Ile Maurice: Tabagisme - Haro sur la vente de cigarettes aux mineurs

Le 31 mai, les Public Health (Restrictions on Tobacco Products) (Amendment) Regulations 2022 prendront effet. Ces règlements restreindront la vente des cigarettes dans un rayon de 200 mètres des écoles et centres de sport et loisirs par les nouveaux revendeurs.

Quelle est l'ampleur du tabagisme chez les collégiens ? Cette mesure fera-telle un tabac ou les ventes partiront- elles en fumée ?

Le Cabinet ministériel l'a annoncé le vendredi 5 mai. À partir de la fin de mai, la commercialisation des cigarettes sera limitée pour les nouveaux revendeurs de tabac dans un rayon de 200 mètres autour des établissements scolaires et centres de sport et de loisirs. Une mesure qui figure dans le plan d'action national 2022-2026 pour le contrôle du tabagisme et qui soulève des questions sur l'accroissement de cette dépendance chez les mineurs alors que la loi interdit pourtant la vente de cigarettes à ces derniers.

Qu'en est-il dans la réalité ? «Dans les collèges, beaucoup d'élèves, filles comme garçons, fument avant et après les classes. C'est une tendance courante à Maurice. Ces jeunes ont plus d'argent de poche par rapport à ceux issus des générations antérieures», constate Riad Hullemuth, recteur du collège Saint Helena. Il accueille positivement cette mesure restrictive à proximité des collèges. Toutefois, il faut que sa mise en application soit effectuée en collaboration avec les autorités policières, suggère-t-il. Car le tabagisme chez les collégiens est préoccupant, dit-il.

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«Certains enfants s'y adonnent dès le Grade 7. Dans d'autres cas, des jeunes vendent des cigarettes à leurs pairs dans les toilettes. Evidemment, le prix sera plus élevé que celui pratiqué à la boutique. D'ailleurs, j'ai fait plusieurs doléances au poste de police, indiquant que des commerçants vendent des cigarettes aux mineurs, mais aucun suivi n'a été effectué. Pour ces boutiquiers, c'est de l'argent facile. Les élèves contribuent chacun Rs 5 et fument une cigarette collectivement», souligne Riad Hullemuth.

Les missions de prévention effectuées dans les collèges privés ont permis au travailleur social Ally Lazer de constater que 75 % de l'effectif d'une classe composée de 24 à 25 élèves ont déjà commencé à fumer des cigarettes. «Hélas, le tabac est une passerelle vers d'autres drogues. Dès le Grade 7 ou 8, les enfants commencent à fumer», observe-t-il. Pour lui, la limitation de la vente de cigarettes dans un rayon de 200 mètres ne changera pas grand-chose au problème. «Je connais beaucoup de jeunes qui sont sortis de la drogue dure après un traitement médical et un suivi psychologique mais qui ne peuvent en finir avec leur dépendance à la cigarette. Si on observe cette règle de restriction à 200 mètres, que se passe-t-il au-delà de cette distance ? D'autres points de vente seront toujours accessibles à ces mineurs.»

Ally Lazer relate avoir fait des descentes à la sortie des classes et avoir constaté la ruée des collégiens vers les commerces pour l'achat de cigarettes. «Je me demande qui respecte cette interdiction de vente aux mineurs. On se bat depuis plusieurs années pour la prévention face à cette addiction. Au niveau des écoles, il faut intégrer cela dès les Grades 5 et 6, et faire un suivi jusqu'au cycle secondaire. Cette prévention doit s'insérer dans le cursus et non se limiter à une simple causerie et puis on s'en va», affirme le travailleur social. Quant aux commerces qui font fi des règlements, Ally Lazer suggère l'activation des flying squads par les autorités pour des descentes régulières près des collèges.

Pour un boutiquier du Nord, il faut respecter scrupuleusement l'interdiction de vente de tabac aux mineurs. «Maintenant, si celleci s'applique juste aux collégiens dont les écoles sont à 200 mètres, cela sera une bonne chose. De toute manière, un commerçant n'est pas censé vendre des cigarettes à des enfants. J'en ai renvoyé plusieurs qui disaient venir en acheter pour leurs parents», déclare-t-il. Bien que sa boutique ne se situe pas à proximité des établissements concernés par la nouvelle mesure, il ne cache pas son inquiétude pour ses homologues commerçants.

Car, selon lui, si la nouvelle mesure restreint la vente de cigarettes à tout client, y compris les adultes, cela causera des problèmes. «Ces derniers viennent souvent en boutique ou tabagie pour acheter des gâteaux, une boisson gazeuse, des friandises pour les enfants et des cigarettes. Les ventes chuteront», déclare-t-il. Une situation qui sera difficile pour les commerçants, indique-t-il.

Plus de 50 % des jeunes accèdent librement au tabac malgré l'interdiction

D'après le «Country Report du Global Youth Tobacco Survey» de 2017, réalisé à Maurice et à Rodrigues, 17,4 % des jeunes des Grades 8 à 10 consommaient du tabac. Chez les garçons, ce taux était de 26,5 % ; et chez les filles, il était de 8,9 %. 13,6 % des élèves fumaient spécifiquement des cigarettes. Et 6,5 % d'entre eux en consommaient six voire plus par jour. 45,8 % des élèves ont été initiés à la cigarette entre 12 et 13 ans et 14,5 % avant l'âge de dix ans. En termes d'accès aux cigarettes, 50,5 % des jeunes interrogés affirment s'approvisionner auprès des commerces. Et 57,5 % avancent que ces établissements n'ont pas refusé de leur vendre des cigarettes bien qu'ils soient mineurs.

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