Les nouvelles ne sont pas bonnes en matière de lutte contre le terrorisme au Burkina. Et le dire, ce n'est pas ignorer le dévouement de nos braves Forces de défense et de sécurité (FDS) et braves Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) au front. Ils y sont et vont courageusement au contact de l'ennemi.
Tous nos voeux de succès les accompagnent. Hélas, il y a ces tristes vérités qui interpellent et commandent de proscrire la politique de l'autruche, celle consistant à enfouir nos têtes dans le sable douillet de la propagande qui flatte notre ego ou des meetings bling bling qui oblitèrent nos consciences, éblouissent nos yeux en bandeau cache-laideur des victimes des Groupes armés terroristes (GAT).
Hélas encore hélas, ces derniers continuent leurs incursions meurtrières et à peine avait-on fait le deuil des massacres à Karma, dans la région du Nord, qu'il faut de nouveau trouver 33 linceuls aux victimes d'une nouvelle tuerie de masse à Youlou, dans le département de Tchériba, région de la Boucle du Mouhoun. 33 nouveaux macchabées qui viennent grossir le nombre des quelque 9 000 personnes, (FDS, VDP et civils) tuées dans cette interminable et sale guerre qui déstabilise le pays depuis 7 longues années. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, c'est la veille de ces assassinats de civils à Youlou, de paisibles maraîchers à leur tâche, soit le 12 mai, que le Secrétariat permanent du Conseil national de secours d'urgence et de réhabilitation (SP/CONASUR) publiait, le chiffre de 2 millions 62 mille 534 comme celui du nombre de personnes déplacées internes au Burkina à la date du 31 mars 2023. C'est énorme, inquiétant, catastrophique, même si on voyait venir l'exacerbation de cette crise humanitaire, sans trop y croire, avec l'espoir que le miracle viendrait de « ces avions sans bruit » dont tant de vidéos nous vantent l'efficacité sur les réseaux sociaux.
En attendant le miracle des drones, il faut se rendre à l'évidence, la crise humanitaire va de mal en pis au Burkina et ce ne sont pas « des médias impérialistes » ou « anti IB » qui l'annoncent. C'est un organisme public, dirigé par des fonctionnaires de l'Etat, le CONASUR, qui le dit, après un décompte méthodique que fait cette structure depuis le début de cette sale guerre. On est fondé donc à croire que ce chiffre de plus de 2 millions de PDI au Burkina est véridique. Déjà le 31 janvier 2023, le même organisme annonçait 1, 94 million de PDI ; le 28 février, cette courbe de la honte pointait à 1,99 million ; le 31 mars dernier elle a poursuivi son inquiétante ascendance, crevant le plafond symbolique de 2 millions de PDI dont 52, 75 % de femmes et 50% d'enfants de 0 à 14 ans. C'est près de 10% de la population burkinabè qui est prisonnière chez elle ; peut-être plus, car selon les estimations du bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA), elle est de 3, 1 millions, la population burkinabè ciblée par les humanitaires qui sont en besoin d'assistance, que ce soient des PDI ou non.
Et cette crise humanitaire affecte toutes les 13 régions, certes à des degrés de gravité modulés, mais la triste réalité est là, implacable, dérangeante, révoltante : les groupes armés terroristes ont pignon sur piste dans toutes les campagnes du pays. Quand cette funeste courbe va-t-elle arrêter son inquiétante ascension ? Question légitime quand on sait que le déplacement des populations dérégule les activités économiques, particulièrement l'agriculture et l'élevage, des secteurs névralgiques de croissance au Burkina. Cette insécurité plombe également les activités de recherche et d'exploitation minière, ralentit drastiquement les investissements et les activités d'offres de service. Bref, l'économie burkinabè connaît une forte contraction avec une petite croissance du PIB de l'ordre de 2,5% en 2022. Quid de 2023 ?
L'optimisme, même des plus beats, perd racines dans le sable mouvant des situations tragiques. On sait gré au capitaine Ibrahim Traoré et à son équipe de faire montre d'un volontarisme contagieux dans la lutte contre les Groupes armés terroristes (GAT), mais il y a comme de l'eau dans le gaz de l'efficacité à réduire leurs armes assassines au silence. De fait, la folie meurtrière de ces GAT dément chaque jour les trop-dits de la communication officielle et les délires des "pro irissi" sur les réseaux sociaux, pour reprendre l'expression consacrée dans certains milieux. Car, sans verser dans un indécrottable scepticisme, si les efforts de lutte contre le terrorisme sont perceptibles dans le discours officiel et les mises à contribution des Burkinabè, on voudrait voir plus d'indicateurs de victoires : des zones naguère conquises totalement libérées ; des axes réputés dangereux entièrement sécurisés ; plus d'insurgés qui rendent les armes ; plus de PDI qui retournent et travaillent chez elles; des écoles qui rouvrent leurs portes dans des localités dont les résidents ont été jadis déguerpis par les GAT. Malheureusement, c'est tout le contraire avec l'inquiétante ascendance de la courbe des PDI, synonyme d'élargissement de la tache rouge de l'insécurité dans le pays.
Quand bien même on pencherait pour la thèse des GAT dans le désarroi, acculés par les FDS qui tireraient ici et là dans le tas de civils innocents comme à Karma et à Youlou dernièrement, il reste un brin de scepticisme quant à la bonne stratégie, à la bonne tactique d'aller au contact de l'ennemi dans un bon maillage du territoire national par les FDS dans leur déploiement.
Mais restons stoïques avec l'écrivain sénégalais Oumar Sangaré, qui soupire d'espérance : « Si longue et si noire que soit la nuit, il vient toujours une heure où enfin le jour se lève. » Découragement n'est pas burkinabè, mais gardons-nous d'être crédules, faisant le paon ou l'autruche quand l'urgence de la situation appelle à un sursaut patriotique, sans oeillères manichéennes.