Madagascar: Partie de poker entre Milius et Farquhar

Au nombre de sept en 1817, les traitants français et créoles installés sur la côte Est de Madagascar (Toamasina, Foulpointe, Tintingue) sont plus d'une centaine en 1820. Leur syndic, le sieur Dayot, part pour Bourbon, en septembre 1820, afin d'avoir des « entretiens politiques » avec le gouverneur Milius. À cette date, la colonie française de Sainte-Marie est rétablie, un agent français installé et le gouverneur de Bourbon y envoient un officier et un soldat.

Sylvain Roux, qui a déjà été agent commercial de la France à Madagascar, de 1807 à 1811, est chargé en 1818, d'une mission de reconnaissance sur les côtes malgaches et « c'est lui qui sera officiellement chargé de réoccuper définitivement l'ile Sainte-Marie, l'année suivante », précise Pierre Lintingre (Bulletin de Madagascar, octobre 1967).

Peu après cette mission de Sylvain Roux, le sergent Robin, déserteur de l'Armée française, monte à Antananarivo où il conquiert l'amitié et la faveur de Radama Ier. Robin fonde, dans la capitale merina, la première Académie militaire malgache, le « Collège des Éperviers ». Il organise l'armée royale qu'il emmène guerroyer contre les Sakalava avec le grade de « 12 honneurs Andrianjaka ».

Il épouse même une parente du roi. Bref, il devient, en peu de temps, « le personnage le plus populaire chez les Hova et le plus influent auprès de Radama ». D'après l'écrivaine Myriam Harry (Radama, premier roi de Madagascar), « si le baron Milius, gouverneur de Bourbon, avait eu la clairvoyance du gouverneur Farquhar de Maurice, il aurait profité du séjour de Robin auprès de Radama et de son influence à la Cour.

Il en aurait fait un résident français officiel et l'aurait soutenu de son crédit. » Mais Milius ne voit en Robin qu'un soldat déserteur. Et même plus tard, quand le fieldmarshall Robin, devenu gouverneur de la côte orientale, proposera ses services au capitaine Gourbeyre, « celui-ci, lui reprochant sa désertion, les refusera avec hauteur ». Pour le gouverneur Milius, Robin reste, en effet, un simple aventurier, « un simple particulier qui n'eut, de fait, aucune relation officielle avec les autorités françaises ». Il préfère envoyer en mission auprès de Radama et lui porter des cadeaux, le sieur Havet, médecin et naturaliste.

Mais ce dernier meurt des fièvres aux premiers jours du mois d'aout 1820. Pierre Lintingre se demande les raisons de cette précipitation du gouverneur Milius alors que, de notoriété publique, un mois plus tard, une mission venant de France pour Madagascar, est attendue à Bourbon, d'un jour à l'autre. En revanche, l'abbé Pastre, responsable de la congrégation catholique à La Réunion, sait mettre à profit cette information.

Et il s'empresse de demander à Radama la permission de laisser entrer des missionnaires catholiques français dans son royaume. Il prépare ainsi la voie aux religieux qui accompagneront la mission diplomatique et commerciale de Sylvain Roux. C'est ce que fera, pour sa part, mais au bénéfice de la religion réformée, Sir Robert Farquhar. Il intègre le missionnaire Jones dans la délégation de James Hastie, son agent diplomatique, ancien précepteur des frères sur roi durant leur séjour à Maurice, en 1816-1817. Car Farquhar est revenu depuis peu à son poste.

Et « le rapprochement de ces dates est assez éloquent», c'est-à-dire le retour du gouverneur Farquhar à Maurice, le 6 juillet 1820, et la lettre de l'abbé Pastre, le 19 aout. Or, Robert Farquhar écrit dès le 1er aout au roi merina pour lui faire part de son désir de renouer avec lui « des relations d'amitié, ô combien cordiales », commencées quelques années plus tôt, en 1816. Dès le milieu du mois d'aout, le bruit court à Toamasina qu'un représentant du gouverneur mauricien y est attendu.

L'abbé Pastre joue donc perdant dans cette course de vitesse enclenchée par Sir Robert Farquhar. Ce dernier compte envoyer, au plus tôt une mission auprès de Radama. L'objectif de celle-ci est de rétablir les relations diplomatiques avec Madagascar. Le gouverneur de Maurice n'est pas francophobe. Toutefois, les vues de souveraineté que la France a invariablement poursuivies dans cette région, ont toujours exaspéré son « patriotisme quelque peu chauvin ». D'après Auber, il n'y avait pas « pire ennemi que lui de la reconstitution de la puissance française dans l'océan Indien ».

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