Dakar — La spécialiste en migration environnementale et changement climatique de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), Hind Aïssaoui Bennani, est revenue, vendredi, sur l'importance de soutenir les gouvernements de la sous-région, à mieux comprendre les mobilités dues au changement climatique, en vue de développer des politiques publiques prenant en compte cette dimension de la migration.
"On parle maintenant de plus en plus des mobilités humaines dans le contexte du changement climatique, de la dégradation environnementale et des catastrophes, il y a besoin de soutenir les gouvernements de la région pour mieux comprendre, mieux intégrer en vue de développer des politiques publiques prenant en compte cette dimension et développer des solutions", a-t-elle déclaré.
Mme Bennani, s'exprimait dans un entretien accordé à l'APS en marge d'un atelier de formation régionale sur les éléments essentiels de gestion des migrations (EMM 2.0) en Afrique de l'Ouest et du Centre.
Selon elle, "il ne faudrait pas seulement constater la catastrophe, mais plutôt travailler sur des politiques publiques, susceptibles de trouver des solutions pour les populations".
"L'objectif de ces politiques publiques est de créer des conditions permettant aux personnes et aux communautés d'avoir plus de pouvoir sur leur décision de migrer ou pas", a-t-elle précisé, soutenant que le Sénégal, connait un phénomène lent comme l'élévation du niveau de la mer dont il est extrêmement vulnérable à l'érosion côtière.
Le Sénégal, a-t-elle rappelé, a intégré à cet effet dans les discussions, du forum mondial sur l'eau organisé l'année dernière à Dakar, la question sur la migration". Elle s'est félicitée de cette volonté du pays à intégrer la question sur la migration à celle de la mobilité.
Pour Mme Bennani, il est important de prendre aussi en considération parmi les solutions, "les questions liées à la dégradation des terres, un problème commun à toute la région Ouest Afrique et du Centre.
Elle a insisté sur l'importance d'accompagner les villes du Sénégal à être plus fortes face aux enjeux climatiques, notamment les inondations, touchant en général toutes les couches de la population, mais en particulier les vulnérables.
Selon une étude de la Banque mondiale, il y aura une »forte migration interne » au Sénégal, du fait des phénomènes à évolution lente du climat, si rien n'est entreprise par l'Etat.
"D'ici 2050, le Sénégal pourrait compter jusqu'à un million de migrants climatiques internes. Ce chiffre va représenter 3,33 % de la population à l'extrémité supérieure du scénario pessimiste, où les émissions sont élevées et le développement inégal", souligne un rapport de la Banque mondiale transmis à l'APS.
Ce dernier indique que le Sénégal pourrait compter jusqu'à 206. 000 émigrants climatiques sur la côte. "Ces déplacements s'expliquent par les effets de l'élévation du niveau de la mer, aggravés par les ondes de tempête, qui entraîneront la perte de terres habitables", explique le document.
Pour le Sénégal, ajoute le rapport, la tendance de la migration climatique est à la hausse dans les quatre scénarios modélisés, avec toutefois d'importantes variations d'un scénario à l'autre. "Le nombre de migrants internes pourraient augmenter, se multipliant par 2,7 sur un scénario optimiste ou par 4,6 sur un scénario pessimiste entre 2025 et 2050", a-t-il encore indiqué.
La trajectoire du scénario pessimiste indique une forte accélération de la hausse entre 2045 et 2050, avec des impacts climatiques s'intensifiant tout aussi fortement.