement (Pnd). Quelle articulation entre cette nouvelle stratégie de développement et le Pse ? Comment le Bos compte s'impliquer dans l'élaboration de ce Pnd?
Le processus de formulation du Pnd 2024 - 2028 a été lancé, le 24 janvier 2023, par le Ministre de l'Économie, du Plan et de la Coopération, Madame Oulimata SARR,. Il s'agit dans le cadre de cet exercice de faire le diagnostic global d'abord de la mise en oeuvre du Pse, d'élaborer le nouveau plan de développement, de définir de nouveaux projets et réformes phares et de faire le cadrage financier avant d'aller au Groupe Consultatif.
Naturellement, le Bos est partie prenante au processus et ce, en étroite collaboration avec la Direction Générale de la Planification et des Politiques Economiques (DGPPE). A ce titre, le Bos y contribuera à travers le bilan des réalisations et les études menées qui permettront d'une part, de souligner les avancées, contraintes, et d'autre part de présenter les enseignements tirés en vue de dégager des perspectives et proposer la nouvelle génération de projets et réformes phares pour les prochaines cinq années du PAP3.